Charles-Eloi Vial : 4 questions sur les journaux de voyage de Marie-Louise (janvier 2015)

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Conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, docteur en histoire, lauréat des Bourses d’étude de la Fondation Napoléon (2010), Charles-Éloi Vial édite aux éditions Vendémiaire, dans la nouvelle collection Bibliothèque du XIXe siècle établie en partenariat avec la Fondation Napoléon, des journaux de voyages de l’impératrice Marie-Louise.

Propos recueillis par Marie de Bruchard, janvier 2015.

Charles-Eloi Vial : 4 questions sur les journaux de voyage de Marie-Louise (janvier 2015)
Editions Vendémiaire 2015

Marie de Bruchard : Dans l’Adieu à l’Empereur, vous présentez une version inédite des journaux de voyage de 1810, 1813 et 1814 de Marie-Louise, rassemblés ici en un seul volume. Quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour présenter ces journaux ? Y a-t-il une méthode particulière pour aborder des écrits destinés à l’origine à soi-même ?

Charles-Eloi Vial : Je dirais pour commencer que la principale difficulté a été de retrouver ces journaux afin de constituer une forme de corpus qui puisse être édité.
Une des copies du journal des voyages de Marie-Louise entre 1810 à 1813 est conservée à la Bibliothèque nationale de France et au moins trois autres copies partielles sont signalées comme étant en mains privées. J’ai d’ailleurs mis un certain temps à faire le lien entre le manuscrit que je venais de découvrir sur les rayonnages de la BnF et l’édition proposée par Frédéric Masson en 1921.

D’abord parce que l’histoire de ce manuscrit est extrêmement complexe, et qu’il m’a fallu du temps avant de retracer son histoire et de pouvoir affirmer avec certitude qu’il s’agissait bel et bien de la copie étudiée par Frédéric Masson. Ensuite parce que le texte proposé dans la Revue de Paris en 1921 était extrêmement difficile à reconnaître. Masson avait en effet réécrit une partie du document, sauté plusieurs pages, et mêlé des passages de son cru au texte rédigé par Marie-Louise, au point qu’il était parfois difficile de faire la différence entre les passages réellement transcrits d’un manuscrit, et ceux rédigés en 1920 et 1921 par Frédéric Masson. Il m’a donc fallu me libérer entièrement de cette première édition et retranscrire intégralement tout le manuscrit.
Pour le journal de 1814, la question s’est posée autrement : je savais que je ne pourrais pas voir le document original qui, actuellement, n’est pas localisé, et j’ai dû me rabattre sur l’édition de 1938. Par chance, il s’agit d’un texte court, presque d’un brouillon, dont l’édition était moins complexe à mener. Le résultat obtenu est bien un Journal de l’impératrice Marie-Louise, constitué des journaux rédigés au cours de quatre voyages successifs, en 1810, 1813 et 1814.

Une fois ces deux manuscrits transcrits, la partie la plus complexe du travail commençait : les commenter et les critiquer. Malgré le caractère excessivement intime de ces documents, j’ai choisi de privilégier l’angle de l’histoire curiale, et de voir en quoi ces récits, rédigés finalement par un protagoniste majeur de l’histoire de la cour impériale, s’inséraient dans le réseau déjà dense des mémorialistes et des diaristes de l’époque, ce qui m’a permis de critiquer certains passages et d’en reconnaître la validité. Par exemple, certaines descriptions de Marie-Louise concordent avec celles du baron Bausset, de Roederer, de la reine Hortense ou de Catherine de Westphalie, ce qui permet de les commenter et éventuellement de les compléter. On peut compléter ces témoignages déjà publiés par quelques inédits, comme la correspondance de Marie-Louise et de la maréchale Lannes, où l’impératrice reprend parfois certains passages de son journal intime, ou le complète par quelques impressions personnelles.
La seconde strate dans mon étude a été le recours aux imprimés contemporains, et tout particulièrement aux journaux, qui décrivaient minutieusement les grandes cérémonies de la cour et la vie quotidienne des souverains, et qui viennent soit corroborer Marie-Louise, soit au contraire la contredire, dans les cas où le journaliste a voulu enjoliver la réalité ou exagérer le faste ou l’enthousiasme populaire entourant le couple impérial. En plus des journaux, les guides de voyage sont également extrêmement utiles, car Marie-Louise les lisait soigneusement avant de se rendre dans une ville ou une région, et s’en servait parfois pour ajouter des faits précis ou des anecdotes à ses propres descriptions. On arrive même, rien qu’en lisant son journal, à savoir quelles étaient ses lectures !
La dernière strate est celle des archives administratives de la Maison de l’Empereur, les archives du Grand maréchal, du Grand écuyer, de la Maison de l’impératrice, qui retracent les achats et les faits et gestes des centaines de domestiques employés à régler la vie quotidienne de l’impératrice. Sans ces documents, tout commentaire serait finalement impossible. Il est assez amusant de lire les passages où Marie-Louise se plaint d’avoir mal dîné ou d’avoir dû dormir sur un matelas infesté de punaises, en sachant que des dizaines de personnes s’échinaient depuis des semaines à préparer sa venue et à tâcher de tout prévoir pour assurer son confort. Mais là aussi, on risque de tomber dans un piège : d’accord, Marie-Louise n’était pas contente, et elle le notait dans son journal, mais cela nous renseigne aussi sur le fonctionnement de la cour. Déjà parce qu’on sent que les déplacements de l’Empereur et de l’Impératrice dans les départements de l’Empire épuisent les ressources et dépassent complètement les capacités d’accueil ou de ravitaillement des autorités locales, et que Marie-Louise ne fait qu’exprimer l’inévitable, à savoir que la cour ne peut vivre qu’à Paris ou en Ile-de-France, tant l’affluence des courtisans est énorme. Ensuite, en se plaignant à son journal intime, qui est un témoin muet, Marie-Louise témoigne aussi de la dureté de son rôle de souveraine : elle ne peut en fait se plaindre à personne d’autre. Même épuisée, malade ou affamée, même au bout de plusieurs heures de réception au fin fond d’une sous-préfecture, elle doit toujours faire bonne figure auprès de l’Empereur, tenir son rang et jouer son rôle de souveraine. À ce titre, son journal est extrêmement intéressant, car il nous révèle que le quotidien de l’Impératrice est fait avant tout de contraintes.

