En désignant Milan comme capitale de la République cisalpine le 1er juin 1797, Bonaparte allait considérablement influer sur la destinée de la cité lombarde. Devenue capitale de la République italienne en 1802 puis capitale du royaume d'Italie en 1805, Milan commença en effet à affirmer sa prééminence économique, politique et administrative durant l'ère napoléonienne. De par sa situation sur les grands axes de communication transalpins (Simplon et Saint-Gothard), la ville présentait un intérêt stratégique évident et fit très vite l'objet d'importants travaux d'urbanisme.
C'est Bonaparte lui-même qui impulsa la réorganisation de cette cité encore médiévale afin de lui conférer un aspect moderne en accord avec sa situation de capitale. Le 23 juin 1800, il décrèta la destruction des fortifications entourant le corps principal du château Sforza dans le but de dégager un vaste espace nécessaire aux célébrations des fêtes patriotiques. Le 20 janvier 1801, une loi rebaptisa cet espace du nom de « Foro Bonaparte » et commanda à un architecte bolonais, Giovanni Antonio Antolini, la réalisation d'un projet d'aménagement de l'ensemble.
Véritable centre de la vie politique et économique, le monumental Forum Bonaparte renouait avec la tradition antique tant par ses fonctions que par son architecture. Même si, en raison de son coût élevé, la réalisation du programme ne dépassa pas la pose de la première pierre (le 30 avril 1801, à l'occasion de la paix de Luneville), le projet d'Antolini contribua à imposer un nouveau centre directionnel à Milan par la construction de la grande artère du Simplon voulue par Bonaparte essentiellement dans un but militaire. Un quartier rationnel et moderne s'y développa par la suite, favorisé par les facilités concédées par l'administration municipale. D'autres réalisations furent alors entreprises au Forum Bonaparte. L'actuel parc du Simplon et une arène furent aménagés de 1805 à 1807 par l'architecte Canonica. L'arène (sur la droite en partant du château Sforza) pouvait accueillir près de 30 000 spectateurs. De nombreuses fêtes, parades, défilés militaires, course de chars et même des naumachies s'y déroulèrent durant la première moitié du XIXe siècle.
L'autre réalisation majeure du Forum Bonaparte fut érigée par Cagnola à partir de 1807. Il s'agit d'un arc de triomphe dénommé aujourd'hui Arc de la paix ou Arc du Sempione. Conçu pour fermer la perspective du Simplon dans l'axe du château Sforza, l'Arc de la Paix est considéré comme le monument le plus représentatif du néo-classicisme lombard. Il reprend la structure d'un arc de bois et de toile éxecuté pour fêter les noces d' Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie et d'Amélie de Bavière. Composé de trois arcades rythmées de colonnes corinthiennes sur piedestaux, il supporte un attique monumental où domine une allégorie de la Paix conduisant un char tiré par six chevaux. A l'origine, cette allégorie ne tenait pas un rameau d'olivier mais une épée qui symbolisait les victoires napoléoniennes.
L'arc étant inachevé à la chute du Premier Empire, c'est l'Empereur d'Autriche qui en ordonna l'achèvement et en transforma la symbolique. Conçu à la gloire de Napoléon, l'arc du Forum Bonaparte prit le nom d'Arc de la Paix pour célébrer la paix européenne de 1815. Tandis que des allégories de fleuves italiens (Po, Ticino, Tagliamento et Adige) étaient préservées sur les entablements, les scènes des bas-reliefs furent « re-sculptées » : tous les sujets à caractère napoléonien furent transformés en sujets antiques. L'inscription en italien est une adjonction postérieure dont voici la traduction : « Aux espoirs du royaume d'Italie inauguré par Napoléon Ier, les Milanais dédièrent cet arc l'an 1807 et libérés de la servitude, le restaurèrent heureusement l'an 1859 ». C'est en effet en 1859 que le monument célébra les nouvelles victoires nationales quand Napoléon III et Victor Emmanuel II firent leur entrée triomphale à Milan en passant sous son arche après la victoire de Magenta.
Karine Huguenaud