Musique
Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
Paroles
Soldats, le bal va s’ouvrir
Et vous aimez la danse
L’allemande vient de finir,
Mais l’anglaise commence.
D’y figurer, tous nos Français
Seront bien aise
Car s’ils n’aiment pas les Anglais,
Ils aiment les Anglaises.
Le Français donnera le bal,
Il sera magnifique :
L’Anglais fournira le local,
Et paiera la musique.
Nous, sur le refrain des couplets
De nos rondes françaises,
Nous ferons chanter les Français
Et danser les Anglaises.
D’abord par le Pas-de-Calais
On doit entrer en danse;
Le son des instruments français
Marquera la cadence :
Et comme l’Anglais ne saura
Que danser les anglaises,
Bonaparte lui montrera
Les figures françaises.
Dans nos entrechats, cette fois,
Pour être plus à l’aise,
Laissons leurs casimirs étroits,
Quittons la mode anglaise.
Portant cocarde et mousquets,
Au lieu de ces fadaises,
Nous ferons goûter aux Anglais
Les parures françaises.
Allons, mes amis, le grand rond,
En avant, face-à-face :
Français là-bas restez d’aplomb ;
Anglais changez de place ;
Vous, monsieur Pitt, un balancé ;
Suivez la chaîne anglaise ;
Pas de côté, croisé, chassé…
C’est la danse française.
Commentaire
Le 12 janvier 1798, Bonaparte expose au Directoire son plan d’invasion de l’Angleterre, le même jour un chansonnier donne ce chant sur l’air du Pas redoublé de l’infanterie (clé du caveau n° 756). Après avoir mis l’Autriche au pas avec le traité de Campo-Formio, le Directoire rêve de faire de même avec l’Angleterre, en la faisant danser sur un livret écrit par Bonaparte, au son du canon. Ce vieux rêve d’invasion de l’Angleterre s’inscrit dans la continuité des tentatives avortées de 1744, 1759 et 1779.
Comme son nom l’indique, le pas redoublé ou pas doublé, est un pas de charge ou de manœuvre qui s’exécute à la vitesse double du pas ordinaire, soit environ 120 à la minute. Il existe de nombreux pas redoublés composés à cette époque, indiquant qu’il était devenu le pas utilisé pour la marche en remplacement du pas ordinaire. L’Empereur était pressé et la vitesse de déplacement des unités était un atout stratégique majeur.
Il ne faut pas oublier que le premier traité de danse – L’Orchésographie, Thoinot Arbeau, 1589 – s’ouvre en expliquant que le premier de tous les pas de danse est le pas militaire. Fondateur de l’Opéra et grand danseur, Louis XIV avait institué des maîtres à danser militaires et on trouve encore des brevets de danse militaire jusqu’à la fin du XIXe s. La Révolution a manifestement démocratisé cet enseignement comme le donne à penser cette chanson vantant les talents de danseur du soldat français.
Thierry Bouzard
Docteur en histoire
Compositeur
Inconnu
Source
- Chansonnier de la Grande Armée, ou choix de chansons militaires, dédié aux braves, (c’est-à-dire à tous les soldats français). chez Marchand, 1809, p. 5.
- Louis Damade, Histoire chantée de la Première République, Paris, 1892, p. 495.
Ginette et Georges Marty, Dictionnaire des chansons de la révolution, Tallandier, 1988, p. 234.
- Roger Nourisson, « Chants de soldats au camp de Boulogne », Études napoléoniennes, T. 3, 1990, pp. 265-266.