Pour finir, je dirais que tout l’enjeu a été d’alterner entre l’analyse des résonances entre ces journaux de voyage et d’autres documents produits par les contemporains, de replacer Marie-Louise dans un contexte documentaire, mais aussi humain et géographique, et en même temps de bien garder à l’esprit qu’il s’agit d’un exutoire, d’un remède contre la solitude et d’un écrit extrêmement personnel.

Marie de Bruchard : Comment expliquer que ces écrits intimes, rares, de l’épouse de Napoléon n’aient été que si peu commentés ?

Charles-Eloi Vial : On peut voir plusieurs raisons au relatif désintérêt des journaux intimes de Marie-Louise depuis les années 1920. Déjà, ses journaux de voyage sont parus à une époque où les problèmes de la vie quotidienne, et de la vie de cour en général, étaient largement négligés. Il a fallu attendre ces dernières années, je pense particulièrement aux travaux de Pierre Branda, pour que l’on s’intéresse à nouveau à la cour impériale et au fonctionnement de la Maison de l’Empereur. Frédéric Masson avait déjà publié ses livres sur les deux impératrices au moment de la découverte du journal de Marie-Louise de 1810 à 1813, et il a bien noté dans la Revue de Paris qu’il n’avait nullement envie de retoucher son œuvre, qui devait, selon lui, faire autorité pour les historiens. Les journaux intimes de Marie-Louise ont en plus été publiés en deux fois, dans deux revues différentes, ce qui n’a pas facilité leur compréhension globale. Ajoutez à cela qu’ils sont parus dans des contextes compliqués, le premier au lendemain du Traité de Versailles, le second à la veille de la Seconde guerre mondiale, et que l’image de Marie-Louise, considérée comme une traîtresse, une « Autrichienne », a forcément dû en souffrir, et vous comprendrez que ces documents soient largement tombés dans l’oubli. Le choix de Frédéric Masson de ne pas transcrire les passages où Marie-Louise parle de ses rêves et tente de les décrypter sont aussi très significatifs d’une époque, et d’une certaine vision de l’histoire, qui se passait largement de psychologie, hésitait à se plonger vers l’intime et reposait avant tout sur des dates et des faits, et non sur l’analyse des sentiments. Celle-ci peut parfois être subjective, mais aussi extrêmement enrichissante. J’analyse par exemple le moment de la déclaration de guerre de l’Autriche à la France à l’été 1813 comme une grave crise identitaire pour Marie-Louise, décrite, depuis son mariage, comme le symbole vivant de la paix entre les deux Empires, et qui voit son propre père faire la guerre à son mari : c’est presque une tragédie grecque ! Une telle interprétation, une fois admise, rend beaucoup plus claire son attitude dans les derniers mois de l’Empire, où les témoins s’accordent pour la trouver beaucoup plus digne, jouant son rôle d’Impératrice et de régente avec plus de raideur. C’est pour elle un moyen de se raccrocher à ce qui fait son identité à ce moment, c’est-à-dire son rôle d’épouse et de mère. Il me semble enfin que l’intérêt des écrits féminins a longtemps été sous-évalué, alors que les lettres et journaux intimes des princesses, conservés dans les archives publiques et privées de toute l’Europe, et dont bien peu ont été publiés, sont souvent riches en détails passionnants sur la vie de cour, mais aussi en analyses sur la politique ou les affaires étrangères. Il s’agit d’un matériau inexploité, et qui mériterait d’être étudié de manière plus globale.

