Sylvie Le Ray-Burimi : "Napoléon III et l’Italie, naissance d’une Nation 1848-1870", une exposition au Musée de l’Armée (oct. 2011)

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Le Musée de l’Armée, à Paris, propose du 19 octobre 2011 au 15 janvier 2012, une exposition consacrée aux liens entre Napoléon III, la France et l’Italie, et à la naissance de la nation italienne entre 1848 et 1870. Préalablement présentée au Musée du Risorgimento à Milan, dans une version ne comprenant que de l’iconographie, cette exposition s’intègre dans une série de manifestations organisées à l’occasion du 150e anniversaire de l’Unité italienne. Chef du département de l’iconographie au Musée de l’Armée et commissaire de l’exposition, Mme Sylvie Le Ray-Burimi nous en rappelle le contexte politique et nous présente quelques pièces majeures exposées. Propos recueillis par Irène Delage, 4 octobre 2011.

Sylvie Le Ray-Burimi : "Napoléon III et l’Italie, naissance d’une Nation 1848-1870", une exposition au Musée de l’Armée (oct. 2011)
Garibaldi, A. Estienne © Musée de l'Armée - Paris, distr. Rmn / image Musée de l'Armée

Irène Delage : Ce 19 octobre 2011 s’ouvre au Musée de l’Armée une exposition consacrée aux liens de Napoléon III et de la France avec l’Italie, pourriez-vous nous en expliquer le contexte ?
Sylvie Le Ray Burimi :
L’exposition bénéficie du haut patronage des Présidents de la République français et italien et s’inscrit dans le cadre des commémorations du 150e anniversaire de l’Unité italienne, dont une première étape remonte à la proclamation du Royaume d’Italie le 17 mars 1861. L’Italie, en tant que Nation souveraine et indépendante, est née de l’unification, sous l’impulsion du Royaume de Piémont-Sardaigne, d’une mosaïque d’Etats soustraits, en moins de trois ans, à la domination directe ou indirecte de l’Autriche mais également au pouvoir temporel du Pape. La Lombardie est la première conquise, grâce au concours massif et coûteux en vies humaines de l’armée française face aux Autrichiens de mai à juillet 1859.

Cette victoire entraîne dans le mouvement unitaire, à l’issue de plébiscites, une demi-douzaine d’Etats du centre de l’Italie – Grand Duché de Toscane, Parme, Modène, Lucques et Massa, Romagne, Marches et Ombrie. La conquête dès 1860 du Royaume des Deux-Siciles résulte de l’audace de Garibaldi et de ses Mille volontaires internationaux dont l’expédition, popularisée par Alexandre Dumas, est soutenue en sous-main puis relayée par le Piémont. C’est à la clairvoyance de son premier ministre Cavour comme à la détermination de Victor Emmanuel II que ces succès foudroyants sont dus, mais également à une habile stratégie d’alliance favorisée par la volonté de Napoléon III de remettre en question le concert européen issu du congrès de Vienne de 1815.

Affichage de l'ordre du jour de Napoléon III à l'Armée d'Italie, C. Silvy © Coll. privée italienneI.D. : Quels sont les objectifs de cette exposition ? Bénéficie-t-elle d’animations particulières ?
S.L.R.B. :
Organisée par le musée de l’Armée en partenariat avec la Fondation Alinari pour l’histoire de la photographie de Florence et le Musée du Risorgimento de Milan, l’exposition propose un regard croisé des artistes français et italien sur les événements. Près de 80 oeuvres italiennes, souvent inédites en France, formeront contrepoint aux oeuvres françaises en mettant en exergue plusieurs épisodes paradoxaux : siège de Rome en 1849, durant lequel les troupes françaises s’opposent aux patriotes italiens, leurs frères en République, pour rétablir le Pape dans ses Etats ; paix de Villafranca conclue par la France avec l’Autriche en 1859 et ressentie comme un second Campoformio par l’opinion publique italienne ; affrontement à Mentana en 1867 où des troupes françaises unies aux troupes pontificales arrêtent à coup de chassepots la marche des Garibaldiens sur Rome ; front prussien en 1870 où Garibaldi accourt au secours de la République française.

L’exposition s’ouvrira sur un monumental plan- relief de Rome, confronté aux relevés des officiers du corps expéditionnaire de 1849, ainsi qu’aux photographies de Lecchi, premier reportage photographique de guerre connu. Elle se clôt par « le mur des protagonistes » : au sein d’une rotonde ocre rouge, couleur alors remise au goût du jour par les recherches archéologiques encouragées par l’Empereur, le visiteur retrouve les « acteurs » de cette épopée : 60 protagonistes de l’Unité italienne ; ce mur est associé à un dispositif interactif qui permet d’en « savoir plus » sur chacun d’entre eux – hommes politiques, soldats, écrivains, musiciens. Ce dispositif offre aussi la possibilité de parcourir la presse illustrée de 1848 à 1870.
Collections étonnantes aussi : les images stéréoscopiques. Elles sont présentées dans des boîtes binoculaires qui restituent le relief, rendant vivant et « palpable » le théâtre des opérations. Du 3D avant l’heure !
Font écho à l’exposition, un programme de concerts sur l’opéra italien et Verdi en particulier – « Viva V.E.R.D.I ! » -, un cycle cinématographique (Visconti, Rossellini, Taviani), et des animations pour les enfants, familles et scolaires.

