napoleon.org : La campagne d’Égypte de Bonaparte est au cœur de votre film. Pourquoi l’avoir choisie comme point de départ ? Et connaissiez-vous cette histoire auparavant ?
Barbara Schulz : Ce qui était intéressant avec la campagne d’Égypte, c’est qu’elle offrait un cadre idéal pour une chasse au trésor. L’idée d’un trésor recherché depuis 4 000 ans en Égypte qui pourrait finalement se retrouver en France était assez incongrue. C’est aussi à cette époque que la fascination pour l’Égypte s’est véritablement développée en France, notamment grâce à Dominique Vivant Denon, qui a ramené de nombreux objets de ses voyages. Mais j’ai découvert que, comme nous avons perdu contre les Anglais, ce sont eux qui ont en quelque sorte raflé la mise. Ils ont exercé une forme de chantage en s’appropriant des pièces majeures, comme la pierre de Rosette. Or, Vivant Denon étant rentré plus tôt que les autres, il aurait très bien pu emporter quelque chose sans que les Anglais ne le confisquent ou même n’en aient connaissance.
napoleon.org : Quel a été votre intérêt pour cette campagne d’Égypte ?
Barbara Schulz : J’ai lu le récit de Dominique Vivant Denon, et j’ai trouvé cette expédition fascinante, avec ses moments grandioses mais aussi ses épisodes plus sombres, comme lorsque les soldats ont souffert de la faim pendant le siège de Saint-Jean-d’Acre… C’est presque irréel, ces grandes conquêtes lointaines, comme si elles relevaient d’une certaine folie. Quand on regarde les dessins de Vivant Denon, on se rend compte qu’il était animé par une curiosité insatiable. Il évoque Desaix et raconte comment lui-même ne cessait d’explorer, quoi qu’il arrive. Il y avait à la fois un grand mystère et une immense part d’inconnu, ce qui laissait aussi une grande place à l’imaginaire.
napoleon.org : Dans votre approche du personnage du cavalier du Louvre, avez-vous cherché à suivre ses pas ?
Barbara Schulz : Oui, c’est un personnage extrêmement mystérieux. Il a croisé Joséphine de Beauharnais lorsqu’ils étaient tous deux emprisonnés, et il est possible qu’il ait éprouvé des sentiments pour elle. Il a également interagi avec Bonaparte, puis avec le Louvre, et il a joué un rôle dans plusieurs projets architecturaux à Paris. Il avait un parcours atypique et intrigant.
napoleon.org : Parmi tous les personnages du Secret de Kéops, il y a le petit-fils de l’explorateur, interprété par Fabrice Luchini. Une véritable relation semble se tisser entre eux à travers l’histoire. Que pouvez-vous nous en dire ? Pensez-vous que la transmission de l’Histoire doit aussi être familiale ? Avez-vous des exemples personnels ?
Barbara Schulz : Personnellement, ma mère était passionnée d’histoire. Je l’ai toujours vue lire des biographies. Ce que j’ai toujours adoré, ce sont les anecdotes : elles rendent l’histoire plus vivante, plus intrigante. Je n’ai jamais été très forte en dates, mais je me souviens, à l’école, d’un devoir sur les accords de Yalta. J’avais lu un livre de la Collection Historique, avec une reliure bleue, et dans mon devoir, j’avais mentionné le cigare fumé par Churchill, le whisky qu’ils avaient bu, la teinte du bois de la table… Mon professeur avait tout barré en annotant : (ON S’EN FICHE). Pourtant, pour moi, ces détails rendent l’histoire plus concrète et plus captivante, surtout pour les jeunes.
napoleon.org : Vous avez évoqué votre enfance à la Malmaison. C’est votre mère qui vous y a emmenée ?
Barbara Schulz : Oui, j’avais 8 ans et je venais d’arriver à Paris. Un week-end, nous sommes allées à la Malmaison, et j’ai été fascinée par cet endroit. Dans le film, tout ce qui est évoqué est vrai, comme le fait que Vivant Denon ait séjourné à la Malmaison après la mort de Joséphine, ou que son ami Pierre Fontaine ait entrepris des travaux là-bas après la campagne d’Égypte. C’était passionnant d’intégrer ces éléments historiques.
napoleon.org : Cela ne vous a-t-il pas donné envie de réaliser un film purement historique ?
Barbara Schulz : Je ne sais pas si j’aurais envie de faire un film strictement historique. Ce qui me plaît, c’est d’utiliser l’histoire comme un cadre et de l’aborder à travers une dimension plus intime. Ce qui m’intéressait ici, c’était de mettre en parallèle la grande Histoire et l’archéologie familiale, car finalement, à l’échelle du temps, chaque histoire a son importance.