Merveille du patrimoine mondial, la célèbre place Saint-Marc est bordée par une série de monuments exceptionnels : la Basilique, la Tour de l'Horloge, les Procuraties anciennes et nouvelles et enfin l'Aile Napoléonienne (Ala Napoleonica), aujourd'hui entrée du musée Correr.
Fin 1805, Venise devint la seconde ville du Royaume d'Italie nouvellement créé, tandis que Milan, la capitale, accueillait le vice-roi Eugène de Beauharnais. Couronné Roi d'Italie le 26 mai, Napoléon s'aperçut vite qu'il avait besoin, dans la cité lagunaire, d'un ensemble architectural suffisamment important pour abriter les bureaux de son administration et loger la Cour lors de ses déplacements, que l'on prévoyait nombreux.
Son choix se porta sur la place Saint-Marc, centre politique et religieux de l'ancienne République vénitienne, et plus particulièrement sur l'ensemble formé par la Zecca (Monnaie), la Libreria Marciana et les Procuraties nouvelles. Il manquait cependant des aménagements dignes d'un palais royal : une vaste salle destinée aux fêtes et aux cérémonies publiques, un escalier monumental et une ouverture sur la place Saint-Marc. C'est pour répondre à cette triple nécessité que Napoléon ordonna la construction de l'Ala Napoleonica, face à la Basilique. Auparavant, la place était fermée par un ensemble tripartite et asymétrique composé de l'église San Geminiano et des deux ailes en retour des Procuraties nouvelles et anciennes. Sur l'intervention d'Eugène de Beauharnais, le projet retenu fut celui de l'architecte Giovanni Antonio Antolini, qui prévoyait la destruction de cet ensemble. Après de multiples vicissitudes et le remplacement d'Antolini par Giuseppe Maria Soli, assisté de Lorenzo Santi, le nouveau bâtiment fut achevé en 1836, durant l'occupation autrichienne. Napoléon et Eugène ne visitèrent jamais le monument, mais celui-ci conserva sa dénomination d'origine pour rappeler qu'il avait été commencé durant les années françaises.
L'Aile Napoléonienne a parachevé l'ordonnancement de la place Saint-Marc en l'unifiant avec cohérence. Côté Basilique, l'élévation extérieure s'inspire de celle des Procuraties nouvelles. La façade vers l'Ascensione est plus composite et s'inspire du modèle sansovinien de la Libreria. Au centre du bâtiment, un grand portique (Sottoportego San Geminiano) fait communiquer la place Saint-Marc avec le reste de la ville. Il donne accès à l'escalier d'honneur, chef-d'oeuvre néo-classique, dont la décoration fut dirigée par Giuseppe Borsato, le dernier grand peintre décorateur vénitien, qui travailla également au théâtre de la Fenice. Rampes à balustres, pilastres ioniques, revêtements en pierre et marbre rose, bas-reliefs de Victoires ailées et de guirlandes, trophées militaires et scènes de l'histoire antique composent un ensemble d'une rare élégance. La fresque du plafond, Le Triomphe de Neptune est l'oeuvre de Sebastiano Santi.
L'escalier d'honneur conduit dans un premier salon, actuellement occupé par la librairie du musée Correr, et qui servait à l'origine de vestibule à la salle de bal. Ses murs et son plafond sont ornés de fresques et de peintures en camaïeu dues à Borsato et à son atelier. La salle de bal fut achevée à une époque tardive ; son ample balustrade, son élégante colonnade et la richesse de son ornementation en font un lieu privilégié pour l'organisation d'événements de prestige tels que concerts et expositions. La salle du trône était quant à elle destinée à cet effet. Enfin, l'Aile Napoléonienne est unifiée par un long corridor dont les fenêtres donnent sur la place Saint-Marc.
Depuis plusieurs années, la Direction des Musei Civici Veneziani s'est engagée dans un vaste programme de restauration et de conservation des bâtiments abritant le Musée Correr. Une importance particulière a été accordée à l'Ala Napoleonica. Les travaux ont, entre autres, abouti à une spectaculaire restauration de la salle de bal.
Le Comité Français de Sauvegarde de Venise engage aujourd'hui un projet de restauration de la partie centrale du monument. Les travaux se concentreront sur trois lieux principaux : le portique de San Geminiano, le grand escalier d'honneur et le vestibule de la salle de bal. La Fondation Napoléon est partenaire de cette opération de mécénat.
Karine Huguenaud, juin 2001