Uniforme porté par Napoléon III à Solférino © Musée de l'Armée - Paris, distr. RMN / E. CambierI.D. : L’exposition rassemble plus de 250 oeuvres et objets, dont certains rarement présentés au public, pourriez-vous en évoquer deux ou trois remarquables ?
S.L.R.B. :
L’exposition met en valeur la richesse des collections du musée de l’Armée – plus souvent associé à la figure de Napoléon Ier qu’à celle de son neveu – mais repose aussi sur les prêts généreusement accordés par plusieurs institutions et collectionneurs français et étrangers. Sera ainsi présenté l’uniforme porté par Napoléon III durant la bataille de Solferino. D’autres oeuvres, telles que l’esquisse par Dubufe de son tableau représentant le Congrès de Paris, provenant de la collection Charles-André Walewski, permettent de remonter aux origines de l’alliance franco-sarde durant la guerre de Crimée et d’évoquer une rencontre diplomatique cruciale pour le mouvement des Nationalités en Europe. Enfin, une photographie de Camille Silvy, prêtée par la Fondation Alinari, met en scène la lecture par les ouvriers d’un faubourg parisien de l’ordre du jour de l’armée d’Italie, rédigé par l’empereur et transmis par télégraphe depuis Gênes. Déclinée dans la presse sous forme de gravures, elle révèle l’influence croissante de l’image dans la formation de l’opinion comme dans sa manipulation, afin de conforter la popularité, par ailleurs réelle, de l’intervention française de 1859.

A la modernisation de la conduite du conflit – canons rayés, cadences de tirs, chemins de fer acheminant troupes et matériels, ballons de renseignement militaire – répond celle des médias utilisés pour le couvrir, la photographie peinant toutefois encore à rendre compte de la rapidité comme de la furia d’une campagne éclair.

Volontaire des légions de Garibaldi, Induno © Museo del Risorgimento, Milan/ Officina dell'ImagineI.D. : Qu’aimeriez-vous que le visiteur retienne de sa visite ?
S.L.R.B. :
L’engagement des artistes – Du Camp, Durand-Brager, Le Gray, Vela…- et des écrivains – Dumas, Hugo, Sand… – caractérise les combats du Risorgimento et c’est en grande partie à travers eux que les Français du Second Empire ont vécu à l’heure italienne et ressenti cette histoire comme étant aussi la leur.
Gerolamo Induno, dont l’exposition présente un ensemble de peintures remarquables et encore jamais réunies en France, est l’un de ceux qui ont combattu les armes à la main mais surtout milité par les moyens propres à leur art.
Grièvement blessé en 1849 lors du Siège de Rome, dont il proposera, lors de l’exposition universelle à Paris en 1855, une représentation railleuse, il n’en rend pas moins hommage en 1859 à la bravoure des officiers et troupes coloniales françaises – dont c’est la première apparition en Europe – dans son très vigoureux et très peu académique tableau de Magenta, l’un des chefs d’oeuvre de l’exposition. Induno est également sur les champs de bataille en 1848 contre les Autrichiens, puis en Crimée et suit l’expédition des Mille emmenés par Garibaldi à la conquête des Deux-Siciles en 1860.

Nous espérons que le public sera sensible au courage face au danger, à l’habilité à déjouer la censure – dont fait montre La Lectrice, sculpture allégorique de Pietro Magni – et à la valeur universelle d’oeuvres produites dans des conditions souvent périlleuses. Sans leur témoignage, le sacrifice des soldats tombés durant les sanglantes batailles des guerres d’indépendance italiennes serait aujourd’hui pour nous lettre morte.

Cette exposition a été réalisée en partenariat avec la Fondation Alinari pour l’histoire de la photographie et les musées historiques de la ville de Milan.
Elle bénéficie du soutien du CIC.

Commissariat de l’exposition
– Musée de l’Armée : Sylvie Le Ray-Burimi, conservateur du patrimoine, chef du département iconographie ; Anthony Petiteau, chargé d’études documentaires, adjoint au chef du département iconographie
– Fondation Alinari : Monica Maffioli, directrice scientifique de la Fondation Alinari pour l’histoire de la photographie de Florence
– Ville de Milan : Marina Messina, directrice scientifique des Civiche Raccolte Storiche.

Le catalogue (éditions Nicolas Chaudun) est édité avec le soutien de la Fondation Napoléon.

=> Informations pratiques générales pour aller voir l’exposition (jusqu’au 15 janvier 2012)

=> Cycle de conférences, Regards français sur l’Italie au temps de Napoléon III
(jusqu’au 17 octobre)

=> Cycle de concerts : Viva V.E.R.D.I.! (jusqu’au 8 décembre)

=> Cycle cinéma : Le Risorgimento dans le cinéma italien (6-9 décembre)

A voir le reportage vidéo consacrée au parcours jeune public de l’exposition

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