Palais des Beaux-Arts – Lille

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Palais des Beaux-Arts – Lille

L'acte fondateur du musée de Lille est un arrêté de Bonaparte daté du 1er septembre 1801. Alors que les saisies révolutionnaires faisaient affluer au Louvre, futur musée Napoléon, les oeuvres d'art pillées en Flandre, en Italie et en Allemagne, le Premier Consul décidait de créer quatorze nouveaux musées dits de province afin d'accueillir dignement ces richesses. Sur un total de 1058 oeuvres destinées à ces nouveaux musées, Lille reçut une donation de 46 tableaux formant le noyau initial de la collection. Une politique intelligente d'acquisition, notamment dans la seconde moitié du XIXe siècle, enrichit un musée déjà remarquable par son fonds de dessins et ses collections de peintures et de sculptures.

Installé entre 1889 et 1892 dans un bâtiment construit par les architectes Bérard et Delmas, le musée de Lille subit une importante rénovation entre 1992 et 1997. 22 000m2 sont aujourd'hui consacrés à l'exposition des oeuvres, ce qui place le Palais des Beaux-Arts parmi les plus grands et les plus prestigieux musées français. Cette rénovation permit la création de deux nouveaux départements et le redéploiement des autres. Au sous-sol, le visiteur peut ainsi découvrir un ensemble de 19 maquettes des villes fortifiées par Vauban. Exécutées à l'origine dans un but strictement militaire, ces plans en relief constituent aujourd'hui un témoignage d'une irremplaçable valeur documentaire sur les villes d'Ancien Régime du Nord de la France et de la Belgique.  
 
Au rez-de-chaussée, la visite se poursuit par la nouvelle salle consacrée à la sculpture française du XIXe siècle. 135 oeuvres proposent un panorama de cet art, de Houdon à Bourdelle. Un buste en marbre de Napoléon Ier par Chaudet côtoie des oeuvres de Chinard (médaillon représentant le peintre Boilly) ou de David d'Angers (bas-reliefs pour le tombeau du général Bonchamp et pour le monument à Guttenberg), tandis que la sculpture néoclassique est illustrée par des oeuvres de Bra, Foyatier et Pradier. Plus loin, la sculpture du Second Empire est représentée par Carrier-Belleuse, Cavelier et surtout par un magnifique plâtre peint de Carpeaux figurant la princesse Mathilde. Incarnation parfaite du portrait de cour, ce buste révèle le rang de la cousine de l'Empereur tant par sa symbolique décorative -hermine, abeilles brodées sur la dentelle, aigle du diadème- que par l'attitude majestueuse du modèle. C'est d'ailleurs ce portrait transposé en marbre qui signa le premier succès de Carpeaux au Salon de 1863.

Avant de rejoindre les galeries de peinture, il faut s'arrêter dans la salle précédant le département des céramiques. Une monumentale statue de bronze de Napoléon Ier en costume impérial y est installée. Oeuvre de Henri Lemaire (1798-1880), elle fut commandée par la Chambre de Commerce de Lille et érigée en 1854 dans la cour de la vieille Bourse. Elle figure Napoléon en protecteur de l'Industrie, tenant dans une main le sceptre et désignant de l'autre, les attributs de l'industrie locale : la betterave pour le sucre et une botte de lin pour le textile.
 
Le département des peintures au premier étage, outre une prestigieuse collection de tableaux des écoles flamande et hollandaise, possède une représentation complète de la peinture française au XIXe siècle, de David à Toulouse Lautrec. Certaines oeuvres constituent même des jalons essentiels de l'histoire de l'art tel le Bélisaire demandant l'aumône de David. Critique de la monarchie louée par les Lumières au Salon de 1781, ce tableau est considéré comme le premier manifeste de la peinture néoclassique européenne. Un groupe sculpté de Chaudet figurant le même sujet  est judicieusement placé en regard de l'oeuvre. De David, il faut également signaler Apelle peignant Campaspe en présence d'Alexandre, sujet antique transposé dans un décor où le mobilier semble dessiné par l'ébéniste Jacob et une rare esquisse de Napoléon Ier en costume impérial, étude pour un portrait perdu commandé pour la salle du tribunal de Gênes. Datée de 1805, il s'agit là de la première représentation de l'Empereur en costume de sacre. Lui fait pendant un tableau de J.B. Wicar représentant Murat en costume de général de division des Grenadiers de la Garde.
 
Boilly, grand observateur de la vie parisienne sous la Révolution et l'Empire, est présent avec une belle série de portraits d'artistes, études préparatoires pour L'Atelier d'Isabey. Il est également à signaler du même artiste une peinture en trompe-l'oeil sur une table d'acajou qui faisait partie de l'ameublement de Saint-Cloud et un tableau de 1794, Le Triomphe de Marat, dont la légende veut qu'il ait été peint en une nuit pour innocenter son auteur des accusations portées contre lui par Wicar. Ce dernier, élève lillois de David et l'un des experts les plus redoutables des armées du Directoire lors des pillages d'oeuvres d'art en Italie, constitua une remarquable collection de dessins italiens qu'il légua au musée de Lille à sa mort. Cet ensemble qui comprend de nombreux Raphaël est aujourd'hui l'un des fleurons du département des Dessins (seconde collection française après celle du Louvre).
Quelques chefs-d'oeuvre de la peinture du XIXe siècle rythment ensuite le parcours, La course de chevaux libres à Rome par Géricault, la Médée de Delacroix, L'Après-dînée à Ornans de Courbet, Le sommeil de Pierre Puvis de Chavannes, La débâcle de Monet, etc. La visite se termine avec la peinture française du XXe siècle et, dans la galerie dominant l'atrium, avec la peinture italienne et espagnole. Le palais des Beaux-Arts de Lille peut s'enorgueillir de posséder deux Goya exceptionnels, Les Vieilles et Les Jeunes, réalisés entre 1808 et 1819.
 
Karine Huguenaud

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