Hôtel de Monaco (Ambassade de Pologne) – Paris

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Hôtel de Monaco (Ambassade de Pologne) – Paris
© Fondation Napoléon - K. Huguenaud

L’hôtel de Monaco fut édifié entre 1774 et 1777 pour Marie-Catherine de Brignole, l’épouse séparée d’Honoré-Camille-Léonor Grimaldi, prince de Monaco, résidant lui-même à l’hôtel de Matignon. Elle choisit cette parcelle, l’une des dernières non bâties sur le faubourg Saint-Germain, afin d’être plus proche de la résidence de son amant, le prince de Condé, au palais Bourbon. La construction de la demeure fut confiée à Brongniart qui avait déjà réalisé la plupart des hôtels particuliers du quartier. L’architecte opta pour un schéma nouveau en éloignant l’hôtel de la rue par une allée de platanes qu’il faut toujours parcourir pour arriver à la façade sur cour. Les appartements privés donnaient sur celle-ci tandis que les pièces de réception s’alignaient le long du jardin qui s’étendait alors jusqu’à l’hôtel de Biron.

En 1790, en pleine tourmente révolutionnaire, la princesse de Monaco émigra avec le prince de Condé qu’elle épousa d’ailleurs quelques années plus tard. L’hôtel fut alors séquestré et loué à des ambassades. L’ambassade de Turquie s’y installa notamment en 1797 puis, l’hôtel devint la propriété d’Emmanuel Sieyès de 1800 à 1808. En 1809, il fut vendu au maréchal Davout et, à la mort de ce dernier en 1823, loué de nouveau aux ambassades par son épouse. En 1838, Madame Davout vendit l’hôtel de Monaco au banquier William Williams Hope qui fit démolir en partie le bâtiment pour le reconstruire dans un style qui triomphera sous le Second Empire, l’Eclectisme.

Né sous Louis-Philippe mais parvenu à sa pleine maturité sous le règne de Napoléon III, l’Eclectisme puisait son inspiration dans tous les styles du passé ce qui conduisit aussi bien à de grossiers pastiches qu’à d’intelligentes interprétations. L’extérieur de l’hôtel fut reconstruit dans l’esprit de Brongniart en reprenant l’idée du péristyle pour la façade (droit et non plus en hémicycle comme dans la composition d’origine) mais l’ensemble souffre d’un évident manque d’harmonie. Pour l’aménagement intérieur, Hope s’adressa à un élève de Brongniart, Achille-Jacques Fédel, excellent ornemaniste qui transforma l’hôtel en palais fastueux. On observe dans la distribution des pièces une mise en scène progressive du luxe, depuis le sobre hall d’entrée, le deuxième vestibule déjà plus orné avec ses colonnes cannelées puis l’escalier monumental avec plafond à caisson et torchères jusqu’à la splendeur ostentatoire de la salle à manger, des salons de réceptions et l’apothéose finale de l’immense salon de musique dans une débauche d’ors, de stucs et de rarissimes parquets marquetés.

Les ensembles décoratifs de cette période sont suffisament rares pour être admirés à leur juste valeur quand ils sont bien conservés. L’hôtel de Monaco est parvenu intact jusqu’à nous grâce à l’attachement profond de ses différents propriétaires qui respectèrent la magnificence étonnante du lieu à des époques où elle était passée de mode. A partir de 1855, le baron Achille Sellières poursuivit les travaux entrepris par son prédécesseur. En 1873, Jeanne Talleyrand de Perigord, princesse de Sagan en hérita et y donna des fêtes éblouissantes dont le fameux Bal des Animaux évoqué par Proust dans Le côté de Guermantes. En 1909, Jacques Seligman y installa sa collection et finalement, en 1936, l’ambassade de Pologne devint propriétaire de l’hôtel. Les Allemands en firent leur office culturel pendant la guerre avant que la Pologne ne reprenne possession des lieux.

Karine Huguenaud

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