Après l’article contre Napoléon paru dans le Mercure en 1807, Chateaubriand, victime de la censure impériale, fut contraint de se retirer à au moins deux lieues de Paris. Grâce au succès de ses précédentes publications, Atala et Le Génie du Christianisme, il s’offrit alors une modeste propriété sise dans une verdoyante vallée. C’est le souvenir de cette acquisition que l’écrivain évoque à la première page des Mémoires d’outre-tombe : « Il y a quatre ans qu’à mon retour de la Terre sainte j’achetai, près du hameau d’Haulnay, dans le voisinage de Sceaux et de Chatenay, une maison de jardinier, cachée parmi les collines couvertes de bois. Le terrain inégal et sablonneux descendant de cette maison, n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait une ravine et un taillis de châtaigniers. Cet étroit espace me parut propre à renfermer mes longues espérances ».
Pendant dix ans, Chateaubriand vécut dans cette demeure qu’il transforma en ermitage romantique : « Je fis quelques additions à ma chaumière, j’embellis sa muraille de briques d’un portique soutenu par deux colonnes de marbre blanc : je me souvenais d’avoir passé par Athènes. Mon projet était d’ajouter une tour ; en attendant, je simulais des créneaux sur le mur qui me séparait du chemin ; je précédais ainsi la manie du Moyen Age qui nous hébète aujourd’hui ».
Il introduit également l’un des premiers exemples du style troubadour en France en installant des fenêtres gothiques. À l’intérieur de la maison, la principale transformation fut l’escalier à double volée conçu « pour y mettre des fleurs ».
Chateaubriand et son épouse, Céleste, transformèrent également le verger en un vaste et magnifique parc destiné à recevoir des essences rares rappelant les voyages de l’écrivain : chênes d’Armorique, cyprès chauves d’Amérique, platanes de Grèce, cèdres du Liban, pins de Jérusalem. Paradoxalement, c’est l’Impératrice Joséphine qui leur fit don de plusieurs arbustes et surtout d’un magnolia à fleurs pourpres, seul spécimen connu en France avec celui de Malmaison. De ses arbres de la Vallée-aux-Loups, Chateaubriand disait qu’ils étaient sa seule famille et qu’il souhaitait mourir près d’eux.
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Dans ce havre de solitude, retiré dans la tour Velleda au fond du parc, l’écrivain composa une partie de son oeuvre : L’Itinéraire de Paris à Jérusalem, Les Martyrs, Les Aventures du dernier des Abencerage, Moïse et surtout les premiers chapitres des Mémoires d’outre-tombe.
Il y reçut de nombreux visiteurs, Joubert, Fontanes, Pasquier, Molé, Bertin, la comtesse de Boigne ou la duchesse de Duras. Le jeune Lamartine escalada le mur de la propriété pour apercevoir le grand homme et la légende raconte que Napoléon s’y rendit incognito pendant une absence de l’écrivain.
À la suite de difficultés financières en 1816, Chateaubriand fut tout d’abord contraint à vendre sa bibliothèque puis, en 1818, sa chère Vallée acquise par Mathieu de Montmorency.
« La Vallée aux Loups, devait-il écrire plus tard, de toutes les choses qui me sont échappées, est la seule que je regrette ».
En 1826, la propriété fut louée à Madame Récamier qui y passa plusieurs étés entourée de son cénacle d’admirateurs. Chateaubriand vint lui rendre visite à plusieurs reprises. Resté en possession de la famille de la Rochefoucault jusqu’en 1914, le domaine est ensuite acheté par le docteur Le Savoureux qui y installa le siège de la Société Chateaubriand créé en 1929. Classé en 1939, le site fut acquis en 1970 par le département des Hauts-de-Seine qui, en collaboration avec le Conseil régional d’Ile de France, contribua à son réaménagement.
Une remarquable restauration a rendu son atmosphère romantique à la demeure. Le visiteur peut y admirer de nombreux documents sur Chateaubriand et un splendide mobilier d’époque dont la célèbre méridienne sur laquelle posa Madame Récamier pour le tableau de David. Outre le musée, la demeure accueille une bibliothèque et un centre de recherches sur le romantisme. Depuis 1987, un Grand Prix d’Histoire décerné en novembre, les Heures musicales au printemps et en automne, des expositions temporaires et des colloques littéraires contribuent à l’animation culturelle du domaine.
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Karine Huguenaud, janvier 2001 – mise à jour : juin 2020