Sylvie Brély, fondatrice et directrice de l’association La Nouvelle Athènes : « Offrir au public une redécouverte de sonorités correspondant aux goûts de chaque époque et de chaque esthétique »

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À l’occasion de la deuxième édition du festival de Pentecôte du 15 au 20 mai à l’Orangerie du château de Bois-Préau, Sylvie Brély a accepté de nous donner une interview sur son parcours et sur son association, La Nouvelle Athènes, qui promeut la pratique et l’interprétation de la musique romantique sur des pianos d’époque.

Propos recueillis par Claudia Bonnafoux, web-éditrice des sites de la Fondation Napoléon (mai 2024)

Sylvie Brély, fondatrice et directrice de l’association La Nouvelle Athènes : « Offrir au public une redécouverte de sonorités correspondant aux goûts de chaque époque et de chaque esthétique »
Sylvie Brély © D R

napoleon.org : Comment votre expérience en tant que fondatrice du label discographique Zig-Zag Territoires vous a-t-elle aidé dans la création de votre association, La Nouvelle Athènes ?

Sylvie Brély : Effectivement, l’association La Nouvelle Athènes – Centre des pianos romantiques créée en 2018 est le deuxième projet musical que j’ai lancé après le label discographique Zig-Zag Territoires fondé en 1997. Ce label a produit plus de 250 disques jusqu’en 2010, distribués par harmonia mundi dans le monde entier. Il a accompagné beaucoup d’artistes de musique ancienne, de création et de jazz de premiers plans, certains étaient alors à l’orée de leur carrière tels que la violoniste Amandine Beyer et son ensemble Gli Incogniti, la claveciniste Blandine Rannou, l’accordéoniste Vincent Peirani, le saxophoniste Raphaël Imbert ou d’autres à leur maturité comme la violoniste suisse Chiara Banchini et son ensemble 415, le pianofortiste flamand Jos van Immerseel et Anima Eterna, le pianiste russe Alexei Lubimov créateur de la classe de pianoforte et de piano contemporain du Conservatoire Tchaikovski de Moscou.

Cette expérience m’a appris à définir une ligne éditoriale, à prendre des risques artistiques et financiers et m’a introduite dans le milieu musical européen, auprès des institutions et de la presse. Zig-Zag Territoires était particulièrement orienté vers les relectures des répertoires anciens sur instruments d’époque.

Les responsabilités de déléguée générale aux programmes artistiques de la Fondation Royaumont de 2011 à 2019 où j’ai organisé 9 saisons de concerts, d’ateliers de formation, de colloques et de résidence m’ont permis d’approfondir aux côtés des artistes et des musicologues, les enjeux d’interprétation dite « historiquement informée » combinant le jeu sur instruments d’époque, la mise en jeu des pratiques de jeu définis dans les nombreux traités apparus au XVIIIe et XIXe siècles en parallèle des démarches de nos encyclopédistes…

napoleon.org : Quels sont les avantages et les défis de la pratique et de l’interprétation de la musique romantique sur des pianos d’époque plutôt que sur des pianos modernes ?

Sylvie Brély : La musique romantique autour de Beethoven, Schubert, Chopin, Brahms et Schumann occupe plus de 60% des programmations de concert. Elle est majoritairement interprétée dans des très grandes salles, sur des pianos « modernes » dont les qualités de nuances et de projections sonores très contrastées et puissantes n’ont rien à voir avec les instruments et les conditions d’écoute qui ont inspiré les œuvres de Beethoven, Schubert, Chopin, Brahms ou Schumann.

D’une part, à l’instar des radicalités des mouvements picturaux après la Première Guerre mondiale (Expressionisme, Dada, Bauhaus…), les interprètes du répertoire romantique tels que les pianistes Schnabel, Busoni se sont explicitement détournés des modes de jeu très libres et très personnels des derniers romantiques tels que Clara Schumann, Carl Reinecke, Leschetizki (élève direct de Czerny), de Frédéric Lamond (élève direct de Lizst). Ces modes de jeu issus de la tradition baroque, ajoutaient par rapport au texte de la partition, des ornementations, créaient de subtils retards entre la mélodie et son accompagnement (rubato), des inflexions vocales (portamento, glissendo…), des arpeggiations des accords ce qui rendaient unique chaque rencontre entre l’artiste et son public… Les pianistes modernes ont décidé d’un retour aux seules notes de la partition créant une progressive standardisation de l’interprétation que le développement croissant des enregistrements favorisait.

