napoleon.org – Votre site Internet nous apprend que vous êtes autodidacte mais… dites-nous en plus : d’où vous vient la passion du dessin ? Avez-vous un souvenir en particulier à partager avec nos lecteurs (et visiteurs du 7 rue Geoffroy Saint-Hilaire) ?
Redpaln – C’est un peu cliché, mais j’ai toujours dessiné pour autant que je m’en souvienne. La différence c’est que c’était nettement moins intéressant les premières années ! C’était assez facile de m’occuper : une feuille, des crayons et je m’amusais à dessiner. Dans mon enfance, je n’ai jamais vraiment étudié le dessin autrement que par la pratique et la copie. À l’adolescence j’ai découvert que certains artistes publiaient des livres avec leurs croquis, et ça m’a été très utile. Je passais mon temps à recopier des dessins « finis » et j’ai commencé à recopier des croquis pour comprendre comment les personnages étaient construits. Beaucoup de gens s’imaginent qu’être autodidacte signifie avoir une sorte de don de naissance, et que tout est venu « tout seul » alors que ça représente « juste » le fait d’apprendre seul, et que cela représente tout de même un nombre d’heures certain.
À l’époque (et cette époque a duré très longtemps ! ), je n’aurai jamais imaginé pouvoir en faire un « vrai » métier… C’était le plaisir de faire glisser des lignes sur des feuilles et d’imaginer des personnages (et des histoires) !
napoleon.org – Et la passion de l’Histoire ? Avez-vous des périodes de prédilection en particulier ?
Redpaln – Pour le coup, c’est là que je peux vous raconter une anecdote. Sans rentrer dans les détails, après une primaire, un collège et un lycée en horaires aménagés Musique, j’ai eu envie de me réorienter l’année du bac. Je me retrouve donc à passer un bac L et à me demander ce que je vais pouvoir choisir comme option… assez logiquement j’ai choisi l’option art ! Finalement, j’ai eu une assez mauvaise note en arts plastiques et j’ai réussi à décrocher ma mention grâce à l’Histoire !
Après mon bac, ma famille s’attendait à ce que je parte en fac d’Histoire, justement… ça semblait logique… mais j’avais envie d’expériences concrètes et je suis partie dans totalement autre chose, dans l’artisanat !
L’Histoire a toujours été une passion car j’aime comprendre le monde dans lequel je vis. J’aime me poser des questions, comprendre ou en tout cas imaginer des hypothèses sur les causes et les conséquences des événements. J’ai une prédilection pour deux périodes assez distinctes : l’Antiquité, grecque et romaine, et le XIXe siècle. Pour des raisons différentes, je dirais que ce sont deux périodes fondatrices.
napoleon.org – Côté artistique, avez-vous des « maîtres » ?
Redpaln – Je ne sais pas si on peut parler de maîtres, mais il y a certains artistes dont le travail me plaît particulièrement, même si certains sont très loin de mon style… au premier abord (mais moi j’y vois quelques « trucs » que je reconnais). Je vais commencer par un plutôt évident : Mucha et l’art des affichistes du début du XXe, l’art nouveau et tout simplement l’art de l’affiche en général (et de l’icône religieuse). Il y a certains codes qui, sans les avoir étudiés de manière didactique, me parlent dans la mise en valeur des sujets.
Il ne faudrait pas oublier ce qui, je pense, a du avoir une influence, ne serait ce que sur mon envie de dessiner : je suis née à Épinal, et j’y ai grandi la première partie de ma vie… l’imagerie du même nom était assez présente dans ma vie quotidienne d’enfant (et ses images napoléoniennes !)
Je vous parlais tout à l’heure de certains artistes que j’aime tout particulièrement même s’ils « semblent » très éloignés de mon style : je ne peux pas ne pas citer Don Rosa, qui est l’auteur de l’extraordinaire bande dessinée sur la vie de Balthazar Picsou, que je vous invite à découvrir, au delà des préjugés, si vous ne connaissez pas !
napoleon.org – Quelles sont vos sources d’inspiration, sinon, hors arts graphiques ?