Marie de Bruchard : À travers de ces écrits autobiographiques, Marie-Louise semble avoir un véritable goût pour l’écriture. Dans quelle mesure ces écrits viennent-ils nuancer le portrait d’une Marie-Louise en jeune femme superficielle ? Que nous disent-ils plus généralement de sa personnalité ?

Charles-Eloi Vial : La lecture du journal, ou plutôt de ces journaux successifs, permet évidemment de nuancer fortement le portrait presque traditionnel de Marie-Louise en jeune épouse naïve, égoïste et immature. La condition préalable pour bien s’en rendre compte est de se libérer du souvenir de Joséphine, et de cesser de jauger Marie-Louise à l’aune de la première épouse de Napoléon. Joséphine avait plus de 46 ans au moment de son divorce, Marie-Louise à peine 18. Elle ne s’est donc pas comportée immédiatement de la même façon, et n’a pas su jouer son rôle avec la même aisance. Les premières pages du tout premier journal de voyage tenu par Marie-Louise, juste après son mariage en 1810, montrent ainsi une toute jeune princesse, pour qui tout est absolument nouveau, et qui est complètement perdue et isolée à la cour. Elle ne connaît personne, pas même son mari qui la déconcerte et lui fait facilement peur, et elle se demande encore ce qu’on attend d’elle. A l’été 1813, on sent que ce n’est déjà plus la même personne, et je dirais même que d’août à début septembre, on la sent quasiment changer jour après jour et prendre de plus en plus fortement conscience de l’importance symbolique et politique de son rôle de régente. En avril et mai 1814, on sent qu’elle a à nouveau franchi une étape : elle est complètement effondrée après la chute de Napoléon, qu’elle vit aussi comme sa propre défaite, extrêmement angoissée et anxieuse pour son fils. Elle se laisse aller dans son journal à confier tout son désespoir, d’abord devant l’hypocrisie d’une partie de ses courtisans, qui l’abandonnent pour prendre du service auprès de Louis XVIII, puis lors de son voyage de retour vers Vienne, où elle sait que Napoléon s’éloigne en direction de l’île d’Elbe. Après, « loin des yeux, loin du cœur », Marie-Louise oublie son époux, qu’elle refusera d’ailleurs de rejoindre, que ce soit à Portoferraio ou à Paris pendant les Cent-Jours. Mais est-ce un signe de sa frivolité ? Il ne nous appartient pas de la juger sur son idylle avec Neipperg, qu’on a dit, à juste titre, avoir été tacitement favorisée par l’empereur François et par Metternich, mais on doit tout de même la replacer dans son contexte, et la lecture de ces journaux de voyage permet finalement de mieux comprendre l’attitude qu’elle adoptera en 1814, pendant le Congrès de Vienne, et qui sera finalement la sienne durant toute sa vie. Marie-Louise a d’abord été l’épouse de Napoléon, puis la mère de son héritier et la régente de son Empire. Avec la guerre contre l’Autriche en 1813, elle cesse d’être un symbole de paix entre les deux empires. Après l’abdication conditionnelle de Napoléon du 4 avril 1814, elle cesse d’être la régente de son époux pour devenir celle de son fils, appelé à lui succéder sur le trône. Elle en prend conscience alors qu’elle se trouve à Blois, où s’est réfugié le gouvernement impérial. Malgré l’abdication inconditionnelle de Napoléon, signée le 6 avril à Fontainebleau, elle va avoir le temps d’envoyer des messagers à Paris et de tenter un début de négociation avec les Alliés, comptant notamment sur l’influence de son père. C’est une tentative maladroite, mais elle montre que Marie-Louise se considérait désormais comme la régente de Napoléon II. C’est là le signe d’un certain pragmatisme politique : en princesse d’une des plus vieilles dynasties européenne, qui avait lu et étudié l’histoire de France, elle savait que les mères pouvaient gouverner seules au nom de leur fils, et elle savait aussi que les souverains détrônés ne comptaient plus pour rien dans le jeu politique. Elle pensait donc, en faisait définitivement une croix sur Napoléon, à assurer l’avenir de son fils, d’abord en tentant de lui conserver l’Empire, puis, après le début du Congrès de Vienne, en lui obtenant le duché de Parme et une place à la cour des Habsbourg. À ce titre, elle a tenté elle aussi, à sa manière, de sauver la dynastie Bonaparte et d’assurer son avenir au sein des monarchies d’Europe. Du coup, plus question pour elle d’entretenir un quelconque rapport avec Napoléon, qu’elle considère comme mort, politiquement du moins. Neipperg, qu’elle choisit autant pour son charme personnel que pour ses qualités de militaire et d’administrateur, sera ainsi son époux morganatique à Parme dès 1821, mais aussi, en quelque sorte, le consort qu’elle se choisit à la place de l’Empereur. En tournant très vite le dos à Napoléon, elle fait peut-être preuve d’une certaine froideur, mais c’est plus un signe de son pragmatisme politique que de son manque d’amour pour lui. Du temps de leur bonheur conjugal, et de l’apogée de l’Empire, les lettres qu’elle lui écrivait montraient bien à quel point ils étaient heureux ensemble, et sans doute auraient-ils continué à l’être… mais nous ne le saurons jamais.

