Les conséquences culinaires du Blocus continental furent durement ressenties par la population française : les routes commerciales du café et du sucre, denrées coloniales et tropicales, étaient coupées. Le succès du café avait été foudroyant, et depuis sa timide introduction fin 17e siècle, il avait conquis toutes les couches sociales. Sous l'Empire, il régnait sans partage sur les premières collations du matin. Grandement agrémenté de lait et de sucre, le café représentait un robuste et gouteux viatique pour la journée. Les femmes du peuple en particulier étaient attachées à cette boisson, les hommes ayant encore un fort penchant pour une eau-de-vie matinale.
Il est ainsi peu difficile de se représenter le manque cruel que représentaient un vrai café rare et hors de prix, et un cône de sucre à utiliser avec parcimonie. Situation ainsi résumée par l'auteur du Recueil pratique :
Moyen de remplacer le café et le sucre
La position de la France la mettant dans le cas, beaucoup trop souvent, d'être privée des denrées coloniales, ou de les payer fort cher, il est de l'intérêt de la bonne ménagère de se procurer des plantes et un sucre qui remplacent par leur saveur, le café et le sucre qu'elle achèterait.
Ces plantes et ce sucre se trouvent en France ; elles n'augmenteront point le prix que les facultés de la ménagère lui permettent d'atteindre. (p. 91)
Tous les moyens, et surtout toutes les plantes indigènes, furent essayés pour en tirer un café un peu près buvable. Il en alla de même pour le sucre, avec le succès durable que l'on connaît pour le suc de betteraves.
Le document présent offre à la lecture une autre source sucrée : le maïs, appelé plus volontiers le blé de Turquie. L'auteur du manuel, Mme Gacon-Dufour, nous le présente ainsi :
Le blé de Turquie est peu cultivé dans ces pays, et c'est un tort des cultivateurs. Ses feuilles sont très abondantes, et très profitables pour donner à manger aux vaches ; son grain est le meilleur qu'on puisse employer pour engraisser les dindons et les canards, même les cochons, si l'on en avait assez pour leur en donner ; mais ce n'est pas les seuls avantages qu'on peut retirer de cette plante.
MM Parmentier et Bomare qui ont obtenu des résultats avantageux de presque toutes les plantes qu'ils ont étudiées, avaient extrait du sucre de la tige du blé de Turquie. En effet sa moelle est très sucrée.
La tige coupée, pressée, exprimée et mêlée à du sucre tout de même; donnait un liquide assez épais qui pouvait être utilisé dans des préparations de desserts ou de boisson.