Glenn Flanagan : « le Prince impérial mérite qu’on préserve et fasse connaître son histoire en Afrique du Sud » (Janvier 2015)

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Le 1er juin 1879, le Prince impérial mourait dans des circonstances héroïques en Afrique du Sud, lors de la guerre anglo-zouloue, dans laquelle il s’était engagé du côté britannique. Depuis 1994, une Sud-Africaine professeur de français à l’université de Pietermaritzburg, Glenn Flanagan, dirige le projet La Route du Prince impérial pour faire vivre le souvenir de ce passage fatal du fils de Napoléon III dans le KwaZulu-Natal, à travers l’entretien de ce circuit, de son monument commémoratif, son musée et diverses manifestations. Elle a bien voulu répondre à quelques questions pour napoleon.org, à l’occasion des vingt ans révolus du projet qu’elle a fondé.

Propos recueillis le 25 janvier 2015

Glenn Flanagan : « le Prince impérial mérite qu’on préserve et fasse connaître son histoire en Afrique du Sud » (Janvier 2015)
Carte de la Route du Prince impérial dans le KwaZulu-Natal © Glenn Flanagan

Marie de Bruchard : Comment avez-vous connu l’histoire du Prince impérial ?

Glenn Flanagan : J’ai d’abord connu l’histoire du Prince impérial en travaillant dans l’enseignement secondaire en 1993. Avant cette date, j’avais eu quelques échos par ma professeur de français à la faculté, Françoise Chupin, une Bretonne. Françoise avait assisté aux cérémonies commémoratives pour le centenaire de la mort du Prince en 1979 à Uqweqwe. Leurs Altesses impériales, le Prince Napoléon et la Princesse Napoléon, et M. Jean-Claude Lachnitt y étaient aussi.

En 1993, j’avais voulu monter une excursion Franco-Zouloue avec mes éléves de français : j’ai demandé à ma collègue, professeur d’histoire dans le lycée où nous enseignions à l’époque, de me donner des notes à propos de ce jeune prince français mort dans une embuscade pendant la guerre anglo-zouloue. Et voilà ! Comme on dit en anglais, « the rest is history » ! J’ai été tout à fait séduite par le sort triste, poignant et tragique du Prince impérial.

M. B. : Votre projet de mise en valeur du séjour du fils de Napoléon III en Afrique du Sud est impressionnant. Quelle a été la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée ?

Le Prince impérial à l'âge de 22 ans en 1878 © BNFG. F. : Bien sûr, au départ, on me demande : « Mais qui était-ce ? Que faisait-il ici ? » etc. Mais ici, tout le monde connaît les guerres anglo-zouloues et anglo- boers. Quand on leur présente l’histoire du Prince impérial dans ce contexte, la plupart des gens sont curieux d’en savoir plus.

Le plus grand défi concernant la Route du Prince impérial a été de convaincre mes collègues dans le tourisme que ce développement culturel et historique qui lie France, pays francophones, francophiles et cette province du KwaZulu-Natal et l’Afrique du Sud avait du potentiel. Et aussi de faire comprendre aux communautés les plus dépourvues (mais aussi les autres) que ce que je fais, je le fais par passion et de manière désintéressée : je ne reçois pas de fonds qui me paient de salaire, de voiture, ou mes voyages de recherches ! Je travaille en bénévole.

Il est vrai que c’est toujours une lutte acharnée pour trouver des soutiens financiers pour pouvoir rendre visible pour le public ce travail par des expositions, des dépliants, des publications, etc.

M. B. : Avez-vous une anecdote ou une rencontre, la plus particulière ou la plus insolite, à nous raconter autour de ce projet ?