Redpaln – Je dirai que je suis inspirée par les histoires, que cela soit celles que j’étudie, celles qu’on me raconte, qu’elles soient mythologiques ou réelles, qu’elles fassent partir de la « grande » Histoire ou qu’elles soient reliées à des récits plus intimistes… Dessiner pour dessiner, c’est bien, mais je préfère dessiner pour raconter des histoires, ou en tout cas donner envie aux gens de les découvrir !
napoleon.org – Vous être co-auteur d’un ouvrage sur Napoléon avec David Chanteranne, projet que vous avez initié. Comment vous est venue l’idée originelle ? Quelles sont les contraintes à tenir graphiquement un sujet sur 70 pages, même quand on est très intéressée par un personnage historique ?
Redpaln – Ce projet était un pari ! Quand j’ai contacté David, je n’avais aucune assurance d’arriver à quoi que ce soit, et je m’étais préparée à ne même pas avoir de réponse… mais comme je suis plutôt du style « qui ne tente rien n’a rien », j’ai tenté ! Il m’a donné rendez-vous une semaine plus tard au souvenir Napoléonien, et il avait déjà vu passer mon travail qui avait retenu son attention. Mais lorsqu’on s’est rencontré la première fois, je suis arrivée en lui disant « Ça pourrait être intéressant qu’on puisse faire un livre ensemble sur Napoléon » mais c’était à peu près tout ! Rien n’était encore posé, évidemment l’idée était d’y mettre des illustrations, mais le concept « illustoriques » (le nom de la collection), illustration à droite, texte à gauche, trente thèmes… tout cela s’est mis en place au fur et à mesure de notre réflexion commune ! Aujourd’hui, le concept est bien « calé » et a vu naître le tome 2 sur l’Ordre du Temple. Le tome 3… je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler !
Pour le côté graphique, l’avantage lorsqu’on travaille sur le XIXe (et les siècles suivants), c’est qu’il est possible d’avoir accès à une iconographie très riche et précise, ce qui est à la fois une chance et justement une complication. Chance, car on peut s’appuyer sur de nombreux documents ; complication, car parfois certains sont contradictoires et parce que, justement, on a moins le droit à l’erreur car on est attendu au tournant par des spécialistes !
Je me fixe un objectif en tant qu’illustratrice, c’est de faire quelque chose de graphiquement intéressant, mais sans sacrifier (ou le moins possible) l’aspect historique. À ce sujet, David a été d’une grande aide, me conseillant quand parfois je trouvais plusieurs tenues pour le même personnage, sur le choix et la signification des uniformes, décorations, ou s’assurant de la justesse de mon choix (est-ce que l’uniforme que je représente colle avec le moment qu’on a choisi de mettre en valeur ?). C’est ce que j’aime en tant qu’illustrateur Histoire : je dessine, mais j’apprends tous les jours !
napoleon.org – Procédez-vous différemment quand vous travaillez sur toile, ouvrages papier et mur ?
Redpaln – Complètement ! Ce n’est pas du tout la même démarche effectivement. J’ai testé les trois, et aujourd’hui je ne réalise plus de création sur les murs, en tout cas en dessinant directement sur celui-ci. Je l’ai fait, et ce n’est pas vraiment ce que je préfère. La toile est un médium intéressant, qui me permet d’aller chercher la couleur de manière complètement différente, par rapport à l’illustration. Mais aujourd’hui j’en fais très peu ; peut-être deux par an ? Cela reviendra, peut-être.
Actuellement, ce qui me donne le plus de satisfaction, c’est vraiment travailler avec mon papier et mon crayon, pouvoir peaufiner chaque ligne, tester, modifier, reprendre, chercher l’équilibre… J’aime travailler à mon bureau et pouvoir créer des choses précises, en prenant mon temps.
napoleon.org – Avez-vous trouvé que les locaux de la Fondation Napoléon présentaient une particularité ou une contrainte spéciale ? Comment avez-vous travaillé dessus ?
