Thierry Lentz : « L’exposition Napoléon à Sainte-Hélène, une occasion unique de voir ensemble des objets jamais réunis depuis 1821 » (février 2016)

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L’exposition Napoléon à Sainte-Hélène. La conquête de la mémoire, qui sera présentée au Musée de l’Armée du 6 avril au 24 juillet 2016, s’annonce exceptionnelle à plus d’un titre. La Fondation Napoléon y a joué un rôle, au sein du Comité scientifique (grâce à Pierre Branda, responsable du Patrimoine chargé des finances et des collections), puis comme mécène et prêteur. Cet événement s’inscrit ainsi, et pas si indirectement, dans l’opération « Sauver la Maison de Napoléon à Sainte-Hélène », qu’elle clôture et, si l’on ose dire, couronne. Thierry Lentz nous en dit plus sur le pourquoi et le comment de l’exposition, du point de vue de la Fondation dont il est le directeur.
Propos recueilis par Irène Delage en février 2016

Thierry Lentz : « L’exposition Napoléon à Sainte-Hélène, une occasion unique de voir ensemble des objets jamais réunis depuis 1821 » (février 2016)
© Musée de l'Armée, 2016

Irène Delage : Comment l’idée de cette exposition est-elle née ?

Thierry Lentz : On doit rendre ici hommage aux responsables du Musée de l’Armée d’avoir accueilli avec enthousiasme l’idée d’une grande exposition sur Napoléon à Sainte-Hélène, que le président de la Fondation, M. Victor-André Masséna*, leur a soumise il y a deux ou trois ans. À cette époque, nous savions qu’une trentaine de meubles originaux de Longwood allaient être transportés en France pour restauration. Nous voulions absolument que les donateurs de la souscription « Sauver la Maison de Napoléon à Sainte-Hélène » puissent les voir, dès lors qu’ils finançaient par leurs dons cette opération exceptionnelle. Les responsables du musée –dont je rappelle que le directeur, actuellement le général de division Christian Baptiste, est statutairement « gardien du tombeau de l’Empereur »– ont donc dit « banco ! » et ont élargi le propos afin que le « grand public » puisse lui aussi venir, voir, passer du temps dans les salles et s’instruire. Le résultat est formidable. Partant, la Fondation a jugé qu’il serait souhaitable d’accorder un mécénat important au projet et, dans la mesure où le Musée de l’Armée le souhaitait, de participer à la préparation de l’exposition. Les choses se sont passées comme prévu et voici donc le moment venu de présenter au public, non seulement les plus importants meubles de Longwood, mais aussi des dizaines de souvenirs de Sainte-Hélène au public.

Irène Delage : Pour la Fondation, cette exposition est donc aussi l’aboutissement de plusieurs années de travail avec le ministère des Affaires étrangères et les Domaines nationaux de Sainte-Hélène. Deux mots sur cette collaboration…

Thierry Lentz : Dans le cadre de notre mission de préservation du patrimoine napoléonien et de la réflexion que nous avons menée, de concert avec le ministère des Affaires étrangères, nous avons été amenés à programmer une grande restauration de l’aile des généraux de Longwood. Le ministère a pu dégager 700 000 euros et la Fondation, avec le Souvenir napoléonien, a organisé une souscription internationale pour réunir d’autres fonds : grâce à 1 600 donateurs nous avons pu récolter 1,5 million d’euros. Une restauration plus importante a donc été entreprise : salon où est mort l’Empereur, salle de bain, anciennes écuries et toiture des communs. Le tout, sous le contrôle du directeur des Domaines et d’un architecte en chef des Monuments historiques, a été réalisé par un entrepreneur local, dans le respect du délai et des devis. Dans ce cadre, comme les Domaines de Sainte-Hélène conservent presque la totalité du mobilier authentique de l’exil, qui n’avait pas été restauré depuis 200 ans, nous avons transporté en France les 32 pièces les plus importantes, tandis que 78 autres seront entretenues à Sainte-Hélène par un spécialiste spécialement formé grâce à une subvention du Gouvernement de Sainte-Hélène, d’une part, par un professionnel sélectionné par le musée de Malmaison, qui a effectué deux séjours sur place et, d’autre part, en complétant sa formation en Angleterre, dans une école réputée. Les meubles transférés en France ont été restaurés, sous le contrôle de conservateurs du patrimoine, dans des ateliers français. Les plus emblématiques sont présentés dans l’exposition du Musée de l’Armée, avant de reprendre leur place à Longwood. L’exposition sera donc une occasion unique de les voir à Paris.
C’est pour nous l’aboutissement d’une opération qui aura pris de nombreuses années. Ceci étant dit, notre travail ne sera vraiment terminé que lorsque les meubles restaurés auront repris leur place dans la maison de Longwood, ce qui devrait être le cas au début de l’année prochaine.

Irène Delage : Outre les meubles de Longwood, que pourra-t-on voir dans l’exposition ?

Thierry Lentz : Une des intérêts de l’exposition est de voir des objets et des œuvres que l’on ne voit plus depuis des lustres, dans une scénographie très réussie et dans une démarche pédagogique qui devrait plaire au public, même moins informé que les napoléonistes que nous sommes. Les principaux objets de Sainte-Hélène ne sont plus présentés au public depuis des années. Ainsi, le musée de Bois-Préau, où se trouve le gros des souvenirs de Sainte-Hélène, provenant notamment de la collection Marchand, est fermé depuis 1999. On nous a toutefois affirmé que les autorités responsables avaient en main toutes les études nécessaires pour une réouverture. Ne manque que le calendrier et…le financement. Les souvenirs de Sainte-Hélène sont donc précieusement conservés dans des réserves…où ils retourneront à l’issue de l’exposition. Mais là aussi, on nous a précisé qu’une partie au moins de ces souvenirs sera exposée de façon plus pérenne dans le château de Malmaison lui-même. Autre grand détenteur de souvenirs, le Musée de l’Armée ne présente plus ceux-ci dans ses salles permanentes depuis la restructuration du début des années 2000. Signalons que c’est ce musée qui conserve le lit dans lequel l’Empereur a rendu son dernier soupir et que cette pièce à bien des égards émouvante sera présentée dans l’exposition.
En résumé, outre les prêts d’autres institutions et les meubles venus de Longwood, c’est une occasion unique de voir ou revoir ces fantômes d’histoire sortis exceptionnellement des réserves et réunis en un même lieu. J’ajoute enfin que, pour l’occasion, nous recevrons à Paris M. Mark Capes, gouverneur de Sainte-Hélène, et son épouse qui participeront à de nombreuses manifestation. Ce sera l’occasion de remercier M. Capes de tout ce qu’il a fait pour notre « projet Sainte-Hélène », à quelques semaines de l’ouverture de l’aéroport qui rendra plus facile les voyages sur une île qui sera un peu moins au bout du monde.
L’exposition permettra ainsi de déambuler, et même plus, dans un ensemble d’objets que l’on ne reverra plus à Paris (les meubles de Longwood) et d’autres que l’on ne reverra pas avant longtemps. Excellente raison de se précipiter au Musée de l’Armée.

Février 2016

*M. Victor-André Masséna, prince d’Essling, est aussi vice-président du Conseil d’administration du Musée de l’Armée.

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