D’autre part, jusqu’à l’invention du récital devant les foules des théâtres par les virtuoses Liszt ou Paganini à partir de 1850, les romantiques jouaient dans les salons pour des cercles intimes bourgeois, aristocratiques ou artistiques de 50 voire 300 personnes lorsqu’ils jouaient dans les fameuses salles Pleyel, Erard ou Herz à Paris, selon des factures instrumentales très différenciées entre les esthétiques viennoise, anglaise ou française et elles-mêmes très différentes entre les facteurs.

L’avantage de la pratique sur les pianos de l’époque, choisis dans le pays où ont été composées les œuvres, dans des salles se rapprochant plus de l’écoute au salon est d’offrir au public une redécouverte de sonorités correspondant aux goûts de chaque époque et de chaque esthétique.

Les défis sont nombreux car nous cherchons à présenter aux artistes et au public des pianos d’époque en parfait état de jeu, restaurés par les plus grands maîtres d’art dans des lieux appropriés. Actuellement, il y a beaucoup de pianos d’époque mais très peu sont en état de jeu qui tiennent la comparaison avec les pianos modernes.

napoleon.org : Comment La Nouvelle Athènes travaille-t-elle pour promouvoir cette pratique et rendre accessible cette expérience musicale aux auditoires plus larges ?

Sylvie Brély : La Nouvelle Athènes s’est donnée pour mission de se concentrer sur les pianos de la première moitié du XIXe siècle avec le piano carré Erard 1806, témoin de l’esthétique du premier romantisme français et le piano viennois Streicher 1847 idéal pour le répertoire de Chopin, Schumann, Liszt, Brahms… Dans les deux cas, les restaurations ont été réalisées par les plus grands maîtres d’Art européens : Christopher Clarke, partenaire du musée de la Musique et Edwin Beunk, partenaire du Concours Chopin sur pianos d’époque de Varsovie.

La Nouvelle Athènes fédère des pianistes, clavecinistes, restaurateurs, musicologues spécialisés et organise des résidences, des ateliers de formation, des journées d’étude et des concerts pour stimuler et transmettre les pratiques de jeu romantique.

Le partenariat culturel avec le Musée national des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau nous a permis de trouver l’écrin patrimonial idéal pour faire entendre la musique du premier romantisme français là où il se développa ; dans le salon de Malmaison autour de l’impératrice Joséphine et sa harpe Cousineau et de la reine Hortense et son piano carré Erard 1812.

Nous proposons des concerts mensuels sur le piano carré Erard 1806 dans la salle à manger du Château de Malmaison à la redécouverte du répertoire français et un temps de Festival à la Pentecôte pendant lequel nous explorons une thématique.

En 2023, nous étions concentrés sur les goûts musicaux de Joséphine. En 2024, nous célébrons les talents de compositrice de sa fille la reine Hortense, autrice de 500 romances dont certaines furent reprises par des compositeurs de premier plan tels que Schubert, Hummel, Giuliani, qui reçut le jeune Liszt en 1835 dans son château d’Arenenberg en Suisse…

Nous vous convions du 15 au 20 mai à l’Orangerie du château de Bois-Préau, dans une salle de 160 places – un grand salon au cœur du parc romantique de Bois-Préau- , à l’écoute des artistes de La Nouvelle Athènes et du piano carré Erard 1806, d’un piano viennois Rosenberger 1825, d’une harpe Naderman 1815, de guitares romantiques italiennes.

Une journée sera dédiée aux lycéens de Rueil-Malmaison le 13 mai. Une journée d’étude sur les romances au temps d’Hortense offrira le 15 mai des clés d’écoute avant les 7 concerts du festival du 17 au 20 mai 2024.

En attendant, vous pouvez écouter ici l’originalité de ce piano Erard 1806 dans le Ranz des vaches, une pièce de Louis Adam professeur au Conservatoire de Paris de 1797 à 1848, sous les doigts experts de Luca Montebugnoli.

Réservations : www.lanouvelleathenes.net

Sylvie Brély est directrice et fondatrice de La Nouvelle Athènes – Centre des pianos romantiques, directrice des Amis de Georges Bizet, Fondatrice du label Zig-Zag Territoires et ex déléguée générale aux programmes artistiques de la Fondation Royaumont (mai 2024)

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