Aliénés. Une histoire sociale de la folie au XIXe siècle

Auteur(s) : LE BRAS Anatole
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Dans cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2021, Anatole Le Bras propose une vaste étude de la condition aliénée au XIXe siècle en France à travers, notamment, l’analyse des liens familiaux à l’épreuve de l’aliénation mentale.

À partir d’une étude portant sur trois établissements pour aliénés (Quimper, Morlaix et Ville-Évrard) et d’un corpus varié, essentiellement composé de dossiers de patients, de registres mais aussi de correspondances familiales, le pari – réussi – est de replacer le malade au cœur de l’analyse, en s’intéressant aux trajectoires individuelles des aliénés et aux effets sociaux de l’aliénation mentale.

Cette étude stimulante d’histoire sociale propose de suivre le cheminement d’aliénés, depuis une première prise en charge par la famille (avec un premier chapitre consacré aux séquestrations familiales) jusqu’à l’entrée dans l’asile, érigée par la loi de 1838 comme le lieu unique du soin. Si le cadre asilaire est pensé comme unique, il produit toutefois des expériences de la folie différentes, toujours dépendantes des disparités sociales, géographiques, de genre… et reproduisant les hiérarchies sociales jusque dans les conditions d’internement. Les aliénés internés – hommes et femmes – n’en sont pas, pour autant, dénués de toute capacité d’action. En les replaçant dans le contexte anti-aliéniste de la deuxième moitié du XIXe siècle, Anatole Le Bras montre bien les formes de résistance à l’œuvre et les outils dont s’emparent ces individus pour contester leur internement, produisant ainsi de nombreux récits de vie, finement analysés par l’auteur. La sortie de l’asile n’est pas en reste et conclut l’ouvrage, l’auteur mettant en avant les stratégies de négociation, et le difficile affranchissement de la tutelle asilaire pour l’aliéné.

Dans cette démarche attentive aux formes de subjectivation des acteurs, l’ouvrage est, enfin, enrichi de portraits d’aliénés, permettant de retracer les trajectoires biographiques d’individus croisées dans les archives, qui retrouvent ainsi une identité propre.

Une lecture stimulante pour toute personne s’intéressant à la prise en charge de l’aliénation mentale, à l’histoire de la santé et plus généralement au rôle primordial que jouent les structures familiales dans la société française du XIXe siècle.

Pauline Teyssier (29 janvier 2024)

Agrégée d’histoire, Pauline Teyssier est boursière 2023 de La Fondation Napoléon pour sa thèse « Encadrer et soigner la folie : une histoire politique, matérielle et sociale de l’hôpital de Charenton (1797-1825).

Aliénés. Une histoire sociale de la folie au XIXe siècle
© CNRS Éditions, 2024

Présentation par l’éditeur

Si l’histoire de l’institution asilaire est désormais bien connue, celle des aliénés l’est beaucoup moins. Anatole Le Bras fait ici résonner la voix d’hommes et de femmes frappés par la maladie mentale.

Reconstituant les trajectoires de ces individus, des manifestations de troubles psychiques au placement à l’asile, il étudie au plus près la manière dont sont vécus la mise sous tutelle et l’isolement. Scrutant les relations des aliénés avec le monde extérieur, il souligne la façon dont les liens avec les proches se modifient, se distendent ou subsistent malgré le temps qui passe. Surgit alors une palette d’acteurs – familles, voisins, policiers, maires ou préfets – qui s’approprient l’internement, en font un moyen de régulation sociale et de règlement des conflits. Portant le regard au-delà des murs, cet ouvrage laisse entrevoir la vie, fragile, après l’asile. Il nous introduit aux formes d’accommodement ou de résistance des malades, dont les droits sont suspendus et les existences affectées pour longtemps du stigmate de la folie, dessinant ainsi les contours de la condition aliénée.

La maladie mentale remet en jeu et perturbe les hiérarchies sociales. En ce sens, elle opère comme un prisme permettant de lire la société du XIXe siècle et ses mutations.

Sommaire

Chapitre 1. Dans le huis-clos familial. Les séquestrations d’aliénés
• L’engrenage de la séquestration
Portrait – Albin le Gouallec
• Les obstacles à l’internement
• L’aliénation mentale, une affaire privée ?

Chapitre 2. Les chemins de l’asile
• Un portrait social des internés
• Les familles et l’internement : des réticences à l’appropriation
• Quand la folie devient problème public

Chapitre 3. Manières d’être fou
• Les mots et les actes
• Discours familiaux sur la folie
• Délirer le social
• L’ordre du genre au risque de la folie

Chapitre 4. La capture institutionnelle
• Vivre et mourir à l’asile
Portraits croisés : Jean G. et Martin V.
• Les transferts ou la fabrique de la chronicité asilaire

Chapitre 5. Les liens familiaux à l’épreuve de l’internement
• L’isolement thérapeutique et « l’abandon » des malades
• Faire famille par-delà les murs

Chapitre 6. Vies sous tutelle
Portrait – Yves Pouliquen
• L’interné sous tutelle : entre protection et subordination
• L’interdiction : une mort civile

Chapitre 7. Subjectivités aliénées
• Portrait – Marie Lelarge
• Entre accommodements et résistances
• La quête de la liberté
• Portrait – Lucien Cairon

Chapitre 8. Après l’asile
• Rendre l’aliéné à la société : les négociations de la sortie d’asile
• Un sas vers la vie civile : les société de patronage pour aliénés
• Des vies à la frontière
Portrait – Emile Olivereau

Annexe 1. Les professions des internés
Annexe 2. Le modèle de régression logistique et ses résultats

Année de publication :
2024
Lieu et maison d'édition :
PAris, CNRS Éditions
Nombre de pages :
400
Pour commander :
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