Présentation par l’éditeur
Entre 1848 et 1870, Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République puis proclamé empereur, sillonne le territoire français. De Tarascon à Cherbourg en passant par Lyon, Elbeuf, Strasbourg, Angoulême, et même Alger, avec plus de 5 000 kilomètres parcourus, aucune région n’est oubliée. La mise en scène est soignée : à peine sorti du train ou du bateau, le prince-président est accueilli en fanfare par des foules en liesse, selon un protocole empêchant toute velléité d’opposition. Remise de médailles, inauguration de gares ou d’usines, visite d’hôpitaux et d’écoles, secours aux indigents et aux populations sinistrées, récits détaillés relayés dans la presse à grand tirage, rien n’est négligé pour construire la légende d’un chef d’État tout-puissant et omniprésent.
Car sous les sonneries de cloches, les bruits de troupes, de feux d’artifice, la musique des bals et des concerts se dessine un projet politique novateur et d’une redoutable efficacité reposant sur le lien direct entre le peuple et son dirigeant. Cette pratique de populisme itinérant sera reprise sans cesse après le Second Empire par des hommes politiques de tous bords, désireux d’incarner un homme providentiel.
Qui soupçonnerait aujourd’hui que le moindre candidat à l’élection présidentielle orchestrant ses déplacements en province poursuit sans le savoir une stratégie de communication inventée cent cinquante ans plus tôt par un pouvoir autoritaire ?
L’auteur
Rémi Dalisson, professeur des universités à Rouen, travaille sur les sociabilités, les politiques symboliques et les commémorations aux XIXe et XXe siècles. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Les Fêtes du Maréchal (CNRS Éditions, 2008, prix François Millepierres de l’Académie) et Guerre d’Algérie. L’impossible commémoration (Armand Colin, 2018).
Table des matières
Sur la route
• Héritage et définition du voyage populiste
• Une intendance qui suit de « bas en haut »
• « Plus je parcours la France et plus je m’aperçois qu’on attend beaucoup du gouvernement »
• 1852, l’édifiante tournée d’un futur empereur
• Borner un pays de cocagne
• Entre contingences et idéologie
Arriver et découvrir : modernité du voyage et cérémonial des entrées bonapartistes
• Le mythique « train impérial »
• Des routes pavées de fleurs et de bonnes intentions
• Visiter les ailleurs coloniaux : incarner une France-Monde ?
• Réalités et représentations métropolitaines en Algérie
• Recevoir l’élu : conditionnement et surveillance
• Un accueil parfait : gestuelle, symboles et décors
• Écrire des mots doux au souverain
• Des foules sentimentales ?
Séjourner, parader et incarner
• Demandez le programme, demandez les acteurs
• La rhétorique du César itinérant : mobiliser et rassurer
• « La musique de la ville fait retentir ses fanfares joyeuses »
• Incarner la société idéale: religiosité miraculeuse, compassion sexuée et ordre viril
• Générosité et miracles : un émouvant thaumaturge au village
• Virilité maritale et continuité historique édifiante
• À la recherche du peuple perdu : déambuler, flatter et distraire
• Fééries et danses pour tous : une apothéose bonapartiste
Médire, dire et instrumentaliser : la pérennité du populisme itinérant
• Contestations et incidents
• Sous l’incident, l’éveil à la politique
• La mémoire : un beau roman, un belle histoire
• Le choc des images et des honneurs
• La Saint-Napoléon et le contre-voyage de 1870
L’évolution d’un modèle : uniformes, boulangisme et synthèse pétainiste
• Le « vieux soldat » : un président voyageur si peu républicain
• Le « général revanche » : voyages et coup de balai
• Le populisme modernisé du Maréchal
• L’héritage napoléonien porté à incandescence