Le château de Saint-Cloud fut le théâtre des grandes dates de l’Histoire de France au XIXe siècle et plus particulièrement de l’épopée napoléonienne puisqu’il vit la naissance et la chute du Premier et du Second Empire. Bonaparte y prit le pouvoir par le coup d’État du 18 brumaire an VIII et l’Empire y fut proclamé par le Sénatus-Consulte du 18 mai 1804. C’est encore à Saint-Cloud que la capitulation de Paris fut décidée le 3 juillet 1815. Charles X y signa en 1830 les Ordonnances qui devaient provoquer sa chute. Le 2 décembre 1852, le prince-président Louis Napoléon y fut nommé empereur et le 17 juillet 1870, la déclaration de guerre à la Prusse y fut signée. Trois mois plus tard, l’Empire déchu, le château disparaissait dans les flammes.
Au XVIe siècle, la famille de Gondi avait fait bâtir à Saint-Cloud, sur un coteau dominant la Seine et Paris, une résidence entourée de 12 hectares de jardins en terrasse. Louis XIV acheta cette maison de plaisance en 1658 pour son frère Philippe, futur duc d’Orléans. Entre 1660 et 1690, la demeure fut transformée en château par Antoine Le Pautre et Jules-Hardouin Mansart tandis que Lenôtre dessinait un parc de 460 hectares dont le principal ornement est encore aujourd’hui la Grande Cascade, un des ouvrages hydrauliques les plus remarquables du XVIIe siècle. Occupé par la famille d’Orléans durant tout le XVIIIe, le domaine fut acquis en 1785 par Louis XVI qui l’offrit à Marie-Antoinette. Richard Mique, l’architecte du hameau de Versailles, remania et fit remeubler le château mais la Révolution entraîna la dispersion du mobilier.
En 1793, Saint-Cloud échappa au démantèlement réservé aux propriétés de la couronne grâce à un décret de la Convention stipulant que « parc et château seront conservés et entretenus aux dépens de la République pour servir aux jouissances du peuple ». Le coup d’Etat du 18-Brumaire (9 novembre 1799) se déroula plus précisément le 19 Brumaire à Saint-Cloud. Les deux assemblées, sous prétexte d’un complot imaginaire, furent transférées au château où le Conseil des Anciens s’installa dans la galerie d’Apollon et les Cinq-Cents dans l’Orangerie. C’est cette dernière que les soldats de Bonaparte envahirent pour chasser les députés et permettre la réussite de cette prise de pouvoir qui mettait fin au Directoire moribond et donnait naissance au Consulat.
En octobre 1801, un décret du Premier Consul ordonna la remise en état du château. Le palais, remanié et redécoré par les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine, devint alors le centre officiel du pouvoir consulaire puis impérial. Saint-Cloud fut ainsi le témoin de nombreux événements politiques et familiaux : proclamation de l’Empire en 1804 dans la galerie d’Apollon, baptême de Napoléon-Louis par le pape Pie VII en 1805, mariage civil de Napoléon et de Marie-Louise en 1810, célébrations pour le baptême du Roi de Rome en 1811…
Le Second Empire redonna tout son faste à Saint-Cloud. Après sa proclamation comme empereur, Napoléon III fit du château une des résidences de la cour impériale et un lieu d’exercice du pouvoir. Comme aux Tuileries, il y était le chef de l’État, tenant conseil ou donnant des grandes réceptions officielles en l’honneur des ambassadeurs et des princes étrangers : la reine Victoria en 1855, Charles XV de Suède en 1861, le khédive Ismaël en 1869, etc. Occupé le 19 septembre 1870 lors de la guerre franco-prussienne, le château fut incendié le 13 octobre par des obus tirés du Mont Valérien. Alors que les photos prises après l’incendie montrent qu’une restauration du bâtiment était possible et qu’une partie du mobilier avait pu être sauvée, la démolition l’emporta. Symboles trop lourds d’histoire, les ruines furent rasées en 1891 et les pierres vendues à l’encan. Le tsar Ferdinand de Bulgarie acheta pour sa demeure d’Euxinograd un fronton de l’aile droite du château, un fronton de l’aile gauche est au château de Jeurre près d’Étampes, un autre à Preux, la grille d’honneur se trouve au château de la Punta à Ajaccio et les bas-reliefs de l’escalier de la Reine sont au château de Laeken en Belgique.
Aujourd’hui, le parc et un petit musée font revivre les grandes heures de ce lieu qui a marqué le destin de la France. Du château, seuls subsistent les communs occupés par l’École Normale Supérieure. Le parc, l’un des plus beaux aux environs immédiats de Paris, a beaucoup souffert de la tempête de décembre 1999. Sur la terrasse du château, des ifs marquent l’emplacement de la cour d’honneur et du palais disparu. La Grande Cascade, le bassin du Fer-à-Cheval, le jardin du Trocadéro, l’allée des statues, les Vingt-Quatre Jets, le Tapis vert, la Grande Gerbe, etc. animent le parc d’une incomparable façon. L’allée de la Balustrade mène à la terrasse de la Lanterne qui domine Paris du haut de ses 94 m d’altitude. Napoléon avait installé à cet emplacement une tour dite Lanterne de Démosthène, copie du monument à Lysicrate à Athènes, qui signalait lorsqu’elle était allumée la présence de l’Empereur à Saint-Cloud. Ce monument fut lui aussi détruit pendant la guerre de 1870.
Karine Huguenaud