C’est sur un immense terrain vague de 25 hectares situé entre Belleville et la Villette que Haussmann et Alphand choisirent de réaliser le plus surprenant des parcs parisiens du Second Empire, celui des Buttes-Chaumont. Sa dénomination proviendrait de la contraction de « Monts Chauves », appellation qui caractérisait les hauteurs dénudées formant le promontoire le plus occidental des collines de Belleville.
Le projet
Décharge publique où s’élevait jadis le gibet de Montfaucon que François Villon immortalisa dans sa Ballade des pendus, les Buttes-Chaumont servaient depuis le XVIIIe siècle à l’extraction du gypse et à l’abattage des chevaux. En 1851, l’ouverture de la rue de Crimée et les terrassements pour les chemins de fer freinèrent considérablement le développement des carrières. Toutefois, en 1863, on y dénombrait encore huit cents ouvriers travaillant à la production du plâtre. Ces siècles d’exploitation avaient conféré à un paysage déjà tourmenté un aspect presque lunaire, entièrement minéral, dont les gigantesques anfractuosités rocheuses servaient d’abris aux plus misérables d’entre les misérables. En choisissant ce lieu pour répondre au désir de Napoléon III d’offrir aux classes laborieuses des poumons de verdure, Haussmann et Alphand engageaient des travaux qui allaient durer pendant trois ans, de 1864 à 1867. Ils prirent une telle ampleur qu’il fallut installer une voie ferrée mobile et des locomotives pour mener à bien les déblais et les remblais destinés à assainir les lieux et à les transformer en une agréable promenade publique. Au centre du parc fut creusé un lac de deux hectares au milieu duquel s’élance à une hauteur de 30 mètres une masse de rochers escarpés couronnée d’un petit temple. On accède à cette île par deux ponts ou bien par bateaux puis, il faut emprunter le chemin des Aiguilles, escalier de deux cents marches taillé dans la roche, pour parvenir au sommet. L’un des deux ruisseaux artificiels conduisant au lac forme une cascade haute de 30 mètres et tombe dans une grotte à la voûte ornée de stalactites artificiels.
Un succès différé…
L’inauguration lors de l’Exposition universelle de 1867 fut un réel succès qui valut à Alphand le surnom « d’ingénieur-artiste ». Mais, une fois passé l’attrait de la nouveauté, le parc des Buttes-Chaumont fut délaissé par la population bourgeoise effrayée de la proximité des baraques et des usines de la Villette. Les ouvriers, en revanche, adoptèrent vite ce nouveau lieu réalisé pour eux, sans pourtant respecter les règles élémentaires régissant la vie d’un parc public : les fleurs furent cueillies, les arbustes et les pelouses saccagés tandis que les sapins bourgeonnants étaient dévastés par les amateurs de tisanes pectorales ! Aujourd’hui, heureusement, le public montre plus de respect face aux magnifiques pelouses vallonnées, aux plates-bandes et aux massifs de fleurs du parc qui demeure toujours l’une des promenades les plus étonnantes de la capitale.
Karien Huguenaud (janvier 2007)
Pour retrouver l’histoire du parc des Buttes-Chaumont et celle des autres espaces verts aménagés sous le Second Empire, découvrez l’itinéraire Parcs et jardins : les promenades parisiennes du Second Empire.
Sur France Culture, émission du 24 janvier 2017 : Les Buttes-Chaumont, le technoparc du baron Haussmann.