Mémoires inédits

Auteur(s) : BONAPARTE Mathilde
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Mémoires inédits
Mémoires inédits, de Mathilde Bonaparte © Grasset 2019

« Je naquis exilée – morte civilement – à Trieste, le 27 mai 1820. »

Le ton est donné dès cette phrase simple mais forte. En moins de 150 pages, Mathilde Bonaparte raconte d’un style resserré les événements  de sa vie, les caractères de son entourage, sans détour ni complaisance de politesse : ainsi, ces mémoires ont été publiés partiellement en 1927, expurgés de passages jugés offensants par les membres de la famille Bonaparte. Des mémoires traversés de maints petits détails (descriptions physiques, surnoms (Mathilde surnommait son oncle Lucien « faux papa » en raison de sa ressemblance avec son père le roi Jérôme), anecdotes (succession des dames de compagnie de sa mère Catherine née de Wurtemberg, soumises à des absences forcées, conséquences de la galanterie imprudente de son père) qui tissent le motif général encadrant l’évolution d’une personnalité féminine au sein des Napoléonides, passant d’un exil (en raison de la loi de bannissement des Bonaparte des territoires français du 12 janvier 1816) marqué du sceau de l’héritage napoléonien, au pouvoir avec l’avènement sur le trône impérial de Napoléon III.

L’on découvre son enfance à Rome, puis à Florence, et ainsi que sa mère avait la main leste, adepte d’une éducation rude que refusait d’appliquer son père ; que son frère Napoléon, paresseux, taquin et rapporteur, ressemblait extrêmement à Napoléon Ier ; que leur père leur enseigna l’amour de la France, et le respect de tous ; mais qu’il ne lâchait guère la bride à sa femme, surveillant sa correspondance, organisant ses sorties et visites, finissant par lui imposer la présence de sa maîtresse la marquise d’Azzolino ; que Madame-Mère, sa grand-mère paternelle Letizia, avait de petites  mains, fines et transparentes, aux doigts rendus crochus par l’âge, et continuait de filer au rouet lors des visites dominicales ; que le cardinal Fesh, petit, replet et vif, prêchait volontiers un grande rigidité que pour lui-même il enfreignait souvent, au point d’avoir eu une fille, que Napoléon III révéla à Mathilde en 1859 ; que la reine Hortense, élégante et simple, portait toujours un chapeau, même à son domicile (palais Ruspoli), dont les tables étaient recouvertes de livres, estampes…, et que les concerts qu’elle organisait à Rome étaient courus, faisant d’elle « un centre » de la vie culturelle romaine, qu’elle ne négligeait rien, déjà, pour faire des amis politiques à son fils Louis [futur Napoléon III], sans que cela soit ostensible ; que le roi Louis était « versatile, soupçonneux à l’excès, inquisiteur et avare », certes en raison de sa santé défaillante : souffrant de paralysie dès son retour de la campagne d’Égypte, lorsqu’il mourut en 1846 « il était perclus des deux jambes et des deux bras. Il n’était plus qu’un estomac » ; que si les relations avec l’épouse de Joseph Bonaparte, Julie, étaient emplies de bienveillance, celles avec la reine Caroline étaient difficiles, la veuve de Joachim Murat, toujours coquette « malgré des épaules tellement grasses qu’elle semblait, étant décolletée, avoir de la gorge par-derrière », aimant brouiller tout le monde.

La princesse Mathilde arrête son récit en août 1841, à son retour de Russie, séjour initié par son mariage, le 1er novembre 1840, avec le comte Anatole Demidoff, premier prince de San Donato.

(note I. Delage, juin 2019)

Présentation par l’éditeur

Les mémoires de la princesse Mathilde, très partiellement publiés en 1927 dans la Revue des Deux Mondes, ont été censurés par les Bonaparte : ils avaient découvert que la nièce de Napoléon (elle est la fille du roi Jérôme) avait pris la plume, non seulement pour raconter sa jeunesse insolite à Rome et à Florence, mais aussi pour dévoiler par le menu les secrets les mieux gardés de la famille. Avec esprit et un sens du cocasse qui n’appartenait qu’à elle, elle brosse des portraits plein de piquant des siens, entre la chute du Premier Empire et la veille du Second. Si sa mère Catherine, fille et sœur des rois de Wurtemberg, avait peu de goût pour elle (une fille !), elle s’est trouvé d’autres modèles féminins, Hortense de Beauharnais, Julie Clary et surtout sa cousine Charlotte Bonaparte (fille de Joseph) dont elle dévoile les amours clandestines avec un prince polonais, lui aussi exilé. Elle n’épargne ni son père le roi Jérôme, dont elle dresse le tableau des conquêtes jusqu’à sa propre nièce, ni son cousin et fiancé, le futur Napoléon III, et moins encore son grand-oncle le cardinal Fesch. Ce texte récemment redécouvert révèle une femme de tête et de cœur qui s’est forgé une identité envers et contre tout, avec pour seule sauvegarde la fierté d’appartenir à la famille de l’Empereur et une passion pour la culture. Fuyant l’ambiance morne de la cour de Stuttgart, elle accepte la main d’un prince russe, Anatole Demidoff, imaginant y gagner une certaine indépendance et la possibilité de réaliser enfin son rêve, connaître Paris, ce Paris dont elle deviendra la Notre-Dame-des-arts.

Texte établi par Carole Blumenfeld (lauréate des Bourses 2010 de la Fondation Napoléon), préfacé par Philippe Costamagna. Pas de notes.

=> En complément, un article de Napoleonica.La Revue > « Les salons de Mathilde et Julie Bonaparte sous le Second Empire« , par Antonietta Angelica Zucconi (2011)

Année de publication :
2019
Lieu et maison d'édition :
Paris, Grasset, coll. Les cahiers rouges
Nombre de pages :
144 p.
Pour commander :
grâce à notre partenaire la Librairie Fontaine Haussmann et aux sites ParisLibrairies.fr et  PlaceDesLibraires.fr.
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