Hervé Lemoine : « Le projet de publication de la Correspondance a toujours reçu un avis favorable et unanime pour notre mécénat » (mai 2022)

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À l’occasion de la mise en ligne de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, période Hervé Lemoine, ancien directeur des Archives de France, nous éclaire sur la participation active, y compris financière, des Archives de France au projet d’édition de la Correspondance de Napoléon Bonaparte.

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Propos recueillis par Marie de Bruchard le 8 mai 2022.

Hervé Lemoine : « Le projet de publication de la <i>Correspondance</i> a toujours reçu un avis favorable et unanime pour notre mécénat » (mai 2022)
Hervé Lemoine © DR

Napoleon.org – Que doit le monde des archives à Napoléon Ier, d’après l’historien de formation que vous êtes ?

Hervé Lemoine – Si les lois fondatrices des archives sont celles du 7 messidor an II et du 26 octobre 1796, l’organisation des archives en France doit beaucoup à l’Empereur et à son premier « archiviste en chef » Daunou.
C’est lui qui systématise le versement des archives produites par les service administratifs de l’État après 50 ans.
C’est lui aussi qui pose les premières bases du cadre de classement des Archives en 1811.
Enfin, c’est à l’Empereur que l’on doit aussi l’installation des Archives Nationales au Palais Soubise où les fonds anciens se trouvent toujours. Ce que la Révolution avait engagée, en supprimant le « secret du Roi » et en donnant des droits nouveaux aux citoyens, l’Empire l’a organisé en rationalisant les principes de gestion de ces masses d’information produites par une nouvelle bureaucratie dans un double objectif, hagiographique bien sûr, mais aussi de bonne gestion administrative. L’importance du rôle de l’Empereur est telle qu’on lui prête cet aphorisme flatteur : « Un bon archiviste est plus utile à l’État qu’un général d’artillerie ».

Napoleon.org – Dès son lancement, la publication de la Correspondance générale de Napoléon a bénéficié de l’appui logistique des Archives de France : facilitation d’accès aux archives en France, aide aux démarches administratives auprès des centres étrangers… Pourquoi ce projet a-t-il dès le départ enthousiasmé les Archives de France ?

Hervé Lemoine –  Cela nous est apparu comme très naturel étant donné, comme je l’ai dit, l’importance de l’Empire dans la création du réseau et des principes de gestion des archives en France.
Il faut ajouter à cela les sources considérables relatives à l’histoire propre de l’Empire et de son Empereur dans les fonds des Archives nationales et parfois départementales.
Enfin, les intenses relations entretenues par les Archives de France avec le réseau des services d’Archives en Europe était un élément supplémentaire pour nous convaincre d’être en mesure de soutenir cet immense et aussi indispensable travail de recension, de recherche et de publication.

Napoleon.org – En 2010, les Archives de France, dont vous étiez devenu directeur, ont accordé une subvention annuelle au projet de publication de la Correspondance. Comment s’opère la sélection des dossiers retenus parmi les nombreuses candidatures à ce prestigieux soutien ?

Hervé Lemoine – Nous avions, au sein des Archives de France, une commission chargée de l’instruction des dossiers de subvention. Cette commission, composée des conservateurs et de certains inspecteurs des Archives, rendait des avis qui étaient débattus collégialement.
Je dois avouer que le projet de publication de la Correspondance de Napoléon ne faisait pas l’objet de longs débats et recevait toujours un avis favorable et unanime tant cela nous semblait une évidence.

Napoleon.org – Y a-t-il un mécénat « à la française », d’après vous, par rapport aux pratiques ou aux systèmes de subventions dans d’autres pays ?

Hervé Lemoine – Oui bien entendu. Notamment dans le domaine culturel. Dans la plupart des autres pays le mécénat n’est que privé. En France, il n’est pas exclusif d’une forme de mécénat d’État qui s’exprime au travers de subventions ou de commandes publiques. C’est très particulier à notre pays et cela fait souvent l’étonnement, et l’envie, de nos partenaires ou confrères. C’est aussi, de mon point de vue, une immense chance que d’avoir ce rôle incitatif de l’État.

Napoleon.org – Une fois la publication papier de la Correspondance terminée en 2018, vous avez soutenu avec enthousiasme la Fondation Napoléon dans sa volonté à mettre en ligne gratuitement l’intégralité de ces lettres. L’accès libre sur Internet n’est-il l’avenir des archives, globalement ?

Hervé Lemoine – Le réseau des Archives publiques en France a été pionnier pour ce qui est de la numérisation et la mise en ligne des archives publiques. La création de grands portails, comme Mémoire des Hommes par le ministère de la Défense ou les projets tels que le Grand mémorial ou France Archives sont des projets que j’ai, à différents niveaux, supportés ou engagés. Ce sont des succès considérables avec des milliards de pages lues et des centaines de millions de documents accessibles en ligne et faisant souvent un pont entre la « grande histoire » et les millions de parcours individuels qui la constituent. Grâce à cela les recherches historiques et familiales non jamais été autant favorisées et leurs sources, les archives, non jamais été autant accessibles à tous les citoyens. Il était essentiel, pour moi, que la Correspondance participe aussi à ce grand mouvement d’ouverture des sources de l’histoire.

Napoleon.org – Après la mise en ligne des lettres de Napoléon Ier, quel nouveau défi verriez-vous pour les archives des deux Empires (Second Empire, autres documents Premier Empire, …) ?

Hervé Lemoine – À mon avis il y a encore beaucoup de grandes séries d’archives qui pourraient faire l’objet d’une numérisation et d’un mise en ligne – avec les instruments de recherche afférents – exhaustive. Pour ma part, je rêve de trouver un jour prochain l’intégralité du cadastre napoléonien en ligne et avec des tables de concordances avec les cadastres qui lui ont succédé afin d’avoir ainsi sur deux siècles l’évolution de notre territoire.

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