Catherine Canel-Dol, professeure agrégée d’histoire et présidente honoraire de tribunal administratif, explore l’histoire complexe de l’adoption en France, depuis son apogée durant la Révolution française jusqu’à ses formes plus restrictives et conservatrices au XIXe siècle. Perçue comme une menace pour l’ordre établi, l’adoption s’est vue strictement encadrée par le Code civil de 1804, qui la limitait aux adultes, la mettant ainsi au service des classes possédantes et de visées conservatrices.
Issu de sa thèse soutenue en 2021 à l’École des hautes études en sciences sociales, le travail de Catherine Canel-Dol nous informe sur les pratiques adoptives transgressives du XIXe siècle et les évolutions discrètes qui ont préparé le terrain à une nouvelle conception de l’adoption au XXe siècle. La création des « pupilles de la nation » en 1917, adoptant symboliquement plus d’un million d’enfants, illustre cette renaissance de l’adoption politique. La loi de 1923, autorisant enfin l’adoption de mineurs, marque quant à elle une révolution dans le droit familial français.
Fondée sur des archives inédites, des témoignages et des représentations littéraires, cette étude met en évidence l’émergence progressive de nouvelles pratiques adoptives entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, révélant une « culture de l’ambiguïté » où la question de la légitimité reste centrale.
Claudia Bonnafoux, web-éditrice (mars 2025)
► La Fondation Napoléon a attribué un mécénat en 2023 pour l’édition de cet ouvrage
Présentation
L’adoption est surgie du rêve révolutionnaire de 1789 de transformer la société et même le monde. La France a inventé l’adoption politique par la Nation tandis que l’adoption familiale a fait si peur qu’elle a été enfermée par le Code civil de 1804 dans le statut le plus restrictif jamais imaginé et regardé comme archaïque. À travers des archives inédites, les pratiques révèlent des actes inattendus : égalitaires, en contournant l’infériorité des enfants naturels ; féministes, en ouvrant à quelques femmes le statut honorable en dehors du mariage ou du couvent ; précurseurs, avec l’invention d’une filiation plurielle par l’ajout de parents adoptifs aux parents de naissance.
La confrontation aux visions romanesques de la comtesse de Ségur, de Zola, de Maupassant, de Proust, ou encore aux images de la célèbre Bécassine, met en lumière le rôle paradoxal et prémonitoire de l’adoption en France de 1789 à 1923.
Avec le soutien de l’École des hautes études en sciences sociales – CRH, de la Fondation Napoléon et du Département de Maine-et-Loire.