Les statues de la discorde

Auteur(s) : LALOUETTE, Jacqueline
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Auteure du livre Un peuple de statues : la célébration sculptée des grands hommes paru en 2018, l’historienne française Jacqueline Lalouette, spécialiste de la libre-pensée et de l’anticléricalisme, nous livre avec cet essai historique une réflexion juste sur la controverse très médiatisée de la commémoration des hommes liés au passé esclavagiste et colonialiste en Occident. On se rappelle, le 25 mai 2020, la mort de Georges Floyd, étouffé lors de son arrestation par le policier Derek Chauvin, avait été le catalyseur d’« une colère latente » et avait provoqué un déferlement de contestations sociales liées au mouvement Black Lives Matters. Aux quatre coins du monde, des militants antiracistes et anticolonistes se sont livrés à des actes iconoclastes en vandalisant les représentations de cet ostracisme dans l’espace public : les statues. L’auteure, après un panorama de ces évènements contestataires à l’international, des États-Unis à la Nouvelle-Zélande en passant par le Canada, la Belgique et l’Afrique, fait un point de mire sur la situation particulière de la France à la suite de la destruction des deux statues de Victor Schoelcher le 22 mai 2020 à Fort-de-France, jour de l’abolition de l’esclavagisme en Martinique… Trois jours avant la mort de Georges Floyd ! De toute évidence, l’origine des contestations des militants antiracistes en France doit se trouver en amont.

Pour faire la lumière sur le cas français, l’auteure interroge les actes iconoclastes, comme le vandalisme de statues de Napoléon à La-Roche-sur-Yon et à Rouen, qui vont de la simple contestation verbale à la destruction matérielle complète de statues. L’image est forte. Les statues détruites, vandalisées, voire décapitées ne sont pas sans rappeler, comme le souligne l’auteure, les rituels judiciaires publics, des procès posthumes de ces hommes blancs glorifiés dans l’espace public. Les solutions proposées, comme le déboulonnage de statues ou l’installation de plaques explicatives, posent problème et ne rendent pas service à l’histoire, puisqu’elles induisent une mise en oubli du passé colonisateur et esclavagiste de la France. C’est dans ce contexte que se situe l’affirmation du président de la République Emmanuel Macron : «La République n’effacera aucun nom ou aucune trace de son histoire». Dans une optique plus constructive, l’auteure s’arrête sur la solution d’ériger de nouvelles statues représentant des personnes ayant lutté contre l’esclavagisme ou le colonialisme, dont Louis Delgrès et Toussaint Louverture. L’érection de ces nouvelles statues permettrait ainsi de balancer le discours sur l’histoire nationale en y intégrant la voix de ces hommes et femmes de couleurs, victimes du passé esclavagiste et colonisateur de la France.

Au terme de sa réflexion, il apparaît nécessaire pour l’auteure de relativiser la concomitance des contestations françaises avec les évènements de Minneapolis. Avec un regard lucide, Jacqueline Lalouette invite à s’interroger collectivement sur les abus de la mémoire et le racisme structurel encore présents dans la société française actuelle plutôt que d’ignorer le passé esclavagiste et colonisateur de la France par le déboulonnage des statues. (A. Marineau-Pelletier)

Les statues de la discorde
Les statues de la discorde @ Passés/Composés

Présentation de l’éditeur

Le 22 mai 2020, deux statues martiniquaises de Victor Schœlcher furent brisées. Mais le bruit provoqué par ces destructions fut vite couvert par le fracas médiatique suscité par la mort de l’Afro-Américain George Floyd tué à Minneapolis, par la police, le 25 mai. Les images de son agonie agirent comme un catalyseur et déchaînèrent dans le monde des actes iconoclastes contre les statues glorifiant de « grands hommes » blancs, dont l’action est condamnée à divers titres (esclavagisme, colonialisme, racisme).

Comme d’autres pays, la France, où tout avait donc commencé un peu plus tôt, fut touchée. Pour mieux comprendre la réalité et les enjeux du débat, et après avoir rendu compte de la situation sur plusieurs continents, Jacqueline Lalouette étudie le cas de la France ultramarine et continentale, où diverses statues liées à l’histoire de l’esclavage et de la colonisation furent contestées, vandalisées et, pour certaines, détruites. L’auteur s’interroge ensuite sur les solutions préconisées, de leur retrait à la réalisation de statues de nouveaux héros. Elle donne au final les clés de compréhension de ce débat passionné, en lui-même révélateur des oppositions mémorielles, parfois violentes, qui traversent la France.

Année de publication :
2021
Lieu et maison d'édition :
Paris, Passés/Composés
Nombre de pages :
238 p.
Pour commander :
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