Thierry Sarmant : l’exposition Napoléon et Paris, rêves d’une capitale (2015)

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Adjoint au directeur du musée Carnavalet et co-commissaire, Thierry Sarmant nous présente l’exposition « Napoléon et Paris, rêves d’une capitale » que le musée Carnavalet consacre à l’incroyable programme de transformation urbaine de Napoléon pour la capitale de son Empire : les projets et réalisations d’équipements (canaux, fontaines, ponts, quais, marchés, abattoirs, cimetières, grenier d’abondance…) devaient compléter les projets d’embellissement à la gloire du régime (colonne Vendôme, arcs de triomphe… projets à peine ébauchés du palais du Roi de Rome et de la cité impériale…) : « il entrait dans mes rêves de faire de Paris la véritable capitale de l’Europe. Parfois je voulais qu’il devînt une ville de deux, trois, quatre millions d’habitants, quelque chose de fabuleux, de colossal, d’inconnu jusqu’à nos jours, et dont les établissements eussent répondu à la population » (Napoléon, Mémorial de Sainte-Hélène). Jusqu’au 30 août 2015, l’une des plus remarquables expositions du moment.
Propos recueillis par I. Delage, mai 2015.

Thierry Sarmant : l’exposition <i>Napoléon et Paris, rêves d’une capitale</i> (2015)

Irène Delage : Comment est née l’idée de cette grande exposition ?

Thierry Sarmant : Le musée Carnavalet avait présenté en 2005 une belle exposition consacrée au « temps des Merveilleuses », qui avait rencontré un vif succès. L’idée est venue de traiter la période suivante, en mettant l’accent sur la personnalité de Napoléon et sur le bicentenaire de 1814 et 1815.

Irène Delage : Quels en sont les enjeux ? Qu’aimeriez-vous que le public retienne de sa visite ?
Thierry Sarmant : Nous voulions montrer que le projet d’une transformation globale de Paris est antérieur à Napoléon III et Hausmann. L’originalité de Napoléon Ier est son grand dessein d’équipements utilitaires pour tous les quartiers de Paris : canaux, fontaines, ponts, quais, marchés, abattoirs, cimetières, grenier d’abondance. L’ampleur des chantiers engagés est sans précédent dans l’histoire.

Irène Delage : Quels étaient les sentiments de Napoléon vis-à-vis de Paris ?

Exposition "Napoléon et Paris, rêves d'une capitale" Salle © musée Carnavalet - JB WolochThierry Sarmant : Napoléon nourrissait à l’égard de la capitale des sentiments mêlés : fascination pour le lieu où se font et se défont les régimes, attachement à la ville de sa jeunesse, mais également méfiance, aussi bien à l’égard du « peuple de Paris », associé au souvenir de la Terreur, que des notables du faubourg Saint-Germain, suspects de nostalgie de l’Ancien Régime.
Grand bâtisseur, il fut aussi sensible au patrimoine historique : soucieux de s’inscrire dans la continuité des rois, il s’est installé aux Tuileries et en a conservé l’aspect extérieur. On sait qu’il a apprécié le musée des monuments français d’Alexandre Lenoir.
Sa résidence parisienne préférée fut l’Elysée, en raison de son vaste jardin qui l’isolait de la ville.

Irène Delage : Une exposition dans un ancien hôtel particulier comme le musée Carnavalet, n’est-ce pas un défi ? Comment avez-vous travaillé avec le scénographe Philippe Pumain ?

Exposition "Napoléon et Paris, rêves d'une capitale" Salle © musée Carnavalet - JB WolochThierry Sarmant : Les volumes de Carnavalet, proches de ceux d’une demeure privée, imposent un découpage assez rythmé du propos. Ils offrent aussi un cadre évocateur de l’ancien Paris : les salles d’exposition temporaire donnent ainsi sur un magnifique jardin, appelé « Cour de la Victoire », dominé par la statue qui ornait originellement la fontaine du Châtelet.
Nos équipes travaillent avec Philippe Pumain depuis une vingtaine d’années. Il a notamment assuré la scénographie de l’exposition consacrée à Mme de Sévigné en 1996, celle des Merveilleuses en 2005 ou encore les Couleurs du ciel en 2011. Il connaît donc parfaitement bien nos espaces. Architecte, il a dirigé la restauration de bâtiments importants et est familier de l’esthétique néo-classique que nous voulions respecter dans la scénographie de « Napoléon et Paris ».
Nous lui avons demandé d’alterner les ambiances extérieures – évocation des arcs de triomphe et des arcades de la rue de Rivoli – et les ambiances intérieures – le palais des Tuileries.

Irène Delage : Plus de 400 objets, tableaux, dessins, costumes, sont présentés. Quels sont les trois ou quatre objets majeurs à voir absolument ?

Exposition "Napoléon et Paris, rêves d'une capitale" Salle © musée Carnavalet - JB WolochThierry Sarmant : On peut d’abord citer le tableau de Taunay qui sert d’affiche à l’exposition : L’entrée de la Garde impériale à Paris par la barrière de Pantin le 23 novembre 1807 (prêt du château de Versailles). Parmi les oeuvres appartenant à Carnavalet, les plus séduisantes sont le buste du général Bonaparte par Corbet, qui accueille le visiteur à l’entrée de l’exposition, et la maquette-jeu de construction représentant les arcades de la rue de Rivoli qui fut fabriquée pour les enfants de Louis-Phiilppe. Pour l’évocation de la cour, les objets les plus saisissants sont le trône provenant des Tuileries (musée du Louvre) et le costume de grand maréchal du palais du général Bertrand (Palais Galliera-Musée de la Mode de la Ville de Paris).

Irène Delage : Quel est votre objet préféré dans l’exposition ? (Vous pouvez en choisir deux !)
Thierry Sarmant : le plan original de la rue de Rivoli (issue d’une collection particulière), la maquette originale du Pont des Arts.
Florian Meunier (conservateur en chef et co-commissaire) : le grand collier de la Légion d’honneur qui a appartenu à Napoléon (prêté par le musée de l’Armée de Paris) ; la vue du palais du Roi de Rome projeté par Percier et Fontaine sur la colline de Chaillot (prêtée par l’ENSBA – École nationale supérieure des Beaux-Arts).

Paris, mai 2015

Tout sur l’exposition :
– Les infos pratiques sur l’exposition à voir jusqu’au 30 août 2015
– Le catalogue de l’exposition

À lire également :
4 questions à… Irène Delage, Chantal Prévot : Paris au temps de Napoléon, histoire d’un « urbanisme volontariste » (2014)
Atlas de Paris au temps de Napoléon, I. Delage et Ch. Prévot, éd. Parigramme (2014)

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