L'histoire des Canonniers Sédentaires de Lille se confond avec celle de la cité.
En 1235, Lille obtint son affranchissement et dut alors assumer la lourde charge de l'édification et de la défense de ses remparts. Parmi les archers, arbalétriers, tireurs d'épées et canonniers qui pouvaient être mobilisés par l'Echevinage, seuls subsistèrent les Canonniers Sédentaires réorganisés en 1483 puis en 1803 par le Premier Consul Bonaparte. Le bataillon des Canonniers Sédentaires est aujourd'hui l'unique survivance en France des milices communales d'autrefois.
C'est dans l'ancien couvent des Soeurs Clarisses dites Urbanistes d'Oudenaerde que le musée déploie ses collections. Ce bâtiment datant du début du XVIIIe siècle est précédé d'une monumentale porte d'entrée en arc de triomphe où les colonnes porteuses sont remplacées par des futs de canons. Une inscription court sur l'entablement : »Napoléon Ier Empereur aux Canonniers de Lille » suivi du rappel des différents sièges auxquels participa le bataillon. Cette évocation de Napoléon se poursuit dès le hall d'entrée du musée où des gravures rappellent l'action de l'Empereur en faveur de la ville et des Canonniers. C'est en juillet 1803 que le Premier Consul effectua son premier voyage à Lille en compagnie de Joséphine. Il inspecta les fortifications et visita une exposition de produits industriels et artistiques à la Vieille Bourse. Satisfait, Bonaparte prit des mesures favorables aux Lillois (transfert de la préfecture de Douai à Lille, liberté de la culture du tabac, création d'une école secondaire). C'est à cette occasion que Napoléon décida de réorganiser en un bataillon les Canonniers en récompense de leurs brillants états de service durant le siège de 1792 (décret du 13 fructidor an XI). Un deuxième décret daté du 2 thermidor an XII (21 juillet 1804) leur fit don de l'ancien couvent des Soeurs Urbanistes. L'Empereur effectua une seconde visite à Lille en mai 1810 cette fois en compagnie de Marie-Louise pendant laquelle les Canonniers Sédentaires fournirent deux pelotons d'honneur pour la garde du couple.
Toute l'histoire du corps des Canonniers (120 hommes répartis en deux compagnies portant l'uniforme d'artilleur de ligne et ayant pour patronne Saint-Barbe) est évoquée sur les deux étages du musée. Peintures, sculptures, gravures, plans, armes de service et d'honneur, uniformes et documents divers retracent la destinée du bataillon depuis le XVe siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale. Les fleurons de la collection sont deux canons Gribeauval mod. 1765 de calibre 4 offerts par Bonaparte lors de la réorganisation de l'an XI. Gravés tous deux de « Le Premier Consul aux Canonniers de Lille. 29 septembre 1792 », ils sont exposés avec leur matériel complet : écouvillon, gargoussier, caisson à boulets, seau à eau, leviers de manoeuvres, timon, pince de calibrage, étoupilles, boute-feu, doigtiers de cuir, etc. Il ne reste que 3 exemplaires au monde de ces canons ; Lille en possède deux, le troisième est aux Invalides.
Des gravures et des bustes décorent les parois des salles. On y remarque notamment un buste en bronze de Bonaparte par Corbet. Sculpté d'après nature en Egypte, ce buste figure Napoléon en général en chef de l'armée d'Orient. Des vitrines rassemblent des objets réunis selon les régimes politiques de la France (Empire, Monarchie de Juillet, Restauration, Seconde République, Second Empire et Troisième République) mais aussi selon les grandes campagnes militaires (Crimée, Mexique, Guerre de 1870). Au fond de la salle, un cénotaphe dessiné par l'architecte Benvignat conserve des reliques du général François de Négrier (1788-1848) qui, à la tête d'une compagnie de Canonniers, participa aux répressions de juin 1848 et fut mortellement blessé sur la grande barricade Saint-Antoine.
Karine Huguenaud