Musique
Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
Un député du peuple
La victoire en chantant nous ouvre la barrière ;
La liberté guide nos pas.
Et du nord au midi la trompette guerrière
A sonné l’heure des combats.
Tremblez, ennemis de la France,
Rois ivres de sang et d’orgueil !
Le peuple souverain s’avance ;
Tyrans, descendez au cercueil :
La république nous appelle,
Sachons vaincre ou sachons périr ;
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.
Choeur des Guerriers
La république nous appelle,
Sachons vaincre ou sachons périr ;
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.
Une mère de famille
De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes :
Loin de nous de lâches douleurs !
Nous devons triompher quand vous prenez les armes :
C’est aux rois à verser des pleurs.
Nous vous avons donné la vie,
Guerriers, elle n’est plus à vous ;
Tous vos jours sont à la patrie :
Elle est votre mère avant nous.
Choeur de mères de famille
La république, etc.
Deux Vieillards
Que le fer paternel arme la main des braves ;
Songez à nous au champ de Mars :
Consacrez dans le sang des rois et des esclaves
Le fer béni par vos vieillards ;
Et, rapportant sous la chaumière
Des blessures et des vertus,
Venez fermer notre paupière
Quand les tyrans ne seront plus.
Choeur des vieillards
La république etc.
Un enfant
De Barra, de Viala le sort nous fait envie ;
Ils sont morts, mais ils ont vaincu.
Le lâche accablé d’ans n’a point connu la vie !
Qui meurt pour le peuple a vécu.
Vous êtes vaillans, nous le sommes :
Guidez-nous contre les tyrans ;
Les républicains sont des hommes,
Les esclaves sont des enfants.
Choeur des enfants
La république, etc.
Commentaire
Appelé le « frère de La Marseillaise » par les soldats de l’an II, le Chant du Départ (que Napoléon préférait à La Marseillaise) est devenu l’hymne national du Premier Empire. C’était avant tout une chanson de la Révolution. L’auteur des paroles était Marie-Joseph Chénier (1764-1811), très célèbre dramaturge et poète de l’époque. Il forma un « duo » remarquable avec Etienne-Nicolas Méhul (1763-1817), un des compositeurs les plus connus de son temps. Après la première représentation de leur oeuvre dans le Jardin National le 14 juillet 1794 en commémoration de la prise de la Bastille, 18 000 copies étaient envoyées à l’armée.
Le Chant du départ (dont le titre original, Hymne de la liberté, fut changé par Robespierre) est un tableau musical, dans lequel chacun des sept versets est chanté par un individu ou groupes d’individus différents. Dans le premier verset, un Député s’adresse à des conscrits en train de partir et les encourage. Puis une mère « Spartiate » nous raconte comment elle ne pleurera pas la perte de ses enfants ; c’est plutôt aux rois à pleurer. Deux vieillards rappellent aux guerriers que leurs épées appartenaient dans le temps à leurs pères, et qu’ils attendront le retour des soldats dans leur foyer – pour entendre les doux mots de victoire et pour enfin mourir en paix. Ensuite, un enfant chante les histoires de Barra et Viala, deux très jeunes héros (âgés de 12 et 13 ans) morts glorieusement pour la République. Entouré de Vendéens, Barra refusa de crier « Vive Louis XVII », en préférant lancer « Vive la République », cri pour lequel il fut tué sur le champ. Viala fut touché par une balle alors qu’il essayait de couper à la hache les cordons d’un ponton de l’ennemi. Ses derniers mots furent « Je meurs, mais c’est pour la Liberté ». Les gravures créées par Trimolet et exécutées par Garnier (1 et 4) et Boilly (2 et 3) montrent graphiquement ces événements. Epouses et amies chantent leur dévotion dans les verset 5 et 6, lorsque dans le septième et dernier verset les héros conscrits se disent prêts à partir et à se battre pour répondre aux exhortations des chanteurs précédents et pour apporter la liberté et la paix au monde entier.
Comme La Marseillaise, le Chant du départ survécut aux périodes Révolutionnaire et Napoléonienne. Il est toujours chanté par l’armée française, et Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République, le faisait toujours jouer au cours de cérémonies officielles avec La Marseillaise. C’est un exemple classique de chant guerrier.
Compositeur
Étienne Méhul / M.-J. Chénier
Source
– Le Dictionnaire Napoléon, éd. J. Tulard, Paris : Fayard, 1999, s.v., « Chénier » et « Méhul »
– Bouzard, Thierry, Anthologie du chant militaire français, Paris : Grancher, 2000, pp. 30-32
– Chants et chansons populaires de la France, éd. H.-L. Delloye, Paris : Garnier Frères, première série, 1843, « Le chant du départ ».
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