Laurent Coste : 1814 ou la fin du système politique napoléonien (2014)

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Professeur d’histoire moderne à l’Université Bordeaux-III, Laurent Coste organise un colloque les 12 et 13 mars 2014 consacré à 1814 : cette année marque « une rupture majeure » dans la chronologie de l’Empire, avec l’effondrement du « système européen mis en place depuis une décennie ». Propos recueillis par Laurent Ottavi, février 2014.

Laurent Coste : 1814 ou la fin du système politique napoléonien (2014)

Laurent Ottavi : Les 11 et 12 mars 2014, l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3 accueillera un colloque que vous consacrez à l’année 1814. Quels sont les objectifs de ce colloque ?

Laurent Coste : L’objectif du colloque international de Bordeaux est de réunir quelques-uns des meilleurs spécialistes de l’époque napoléonienne autour des événements qui ont marqué le printemps 1814 dans le Sud-Ouest. On a beaucoup insisté sur la campagne de France dans la moitié nord du pays mais l’Aquitaine a été l’objet de nombreux combats entre les forces impériales et les Anglais venus de l’Espagne. En outre, le ralliement de Lynch aux Bourbons, avant même l’abdication de l’Empereur, a été considéré comme un signe en faveur de l’ancienne dynastie.

L. O. : En janvier 1814, Napoléon se lance dans la campagne de France : quels sont les enjeux de ce qui peut s’apparenter à un combat vain ?

Laurent Coste : Un chef de guerre ne peut s’admettre vaincu sans avoir livré combat. Même si le rapport de force était à son désavantage, l’Empereur comptait sur ses talents de stratège et sur la dispersion de ses adversaires pour leur porter des coups significatifs et les contraindre à négocier.

L. O. : Que représente la première abdication de Napoléon dans la chronologie de l’Empire ?

Laurent Coste : C’est une rupture majeure car c’est la fin du système européen mis en place depuis une décennie (il était en complète déliquescence depuis 1813). C’est la fin d’une dynastie, d’un système politique. On aurait pu en rester là. Mais les Cent-Jours et la seconde abdication jouèrent un rôle décisif dans le processus d’élaboration de la légende napoléonienne.

L. O. : Quelle était la situation dans le Sud-ouest ? Que pouvaient faire les Français ?

Laurent Coste : Le Sud-Ouest fut aussi un théâtre d’opérations, du fait de la proximité de l’Espagne. La longue retraite de l’armée française depuis le pays basque espagnol commença à l’été 1813. Après un temps d’arrêt, entre janvier et février 1814, l’armée se replia de Bayonne à Orthez. Puis tandis que certaines troupes alliées traversaient les Landes en direction de Bordeaux, d’autres se dirigeaient sur Toulouse, défendue par le maréchal Soult. La bataille de Toulouse, le 10 avril, est l’une des dernières menée par les troupes impériales en 1814.

L. O. : Que reste-t-il aujourd’hui de cette campagne dans le Sud-ouest ?

Laurent Coste : A ma connaissance peu de choses. Il y a près de Toulouse, à Saint-Félix, un lieu-dit appelé le « Jardin anglais » et un lieu probable d’inhumation des soldats. Le lundi 25 avril 2011 était inauguré au lieu dit « le Cimetière des Anglais » une stèle du souvenir en commémoration des évènements d’avril 1814. A l’automne 2013, un certain nombre de reconstitution de batailles ont eu lieu à la Rhune et à Biriatou.

L. O. : Vous intervenez lors de ce colloque pour parler des « municipalités face au changement de régime : quand les ‘masses de granit’ se fissurent » : quel fut l’état d’esprit des institutions municipales en 1814 ?

Laurent Coste : Le régime impérial pensait avoir bâti son pouvoir sur des bases solides. Et effectivement, le système administratif centralisé a perduré jusqu’en 1982. Mais si les institutions ont résisté, et ont été récupérées par les Bourbons, elles s’incarnent dans des hommes et lors de la chute du régime, les notables que Napoléon avait désignés se rallièrent aux Bourbons sans trop d’état d’âme.

L. O. : Auteur d’un ouvrage récent sur les bourgeoisies en France paru chez Armand Colin, que pouvez-vous dire par ailleurs sur la façon dont les élites comme le peuple ont vécu la (première) chute de l’Empire et le retour des Bourbons : 1814, une vrai rupture dans la société française ?

Laurent Coste : En l’absence d’enquêtes d’opinion, il est difficile de se prononcer. Si l’on prend le cas de Bordeaux, les témoignages sur l’état d’esprit de la population sont contradictoires. On ne trouvera dans les rapports officiels que ce que les préfets veulent faire savoir au gouvernement. Les droits réunis et le service militaire étaient de plus en plus mal supportés. Le soulagement ou au contraire l’abattement furent variables selon les régions et surtout les expériences individuelles.

Publications récentes de Laurent Coste et contacts

Les bourgeoisies en France (Armand Colin, 2013)
émission France Culture (6 février 2014)

Adresse professionnelle :
UFR Humanités-Université
Michel de Montaigne Bordeaux 3, Domaine Universitaire,
33607 Pessac Cedex
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