La rose du Prince impérial, Festival des Midlands en Afrique du Sud, novembre 2014 © Glenn FlanaganG. F. : Plus d’une ! J’ai une mémoire vive des étapes principales qui ont marqué le développement de ce projet avec le soutien constant de l’Ambassade de France en Afrique du Sud et M. Lachnitt : l’exposition et l’annonce public de ce projet en 1995 ; le lancement de la Route en elle-même en 1996 ; le « baptême » de la rose en 1998… La création du musée (Interpretive Wall) au monument du Prince, construit en 2006 avec le soutien des jeunes de la Réunion ou encore celle de la cuvée du vin impérial en 2008 puis 2012. D’ailleurs, Il nous faut un nouveau vin pour le Prince ! Je cherche toujours…

Des émotions particulières accompagnent la présence de la Légion etrangère des Comores pour la remise de ma médaille de chevalier de l’Ordre nationale du Mérite : je n’avais pas eu la moindre idée de ce qui allait passer ! Pareil pour la présence multi-culturelle – zouloue, écossaise, afrikaaner, sud-africaine – aux cérémonies commémoratives pour le Prince, quand j’a réussi à avoir des fonds pour payer le déplacement des musiciens et des danseurs. Actuellement, ces fonds sont malheureusement impossibles à débloquer…

Un grand honneur m’a été accordé en 2012 : devenir chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur. Je n’en reviens toujours pas et j’en suis toujours très touchée et très émue.

Enfin, et surtout, je garde un souvenir chaleureux des visites aux lieux associés à l’histoire du Prince et de sa famille – en France, en Angleterre, en Espagne, en Suisse, à Sainte-Hélène, en Australie… et de mes rencontres avec les gens liés au Prince et à cette Route : S.A.I. La Princesse Napoléon, une femme formidable et j’étais bien touchée par son accueil et sa gentillesse ; M. Stafanini ; les Amis de Napoléon III ; le directeur et quelques membres de la Fondation Napoléon ; les directeurs des musées concernés à Ajaccio, à Fontainebleau, à Salon-de-Provence, au château de L’Empéri, au château de la Malmaison, à Arenenberg, à Sainte-Hélène… En Angleterre, en Australie, ici. J’ai été très honorée de pouvoir les rencontrer, tous !

M. B. : Il est parfois difficile de faire connaître le destin du Prince impérial en France… Comment les Sud-Africains perçoivent-ils ce personnage ?

G. F. : De prime abord, il y a toujours une appréciation certaine pour ce qui est « français », au prix parfois de quelques stéréotypes. Bien sûr, il y a des gens qui ne sont pas francophiles, mais en général, les Sud-Africains sont toujours au moins intrigués : les militaires ou férus d’histoire militaire se demandent ce que faisait un Français ici qui plus est du côté des Anglais !

Chaque année, lors de la réception de la Grande Rencontre touristique à Durban chaque année – le INDABA, les Zoulous rappellent qu’ils ont mis fin à une dynastie européenne. Mais ils soulignent que le Prince s’est comporté avec bravoure : « il s’est battu comme un lion’ ! » et ils le respectent pour cela.

Les autres qui sont sensibles à l’histoire personnelle : ils ont de la pitié pour ce jeune homme – surtout les femmes et les jeunes.

Évidemment, nous ne sommes pas à l’abri de réflexion qui suivent l’avis de certains militaires bornés !

M. B. : Aujourd’hui, quel est le plus grand défi auquel doit faire face la route du Prince impérial ?

G. F. : Il faut une stratégie assidue pour la communication de la Route et j’ai vraiment besoin du public. Ce qui est difficile également, c’est de bien « baliser» la Route : les panneaux disparaissent !

L’association Battlefields’ Route [Ndr: Association faisant la promotion du patrimoine de la route des champs de bataille du KwaZulu-Natal] apprécie toujours ce que je fais et ils incluent le monument du Prince dans leur marketing, mais le Prince impérial mérite qu’on préserve et fasse connaître son histoire pour lui-même.

Pour en savoir plus :
– Contact e-mail de Glenn Flanagan
– Page Facebook de la Route du Prince impérial
– Quelques photos de la tombe du Prince

Retrouvez notre hors-série sur le Prince impérial

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