Redpaln – La première chose qui m’a interpellée, c’est la couleur très marquée des murs pour le rez-de-chaussée. J’étais un peu inquiète du rendu final et de l’accord avec mes couleurs de prédilection, mais j’ai été assez vite rassurée, en faisant les premiers essais. La deuxième contrainte, qui s’est révélée plus difficile, était les ratios demandés : une porte, ce n’est pas large et c’est assez haut ; il fallait donc réussir à concevoir des personnages qui « entrent » dans ce genre de gabarits (le pire étant l’image pour la salle Gourgaud, car le pan fixe de la porte était encore moins large qu’une porte classique !).
En dehors de ces contraintes techniques, c’était un réel plaisir de travailler sur ce projet, où on m’a beaucoup fait confiance, me laissant la plupart du temps avancer sur mon idée première, ce qui est un réel plaisir !
napoleon.org – Y a-t-il un autre support qui vous tenterait (l’animation, par exemple) ?
Redpaln – J’avoue que je serais curieuse de voir mes personnages animés, mais je me demande comment cela pourrait être possible, de par le fait que je les dessine sans visages. En termes de supports, j’aimerais un jour travailler sur du très, très grand format et voir mes personnages en façade, et à la fois en beaucoup plus petit : peut-être une série de planches de soldats illustrées à découper… à l’ancienne !
napoleon.org – Vous êtes artiste, maire de votre commune – Montfaucon-d’Argonne, dans la Meuse -, mère de famille, … et avez encore bien d’autres activités ! Pouvez-vous nous expliquer comment vous ménagez du temps pour vos créations ?
Redpaln – J’ai un atout secret : un mari extraordinaire. Nous sommes très complémentaires et nous nous considérons comme une véritable équipe. J’ai été maman au foyer les premières années, gérant la maison pendant que lui travaillait. Aujourd’hui, c’est l’inverse depuis quelques années, et c’est ce qui m’a permis de consacrer énormément d’heures au lancement de mon activité, il y a bientôt 10 ans. J’ai pu le faire parce que je savais que j’avais un appui à toute épreuve, aussi bien concrètement dans la gestion du quotidien que moralement dans tous les moments où j’ai failli « rendre mon tablier » ! Aujourd’hui, mon activité fonctionne bien et cela n’aurait pas été le cas, si j’avais été seule.
Pour le reste, j’essaye d’appliquer un ordre d’importance : ma famille, l’illustration, mes fonctions d’élue, avec parfois de manière ponctuelle une casquette qui prend le pas sur l’autre, mais toujours temporairement.
Je crois que ce qui me permet de faire beaucoup de choses est que j’en ai réellement besoin : j’ai besoin d’apprendre, de découvrir, d’évoluer, sinon je me lasse. Ça tombe bien, l’Histoire est tellement vaste que je suis sûre de ne jamais en avoir fait le tour !
napoleon.org – Si elle n’est pas trop personnelle, une dernière question : pourquoi « Redpaln » comme nom d’artiste ?
Redpaln – Elle n’est pas trop personnelle, mais elle n’est plus vraiment « d’actualité »… en fait c’est un nom d’artiste que je me suis choisi autour de mes 20 ans, et à l’époque, j’avais les cheveux rouges. Je les ai d’ailleurs eu jusqu’en 2019. Le « Red » de Redpaln vient de là, tout simplement. C’était une couleur qui me fascinait, franche, puissante, elle a peut-être, sûrement d’ailleurs, été la force dont j’ai eu besoin à une période de ma vie pour m’affirmer, et elle m’a accompagnée dans mes sept premières années en tant qu’illustratrice indépendante… Pour le Paln… il s’agit tout simplement de mon prénom, auquel j’ai enlevé quelques lettres… à vous de deviner !
J’en profite pour vous remercier de la confiance que vous avez placée en moi pour ce projet. Je suis absolument ravie d’avoir pu travailler pour cet espace !