napoleon.org – L’âge d’or de la Marine française est plutôt associé au XVIIIe s., qu’est-ce qui vous a intéressé dans la période consulaire/napoléonienne ?
Fabien Clauw – La Royale, en tant qu’institution organisée et rayonnant sur les cinq continents, se bâtit effectivement tout au long du XVIIIe siècle. Notre Marine subit certes des revers lors de la guerre de Sept Ans, mais elle est par la suite au sommet de son art durant de la Guerre d’indépendance américaine. À tel point que les Anglais s’inspireront de nos architectes, de leurs méthodes de standardisation, mais aussi d’un panache typiquement tricolore dans la conduite des bâtiments.
Les aventures de Gilles Belmonte sont prétexte à évoquer la construction de la Marine, à aborder les raisons de son effondrement dans la période post-Révolution, puis son évolution sous le règne du Corse. Cette dernière période est fascinante car c’est là que se noue le monde du siècle et demi suivant, et même au-delà. Concernant notre Marine, l’Histoire nous en lègue une image peu glorieuse. Les blocus successifs, la bataille d’Aboukir sont autant de gifles reçues et (le coup de) Trafalgar demeure dans notre inconscient populaire une quasi humiliation. Or, nos marins ont toujours combattu en situation d’infériorité humaine, logistique, opérationnelle. Des hommes comme l’amiral Linois, les capitaines Lucas, Infernet, Cosmao, Troude ont fait plus qu’honneur au pavillon et ont mis des limites à l’expansion de la puissance britannique. Par ailleurs, l’idée selon laquelle Napoléon ne s’intéressait guère aux choses de la Marine est fausse. En bon insulaire, il en avait compris très tôt l’intérêt stratégique et il n’eut de cesse de lui rendre sa superbe.
napoleon.org – Quelles sont vos sources d’inspiration romanesques ?
Fabien Clauw – J’écris tout bonnement le film que j’aimerais voir au cinéma. Je ne navigue plus en course au large, c’est donc là mon moyen de grandes échappées belles. Lors des scènes de batailles ou dans les grandes étendues océaniques, j’aime par exemple écouter Sergio Leone.
Les western spaghetti, mais aussi les sagas Indiana Jones ou Star Wars m’influencent assurément. Et puis, pour leur formidable capacité de rebond et d’humour, j’affectionne particulièrement La Grande Vadrouille, La Folie des Grandeurs…
Côté littéraire, Forrester, O’Brian et Kent sont naturellement des références, même si je n’ai aucun scrupule à leur préférer la plume de Louis Garneray.
napoleon.org – Vous êtes un professionnel de la mer et savez donner toutes leurs intensité et précision aux détails techniques sans en alourdir le récit qui est très précis historiquement. Tout paraît limpide… Pouvez-vous nous parler de vos écueils dans l’élaboration de vos récits ?
Fabien Clauw – En nombre, les écueils pourraient s’apparenter aux roches qui tapissent les atterrages de la Bretagne Nord ! Je guette ainsi les anachronismes et crains les envolées trop lyriques. De même que les narratifs trop longs, les personnages trop lisses, les erreurs descriptives, notamment pour ce qui touche aux tenues, aux bâtiments, aux usages. Je tiens à ce propos à remercier Alain Canac auquel je soumets toujours mes manuscrits et dont les connaissances me sont très précieuses. Être accessible au commun des Français, fussent-il bergers dans les Alpes, et ravir les érudits, telle est la ligne de crête sur laquelle louvoie étroitement Belmonte. La pierre angulaire demeure cependant l’Histoire de France, avec laquelle je ne transige pas. J’ai trop conscience que méconnaître l’Histoire, c’est être manipulable à souhait…
napoleon.org – Le Second Empire est une période à haut potentiel (cuirassés, mers et océans encore plus « réduits » par la mondialisation…). Votre héros sera difficilement de ce monde… mais pensez-vous vous y intéresser un jour ?
Fabien Clauw – Kent s’est essayé à l’après Bolitho. Entre nous, autant Richard Bolitho m’a enthousiasmé, autant les aventures de son neveu Adam… bref.
Concernant le Second Empire, je dois vous avouer que la période me passionne moins en dépit de bonds technologiques certains et d’un contexte géopolitique très riche.
En revanche, conter l’histoire d’un jeune sous-lieutenant de l’armée de l’Air pris dans le grand chaos de juin 1940, passé par Londres puis envoyé sur les bords du fleuve Niémen, me taraude.
Il pourrait s’appeler Tristan Belmonte, avoir pour aïeul un officier de marine et nous rappeler ce que fut l’épopée des braves de Normandie-Niémen….
Mais il y aura de l’eau salée dans l’étrave d’ici-là !