Le compte rendu de Jean Étèvenaux, ancien vice-président du Souvenir napoléonien
Tout le monde a entendu parler du rêve oriental de Napoléon à travers la campagne d’Égypte et le cri nostalgique lancé au moins à deux reprises depuis Sainte-Hélène : « Je serais à présent empereur de tout l’Orient ». Or, autant le premier moment a été, à juste titre, étudié, autant le second n’apparaît guère qu’à propos de sa rivalité avec Alexandre de Russie. D’où l’intérêt de l’étude menée par Yannick Guillou sur les relations avec l’empire ottoman. Car il y a eu, même de façon saccadée et inconstante, une tentative politique menée en ce domaine par l’Empereur.
En dehors des questions de personnes — trois sultans se succèdent en 1807-1808 — et de l’impatience de Napoléon à voir son titre impérial reconnu, les rapports sont dominés par la géopolitique. Il y a en effet deux acteurs extérieurs importants, la Russie et la Grande-Bretagne, et même un troisième, avec l’Autriche, puisque les grandes puissances européennes guignent toutes des territoires ottomans et le contrôle de la Méditerranée. Malgré l’expédition d’Égypte, un traité en bonne et due forme est signé en 1802 et l’Empereur envoie comme représentants des personnages de qualité, notamment les généraux Sebastiani, Brune et Andréossy. Du côté des ambassadeurs turcs, il est intéressant de relever la présence de non-musulmans comme Alexandre Rally ou Panayotaki Angelo Poulo.
Le long passé remontant à 1483, juste avant François Ier et Soliman le Magnifique, constituait un terreau que n’avait pas trop endommagé la Révolution, malgré la crainte que la disparition de la République de Venir ne facilite la progression française sur les côtes de l’Adriatique. Ensuite c’est un long échange où les louvoiements de Constantinople font écho aux changements de cap de Paris. Bref, comme le dit Thierry Choffat dans sa préface, tout cela aboutit à un « rendez-vous manqué ». (avril 2021)
Dans ces conditions, il ne pouvait y avoir d’intérêt de Napoléon pour les nouvelles nations chrétiennes émergentes, hellène ou slaves, du monde ottoman. L’auteur aurait ainsi pu parler des tentatives de certains dirigeants balkaniques d’obtenir son soutien, tel le Serbe Karageorges qui, au contraire, voit arriver des renforts français pour épauler les Turcs en 1809. Il en aura été de même avec les Grecs ; certes, Bonaparte leur avait manifesté de la sympathie en 1797 lorsque les troupes françaises avaient atteint Corfou, mais ils durent ensuite se contenter de contacts avec des agents de l’Empire français sans pouvoir susciter un mouvement en leur faveur comme ce sera le cas plus tard (voir Antoine Roquette, La France et l’indépendance de la Grèce, Paris, Le Félin, 2020, 168 pages). Yannick Guillou rappelle d’ailleurs que, en 1807, Sebastiani intervint auprès du patriarche de Constantinople, Grégoire V — pendu plus tard par ordre du sultan — afin qu’il rappelle ses fidèles à « la soumission due au Prince, à la puissance établie sur nous de la part de Dieu »… On reste bien dans la mentalité de l’époque. (mars 2021)
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Cet ouvrage porte le label « 2021 Année Napoléon ».