napoleon.org – Chenue existe depuis plus de 250 ans. Pouvez-vous nous raconter comment s’est construite cette entreprise historique ?
Motet de La Panouse – Chenue, c’est plus de 262 ans d’histoire d’une grande Maison. En 1760, André Chenue était layetier-emballeur, au service exclusif de la reine Marie-Antoinette. Il fabriquait des boîtes, des cartons, des malles, des caisses destinées à protéger et transporter certains biens de la famille royale.
Par la suite, Chenue est devenu fabricant de caisses, malles et boîtes destinées au transport ou au rangement des vêtements des monarques, des familles princières et notamment de la famille impériale.
Au tournant du XXe siècle, Chenue a développé les activités de la maison en direction des musées et des familles bourgeoises (militaires de haut-rang, industriels), et offrait déjà un service de garde-meuble.
Racheté en 1995 par un groupe familial, notre société est aujourd’hui spécialisée dans la logistique et la conservation des œuvres d’art à travers plusieurs sites en France.
napoleon.org – Stockage d’œuvres et transport d’œuvres sont deux métiers complémentaires mais très différents. Quelles sont les expertises que requièrent ces deux casquettes ?
Motet de La Panouse – Ce sont effectivement deux activités différentes mais intimement liées. L’une se rapporte au mouvement et l’autre à l’environnement.
Dans le cadre du transport les œuvres doivent être protégées de façon spécifiques, à cet effet, nous proposons les emballages les mieux adaptés et nous sommes particulièrement reconnus pour la qualité de nos caisses, et surtout pour le savoir-faire de nos équipes. Chaque transport, chaque mouvement sont étudiés pour garantir l’intégrité des œuvres. Nos camions sont équipés de telles sortes que le transport est réalisé en toute sécurité.
Dans le cadre du stockage, nous proposons des environnements dont les standards sont très élevés du point de vue la sécurité et de la conservation préventive : bâtiments équipés à la pointe de la technologie (hypoxie = réduction d’oxygène) et respectueux de l’environnement (température et hygrométrie contrôlées). Coffres et zone sous douane sont également disponibles jusqu’aux salons pour présenter les œuvres ou les espaces équipés pour les restaurer.
Sans compter les services annexes que nous avons développés : anoxie, constat d’état, etc.
Mais ce niveau d’expertise, nous le devons d’abord à la qualité des équipes qui nous entourent. Le transport et le stockage sont avant tout une histoire d’hommes et dans ce cadre nous investissons autant dans l’innovation pour notre flotte ou nos bâtiments que dans la formation pour nos collaborateurs.
Dans ce souci constant de qualité, Chenue a décidé d’ouvrir cette année une école de formation en 2022 au CAP de layetier emballeurs, EILOA, qui assure la transmission des savoirs de nos anciens vers nos nouvelles recrues et maintient le niveau de « savoir-faire » et de « savoir-être » qui sont d’égale importance dans notre Maison.
napoleon.org – Hors Fondation Napoléon, pouvez-vous nous donner quelques exemples d’autres institutions faisant appel à votre hébergement pour ses collections ?
Motet de La Panouse – La confidentialité est de mise dans notre métier, aussi devons-nous rester discrets sur l’identité de nos clients. Mais je ne dévoilerai pas un grand secret en vous disant que les institutions les plus prestigieuses comme certains collectionneurs privés font régulièrement appel à nos services.
napoleon.org – À l’heure du développement d’une grande sensibilité sur l’écologie dans les transports, avez-vous une politique particulière pour limiter les bilans carbones de vos transports d’œuvres ?
Motet de La Panouse – Chenue est fortement engagé dans les enjeux du développement durable à travers notre politique de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE). En 2022, c’est le sujet prédominant, au centre de notre stratégie de l’entreprise. Nous échangeons avec les acteurs publics et privés afin de nous assurer que notre feuille de route sera conforme aux attentes de nos clients de nos fournisseurs et l’ensemble de nos parties prenantes. L’idée est de construire ensemble notre approche RSE de demain.
