Qui peut se vanter d’avoir lu ces Mémoires en entier? Dans beaucoup de cas, les extraits, « morceaux choisis » comme on disait jadis, sont à rejeter parce que déformants ou simplement sans nécessité (on me permettra de citer l’exemple que je connais bien des Souvenirs du commandant Parquin, littéralement « massacrés » par Frédéric Masson, entre autres). Mais en l’occurrence, Jean Tulard rend aux napoléoniens un fier service en ne retenant que les passages relatifs aux rapports de Talleyrand avec Napoléon, de 1797 à septembre 1815 quand Talleyrand démissionne du gouvernement qu’il dirigeait. Affaire du duc d’Enghien, affaires d’Espagne, conflit avec le pape, les deux Restaurations, on est au coeur de la diplomatie impériale et de ses conséquences.
En suivant pour les parties retenues le texte du duc de Broglie avec les modifications de l’édition Couchoud, Jean Tulard donne une édition réduite, mais à l’essentiel, commode, sûre, avec notes, bibliographie et un précieux index.
L’Imprimerie Nationale présente cette édition dans une parfaite typographie, élégante et agréable à lire, dans la grande tradition classique qu’elle est un des rares éditeurs à oser et pouvoir maintenir.
« La postérité portera un jugement plus libre et plus indépendant que les contemporains sur ceux qui, placés comme moi sur le grand théâtre du monde, à une des époques les plus extraordinaires de l’histoire, ont droit pour cela même d’être jugés avec plus d’impartialité et plus d’équité ».
Impartialité, équité, ces termes peuvent faire sourire s’agissant de Talleyrand. Mais pour peu qu’on veuille y tendre, cette édition de ses Mémoires par Jean Tulard présente les meilleures garanties pour aider à y parvenir.
À signaler dans cette collection, sur la période : Grands écrits politiques de Chateaubriand présenté par Jean-Paul Clément.
Voir la bibliographie générale commentée de Philip G. Dwyer, « Les publications sur Talleyrand depuis 1928«