La résidence de prestige des Murat
Le palais de l’Élysée fut construit entre 1718 et 1720 par l’architecte Armand-Claude Mollet pour Henri-Louis de la Tour d’Auvergne, comte d’Évreux, au sud-ouest de la capitale, rejoignant les quelques propriétés construites le long de la chaussée du Roule (aujourd’hui rue du Faubourg Saint-Honoré) traversant la campagne aux portes de Paris. Les visiteurs accédaient au corps de logis de deux étages surmontés de mansardes, par un large perron orné d’un péristyle de colonnes doriques, répondant aux colonnades de la cour d’honneur ornant les deux ailes de service (cuisines d’un côté, écuries de l’autre). Cette structure originelle ne fut guère modifiée par les propriétaires successifs, sinon par de nombreux chantiers intérieurs (décoration, changement de destination des pièces (chambre devenant bureau, chapelle transformé en salon de toilette…) et modernisation), et quelques agrandissements extérieurs.
Puis le palais fut la propriété successive de Madame de Pompadour (de 1753 à 1764 ; elle revit complètement la décoration intérieure), du financier Nicolas Beaujon (de 1773 à 1786 ; il fit appel à l’architecte Étienne-Louis Boullée pour agrandir le corps principal, transformer des couloirs en galerie exposant une magnifique collection, et transformer le parc en jardin anglais avec petite rivière La Serpentine ; demeure de cette époque le salon des Ambassadeurs et celui des Aides-de-camp), de la princesse Bathilde d’Orléans (de 1787 à 1793 ; la mère du duc d’Enghien fit transformer le parc en « hameau » et baptisa la demeure Élysée-Bourbon), puis des associés Hovyn et Rougevin (de 1793 à 1805, ils firent du palais un lieu de divertissements, bals, concerts, théâtre), avant de devenir, le 6 août 1805 la résidence de Joachim Murat, alors gouverneur de Paris et de sa femme Caroline, sœur de Napoléon.
Prévoyant un budget d’un million de francs pour des travaux d’aménagement et de décoration, le couple Murat choisit les architectes Barthélémy Vignon et Jean-Thomas Thibault, pour construire l’escalier d’honneur orné de palmes dorées, créer une grande galerie au rez-de-chaussée destinée à accueillir sa collection de tableaux. Le palais actuel conserve de cette époque deux magnifiques ensembles, le salon Murat (grande salle de réception où se tint le Conseil des ministres depuis la présidence Pompidou jusqu’en 2017) et le salon Argent, ce dernier devant son nom à la couleur des boiseries et du mobilier choisis par Murat.
Un palais impérial
Après la nomination de Murat au trône de Naples en 1808, le palais fut rétrocédé à la Liste civile et rebaptisé Élysée-Napoléon. Il fut occupé par l’impératrice Joséphine seule, d’octobre à décembre 1808, puis par le couple impérial de février à avril 1809.
Un sénatus-consulte du 16 décembre 1809 accorda la jouissance du palais à l’impératrice Joséphine qui n’y séjourna que du 3 février au 9 mars 1810, avant d’accepter, le 10 février 1812, d’échanger cette demeure (trop proche du palais des Tuileries où résidaient désormais la seconde épouse de l’Empereur, l’impératrice Marie-Louise, et leur fils, le roi de Rome) contre le château de Laeken, près de Bruxelles.
Napoléon appréciait beaucoup ce palais qu’il appelait sa « maison de santé« , et décida 360 000 francs de travaux : une chapelle fut aménagée pour l’impératrice Marie-Louise, ainsi que des appartements au deuxième étage pour le roi de Rome. L’Empereur séjourna au palais de l’Élysée en 1812 et 1813, et pendant les Cent-Jours, d’avril à mai 1815. C’est dans le salon Argent qu’il signa sa seconde abdication, le 22 juin 1815.
Voir une vue du palais de l’Élysée-Napoléon en 1810.
Le tsar Alexandre Ier en fit sa résidence d’avril à juin 1814, et, après le départ de l’Empereur pour Malmaison le 25 juin 1815, le duc de Wellington y séjourna en novembre 1815. Puis le palais fut accordé par Louis XVIII à son neveu le duc de Berry, qui y vécut jusqu’à sa mort le 13 février 1820.
Le palais de l’Élysée servit par la suite de lieu de résidence pour des hôtes royaux ou princiers.
Vers le statut de siège du pouvoir républicain
Il fallut attendre l’élection du prince Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la IIe République, le 11 décembre 1848, pour que le palais accueille à nouveau un hôte permanent. Peu après sa prestation de serment à l’Assemblée le 20 décembre, le prince-président fut conduit au palais de l’Élysée, désigné résidence du Président de la République par un décret de l’Assemblée nationale du 12 décembre 1848. Au cours de 1849, il fit aménager le Palais, la salle des Portraits devenant la salle du Conseil des ministres (décorés par la suite de huit portraits des chefs d’État européens, contemporains de Napoléon III), et l’ancien cabinet de toilette de la Pompadour son bureau de travail (aujourd’hui salon de Cléopâtre). C’est à l’Élysée-National que le futur empereur prépara, avec son demi-frère le duc de Morny, le coup d’État du 2 décembre 1851, première étape dans la perspective de rétablir le régime impérial (après plébiscite des 21 et 22 novembre 1852, promulgation le 2 décembre du sénatus-consulte du 7 novembre rétablissant l’Empire). Avec l’Empire, Napoléon III bénéficia d’une Liste civile de douze millions, qui lui permit d’entreprendre de grands travaux, confiés à l’architecte Joseph-Eugène Lacroix : surélévation des ailes, réfection du porche d’entrée transformé en arc de triomphe, création d’une salle de bal, restauration des appartements privés (création d’une salle de bain pour l’Impératrice, qui existe toujours), modification du décor intérieur. En 1861, le peintre décorateur Jean-Louis Godon réalisa pour l’impératrice Eugénie la décoration du salon Doré, située au centre du palais, au premier étage, qui conserve toujours au plafond le lustre Napoléon III à cinquante-six lumières en bronze doré et cristaux. Le salon Doré est devenu sous la Ve République, le bureau de tous les présidents (à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing).
Sous le Second Empire, le palais s’affirma comme un lieu de réception privilégié. Il accueillit Eugénie, comtesse de Teba, et sa mère entre ses fiançailles et son mariage en 1853, la reine Victoria en 1855, le tsar Alexandre II, le sultan Abdulaziz, l’empereur François-Joseph, le roi Oscar de Suède lors de l’Exposition universelle de 1867, le vice-roi d’Égypte Ibrahim Pacha en 1869.
Depuis la IIIe République, proclamée le 4 septembre 1870, le palais de l’Élysée est la résidence officielle du Président de la République française.
Irène Delage (octobre 2016 ; mise à jour : mars 2022)
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