À titre d’exemple, nous avons déjà des actions fortes en place :
– nous avons digitalisé entièrement nos processus et avons une politique du zéro papiers (par exemple : plus de bons de transport) ;
– Chenue propose une flotte de camions respectant les limites d’émissions conformément à la législation Euro 6. En comparaison avec les normes d’émissions Euro 5, les particules fines (PM) sont réduites de 66% tandis que l’oxyde d’azote (NOx) est réduit de 80%. En 2023, l’ensemble de notre flotte sera remplacé par les modèles dernières générations. Quelques modèles de véhicules électriques devraient intégrer la flotte ;
– Chenue propose des bilans carbones de tous les mouvements réalisés dans le cadre de ses prestations, notamment de transport ;
– Notre caisserie utilise des bois écologiques provenant de plantations européennes certifiées « FSC » dans lesquelles les producteurs se sont engagés dans une démarche de contrôle certifiée « PEFC » et replantent un arbre pour chaque arbre coupé. Nous étudions également les nouveaux matériaux disponibles et les possibilités de réadapter les caisses quand cela est possible.
– Notre Maison a sélectionné en priorité des fournisseurs qui mènent une politique écoresponsable, en particulier pour les matériaux d’emballage (issus majoritairement et lorsque c’est possible de produits recyclés).
– Nous pratiquons le recyclage de tous nos déchets, mais aussi de notre matériel usagé ou encore de nos vêtements de travail (upcycling).
napoleon.org – Comment en êtes-vous professionnellement venu à travailler en tant que directeur commercial de Chenue ? Est-ce que votre formation ou un goût particulier pour les objets d’art vous y ont amené ?
Motet de La Panouse – Cela fait plus de dix ans que j’évolue au sein de la Maison Chenue. Ma formation a été celle de l’économie, des relations internationales et des langues. Mon expérience initiale était celle du monde du transport et logistique. J’ai eu la chance de pouvoir évoluer à différents postes, qu’il soit autour de l’entreposage, de la conservation préventive, du commerce ou encore du développement international.
Travailler chez un logisticien de l’art implique d’être curieux, passionné, adaptable et surtout à l’écoute. Aucun projet d’exposition ne ressemble à un autre, aucune collection n’est identique et il n’y a pas un seul jour qui ressemble à un autre. Il y a de nombreux métiers et postes différents dans notre maison, mais surtout beaucoup de passionnés qui travaillent ensemble au service de l’art.
napoleon.org – Chenue n’a cessé de se développer au fil des ans. Y a-t-il de nouveaux domaines ou pays que votre entreprise cherche à conquérir ?
Motet de La Panouse – Comme évoqué, les deux thèmes récurrents sont la transmission du savoir-faire, en conservant des collaborateurs formés et motivés, et notre responsabilité sociétale et environnementale dans notre métier.
Chenue est une filiale d’un groupe important, aujourd’hui leader mondial sur le marché de la logistique d’œuvres d’art : Nous avons des partenaires, en propre, localisés en Suisse, en Allemagne, en Belgique, au Canada, au Brésil, en Australie et Nouvelle-Zélande, en Chine, à Hong-Kong ou encore à Singapour. Nous profitons également de l’expertise de réseaux professionnels d’agents de transport comme l’ARTIM.
Tous ensemble, nous avons l’ambition de servir nos clients en offrant notre savoir-faire et nos compétences. Notre slogan, depuis plus de 260 ans, résume notre philosophie : « L’Homme au service de l’Art ».
Le métier de layetier : l’art et la manière de transporter une œuvre
Au sein de la plus vieille entreprise d’Europe, Chenue, dont sa création remonte à 1760, le layetier avait la charge d’emballer soigneusement la layette (contenant une liste importante de linge pour la mère, l’enfant, le corps et le berceau), puis toute la lingerie royale. Sous le Premier Empire, l’entreprise Chenue permettait à l’Empereur de se déplacer avec toute sa vaisselle et ses objets précieux.
► Voir un album d’objets de transports historiques du Premier Empire au service de l’Empereur
Mise en ligne : 24 février 2022 ; mise à jour : 28 mars 2024