La création du Jardin d’acclimatation répondait à une double problématique : aménager un espace vert dans les quartiers ouest de Paris et ouvrir un centre d’études chargé de moderniser l’agriculture française. L’initiative provenait de la Société impériale d’acclimatation de Paris, association privée fondée en mai 1854, qui oeuvrait pour une meilleure connaissance des animaux d’élevage, l’amélioration de leurs races et l’introduction de nouvelles espèces animales exotiques pour améliorer l’agriculture de nos climats tempérés (ce qui explique le nom de ce jardin).
Grâce à un système de souscriptions, la Société put acheter quinze hectares dans le Bois de Boulogne, auxquels Napoléon III ajouta cinq hectares supplémentaires loués sur le domaine public.
Le jardin fut inauguré le 6 octobre 1860 en présence de l’Empereur. L’ouverture au public se fit trois jours plus tard. Bien qu’excentré, le jardin était bien desservi par les transports en commun (en chemin de fer ou en omnibus). Le succès fut immédiat : les promeneurs trouvaient en ce lieu de belles promenades et un parc zoologique divertissant et « éducatif ».
De grandes et nombreuses volières hébergeaient des oiseaux venus des quatre coins du monde. Les espèces les plus chamarrées des forêts tropicales côtoyaient les espèces locales, merles, tourterelles etc. Une rivière d’eau vive avait été aménagée pour accueillir des échassiers (hérons, cigognes, flamants, cygnes blancs et noirs …)
La promenade continuait par une « poulerie » qui avait pour vocation de sélectionner les meilleures espèces pondeuses et les diffuser dans les campagnes. Toujours aussi didactiques venaient ensuite un chenil et une magnanerie (élevage de vers à soie). Les cerfs, les lamas, les yacks étaient présentés dans des enclos pourvus de chalets et de rochers.
Assez rapidement des races plus « attirantes » pour le public furent introduites, tout en maintenant l’idée d’acclimatation. Ce furent des kangourous et des tapirs que l’on espérait élever pour leur viande, ou encore un guépard dont les performances à la course, pensait-on, pourrait servir à la chasse en plaine ! Au fil des ans les espèces se firent plus diverses, c’est ainsi que des orangs-outans ou des phoques furent exposés à la plus grande joie des enfants.
Mais l’attraction première et innovante était un grand aquarium divisé en quatorze bassins. Des poissons de mer et de rivière s’y mouvaient, illuminés par des lumières placées en arrière des bacs. Les anémones de mer et la pieuvre étonnaient les visiteurs, le « monstre marin » était laid à souhait et effrayait petits et grands.
Les grandes serres furent inaugurées en février 1861 par l’Impératrice Eugénie. Vastes et inondées de lumière, elles abritaient de nombreuses espèces botaniques d’Afrique, d’Amérique et d’Australie. Les palmiers et les fougères géantes ombrageaient un ruisseau et une cascade. Une collection admirable de camélias attirait le public dès les premiers jours du printemps. Il était possible de s’attarder dans les serres ou de consulter des revues et des ouvrages mis à la disposition du public dans un « Cabinet de lecture ».
L’aquarium
Cette nouveauté mettait en scène des poissons de mer (dix bassins) et de rivière (quatre bassins). L’effet était saisissant pour les contemporains qui découvraient les espèces maritimes. Les anémones de mer, « êtres hybrides et mystérieux » intriguaient, la pieuvre effrayait. La singularité venait d’une salamandre mexicaine, mets apprécié dans ce pays dont le nom était alors accolé à une campagne miliaire malheureuse. Un chroniqueur de l’époque remarquait avec sarcasme que Jusqu’à présent, c’est tout ce que nous a valu notre expédition.
Les années sombres de la guerre
La guerre de 1870 et le siège de Paris qui s’en suivit, mirent fin à la période glorieuse du Jardin. Les animaux durent laisser leur place à des espèces plus communes mais plus comestibles comme des bœufs ou des moutons. Les premiers convois partirent en train vers les zoos de province ou de l’étranger. L’arrêt des communications ferroviaires entre la capitale et le reste du pays mit fin à cette mise à l’abri. Les derniers animaux trouvèrent refuge à l’autre bout de paris, au Jardin des plantes. Pour un temps seulement, car la disette contraignit à leur abattage. Les deux éléphants, Castor et Pollux, furent les victimes les plus importantes tant par leur taille que par l’impact sur l’opinion publique. Les plantations végétales subirent elles-aussi de lourds dommages.
Le Jardin d’acclimatation est encore ouvert de nos jours. Outre le mini-parc zoologique, qui compte aujourd’hui quelques animaux de ferme, un ours et une volière, ce jardin dédié aux enfants est un véritable parc d’attractions avec manèges, petits bateaux, train etc. et bien sûr un indispensable guignol.
Bonne promenade !
Chantal Prévot (juin 2010) – Mise à jour : mars 2023