Promis à une brillante carrière dans l’industrie, l’administration ou la politique, Paul Marmottan (1856-1932) choisit volontairement, après la mort de son père, d’être un « amateur », historien, collectionneur et mécène. Il mit ainsi toute sa fortune au service de sa seule passion : le Premier Empire. Au cours de voyages répétés en Belgique et aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche, en Pologne et en Russie, mais surtout en Italie, il visita les lieux des campagnes napoléoniennes et les résidences des napoléonides. Ses voyages lui permirent de rassembler livres, documents et œuvres d’art, tout en explorant les fonds d’archives où il trouva matière à ses nombreuses publications. Sa bibliographie comporte en effet 297 numéros parmi lesquels une biographie d’Elisa Bonaparte et des études sur le style Empire ou sur les arts en Toscane sous Napoléon. La bibliothèque Marmottan est le fruit de cette vie de recherches.
C’est en 1932 que Paul Marmottan légua ses collections à l’Académie des Beaux-Arts avec charge pour elle de les présenter au public. Mission accomplie en 1934 avec l’inauguration du musée Marmottan au Ranelagh à Paris et celle de la bibliothèque du même nom à Boulogne. Depuis 1966, c’est la ville de Boulogne-Billancourt qui assure la gestion et la mise en valeur de la bibliothèque. L’ensemble des bâtiments a été construit ou recomposé dans les années 1900-1930. Paul Marmottan travailla directement avec les architectes afin de recréer un cadre Empire en accord avec sa sensibilité. A ce titre, la bibliothèque Marmottan constitue l’un des rares exemples d’une bibliothèque d’atmosphère où les livres et leur décor sont nécessaires l’un à l’autre. Si les plus belles pièces de mobilier ont été conservées dans le musée de la rue Boilly, meubles, statues et tableaux mettent en valeur les ouvrages les plus précieux. Au premier étage, le cabinet de travail de Paul Marmottan, restauré en l’état, est un témoignage du goût pour l’Empire à la fin du XIXe siècle : colonnes de marbre jaune, murs verts soulignés de délicates frises blanches et meubles en acajou composent cet intérieur harmonieux et contrasté.
Considérant un peu sa maison de Boulogne comme une villégiature, Paul Marmottan sut y introduire un climat italianisant perceptible dans les purs volumes blancs des bâtiments, dans le pin d’Italie planté devant la galerie d’estampes ou dans les lions gardiens du seuil. C’est aussi ce petit air de palazzino que l’on retrouve dans le salon bleu recouvert d’une tenture provenant du palais de Caserte. La bibliothèque Marmottan apparaît ainsi comme un véritable petit musée où des sculptures de Bartolini, Chinard, David d’Angers voisinent avec des peintures de Fabre, Franque, Kinson, Meynier ou Lafitte.
Les fonds de la bibliothèque comportent plus de 16 000 titres consacrés essentiellement à l’histoire de l’administration napoléonienne dans la France de 1811. De très rares collections de journaux allemands, hollandais, italiens, espagnols, des recueils de différents bulletins des Lois et Actes administratifs, des séries d’annuaires départementaux, d’almanachs, des cartes et surtout un ensemble exceptionnel concernant l’Italie témoignent de la vocation européenne de ces fonds. Paul Marmottan aimait à répéter, « Je suis venu à l’histoire napoléonienne par le chemin de l’art » : sa bibliothèque est particulièrement riche d’ouvrages sur l’histoire de l’art néo-classique et sur la diffusion du style Empire en Europe.
Enfin, la bibliothèque Marmottan conserve un fonds de quelque 6000 estampes, dessins et gravures dont les plus remarquables sont des paysages et des vues des grandes villes européennes. Sur les murs de la galerie des Estampes sont exposés quelques-uns des « petits maîtres » du début du XIXe siècle qu’affectionnait particulièrement Paul Marmottan. On peut notamment y admirer des œuvres de Bertin, Bidault ou Turpin de Crissé.
Karine Huguenaud