Marie de Bruchard : Y a-t-il un « style Marie-Louise » ? Une méthode voire des tics d’écriture ?

Charles-Eloi Vial : On peut difficilement parler de style d’écriture, même si ses journaux de voyage sont écrits avec une grande liberté de ton, et un style très proche de l’oral, qui montre qu’elle n’écrivait pas pour faire du style, mais bien pour elle-même, et pour se rappeler tout ce qu’elle vivait et où elle voyageait. À ce titre, son journal est très visuel : elle parle beaucoup des paysages, des monuments, décrit les personnes, mais retranscrit peu de dialogues. C’est aussi le journal d’une artiste habituée à regarder et très attentive aux détails, puisque les collections du musée Marie-Louise de Parme nous montrent qu’elle avait un petit mais réel talent d’aquarelliste. On doit aussi noter, en lisant la production écrite de Marie-Louise, qu’il s’agisse de son journal ou de sa correspondante, son extraordinaire maîtrise du français, qui montrent un don pour les langues, mais aussi une très bonne éducation. Comme ce sont des journaux intimes, elle n’hésite pas, et c’est là tout le sel de son écriture, à dire du mal des gens, à les décrire dans des situations amusantes ou peu valorisantes, et éventuellement à pratiquer l’autodérision. Elle a dû beaucoup rire en notant les escapades des courtisans de Napoléon dans les maisons closes d’Anvers lors de son voyage de 1810 en Belgique et en Hollande, ou en notant que le gros bœuf qu’on lui avait fait voir lors d’une fête organisée en son honneur pendant sa visite en Normandie en 1813 était en réalité un taureau. Il y a aussi une méthode d’écriture bien reconnaissable chez Marie-Louise, ou plutôt une démarche, qui est celle de beaucoup de diaristes et de mémorialistes de la période révolutionnaire et impériale, qui fonctionnaient à partir de notes prises à la volée, souvent au crayon sur de petits carnets, et qui leur resservaient ensuite pour une rédaction au propre d’un texte qui conservait la spontanéité du premier jet, mais remis en forme et augmenté de jugements ou de détails supplémentaires. Les différents journaux de Marie-Louise permettent d’ailleurs de bien comprendre cette méthode de travail, puisque ses récits de voyage de 1810 et 1813 ont été mis au propre, tandis que celui de 1814 est au contraire un premier jet, écrit au fur et à mesure des événements sans être retouché ensuite. C’est donc un témoignage brut. On connait aussi, grâce à Frédéric Masson, les premières pages du brouillon du voyage de Marie-Louise à Bruxelles et Anvers en 1810, ce qui permet de se livrer à une comparaison entre la première version et le texte fini, en retrouvant par exemple les passages atténués, ou ceux qu’elle a pu compléter par la suite. On retrouve d’ailleurs la même rédaction en plusieurs étapes en étudiant les manuscrits de militaires comme par exemple ceux de Jean-Baptiste Barrès, qui sont également conservés à la BnF. Cette démarche est aussi celle de Marie-Louise, qui a dû mettre au propre elle-même son journal à partir de ses notes au crayon, puis le faire recopier par une de ses dames du palais en une ou deux copies, en faisant au passage corriger les dernières fautes d’orthographe. Peut-être pensait-elle dès le départ au moment où elle les relirait et où elle les ferait découvrir à ses enfants et à ses petits-enfants. C’était aussi l’intention d’une cousine lointaine de Marie-Louise, la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, dont le journal intime a déjà été publié par extraits. En relisant ce Journal de nos jours, nous pouvons du coup nous aussi, pour un court moment, nous imaginer comme les petits-enfants de Marie-Louise, tout en profitant de l’apport des archives et des sources imprimées, qui nous replongent dans le contexte historique. C’est un moyen de rêver, d’écouter une voix disparue, mais aussi d’en apprendre plus sur le passé.

En complément

Découvrir le Livre L’Adieu à l’Empereur. Journal de Marie-Louise

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