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Napoléon et l’Empire des Lettres. L’opinion publique sous le Consulat et le Premier Empire (1799‑1814) (essai)
« L’histoire n’est qu’un mensonge que l’on ne conteste plus » disait Napoléon. À Sainte-Hélène, on le sait, il s’est efforcé de bâtir sa légende à travers le Mémorial de Las Cases notamment, embellissant ainsi son épopée. Cette préoccupation d’écrire l’histoire n’était pas neuve. Très tôt, il prit en mains la presse pour raconter sa propre version des événements et par là influencer l’opinion publique, ce « tribunal indépendant » comme l’appelait Malesherbes. Pour tenter de l’apprivoiser, Napoléon créa une véritable administration composée de gens de lettres de toutes opinions mais qui n’avait qu’une seule mission, celle de glorifier l’empereur. Dans Napoléon et l’Empire des lettres, Maximilien Novak décrit avec force précisions la naissance et l’action de cette administration.
Avant cette passionnante synthèse, on n’avait pas totalement mesuré l’effort d’organisation réalisé par Napoléon pour diriger une opinion publique qu’il savait versatile. Le livre de Maximilien Novak revient sur cette mobilisation inédite de lettrés qui se sont mis à écrire l’histoire du Consulat et de l’Empire bien avant les autres historiens. Pour légitimer le régime, ils ont tenté d’écrire une sorte de roman impérial remontant à l’Antiquité romaine et à Charlemagne. Napoléon insista toutefois pour que cette histoire soit écrite à partir de « matériaux authentiques ». Si ces travaux historiques commandés par l’empereur avaient un but politique, il fallait aussi qu’ils soient rendus les plus crédibles possibles afin de légitimer ou de délégitimer tel ou tel. Napoléon était confronté à une histoire millénaire faites de rois et de papes qui tenaient leur pouvoir de Dieu et dans laquelle il ne semblait pas avoir à priori sa place en tant que souverain. D’où sa volonté de multiplier les références et les symboles comme pour ne pas faire de son règne une rupture totale avec une histoire de France qui ne l’avantageait pas forcément.
Appuyé sur de nombreuses sources, archivistiques en particulier, Napoléon et l’Empire des lettres est désormais incontournable pour qui veut comprendre cette réécriture de l’histoire par Napoléon. (Pierre Branda, directeur scientifique de la Fondation Napoléon, octobre 2023)
Présentation par l’éditeur
Après les déchirements fratricides de la Révolution française et une fois le pays mobilisé autour d’un élan vainqueur en Europe, il était temps, pour Napoléon, de reprendre le contrôle de l’opinion publique dans le cadre d’un vaste projet de fusion des élites, qui réunirait anciens révolutionnaires et royalistes revenus d’exil.
Reprendre le fil d’un grand récit national traduit ainsi une forte volonté de réconciliation sociale de l’empereur, portée par des hommes de sensibilité différente mais rassemblés au sein d’une administration œuvrant à l’édification politique et législative de la France. Le mot d’ordre ? Modération. C’est au reste pourquoi cette administration est caractérisée par la relative uniformité des opinions qui trouvent à s’exprimer dans la presse, la censure, l’écriture historique, ou encore les institutions de savoir et d’enseignement. L’Empire des Lettres venait conforter et légitimer le Premier Empire.