Les festins d’huîtres

Si vous aimez les huîtres, vous auriez adoré vivre sous le Premier Empire : on faisait alors des festins d’huîtres, non pas une douzaine, mais cinq, dix, voire trente ou quarante douzaines en un seul repas ! (On peut néanmoins penser que la taille du mollusque était plus petite que celle d’aujourd’hui). Le tout largement arrosé d’un chablis pour en relever la saveur.

« La marchande d’huîtres » (estampe de 1788) © Gallica/BnF

Paris était parsemé de restaurants qui proposaient des huîtres, venues des parcs d’Ostende (les plus petites mais les plus parfumées), d’Étretat, de Dieppe, de Cancale ou encore de Marennes (célèbres pour leur couleur verte).

Des huîtres au déjeuner comme au dîner

Les recueils de souvenirs de Parisiens ou de voyageurs citent souvent des dîners d’huîtres. Jean Henry, pasteur allemand d’origine française, venu à Paris en 1814 pour récupérer des œuvres d’art, tint un journal quotidien. On peut y lire, par exemple, à la date du 23 septembre, un résumé d’une visite au Louvre qui se termina par « un bon dîner d’huîtres, au Palais-Royal ». Deux jours plus tard, à la sortie de l’office dominical, il va avec sa femme « se restaurer par déjeuner d’huîtres ». Et ainsi de nombreux repas identiques suivront tout au long de son séjour. [1]

Un « touriste » anglais de 1806, John Pinkerton, remarque dans sa relation de voyage, qu’en hiver un bon dîner français commence souvent par des huîtres, qui sont accompagnées solennellement avec du vin blanc, le chablis étant conseillé. L’usage du vin rouge était jugé pernicieux à la santé.

Un met aux nombreuses vertus

L’épicentre des restaurants à huîtres était rue Montorgueil, dernière section du long chemin amenant à Paris la marée des ports de l’Atlantique Nord. Au numéro 59, était le plus célèbre d’entre eux : « Au Rocher de Cancale », spécialisé dans les produits de la mer, dont le propriétaire avait un nom prédestiné puisqu’il s’appelait M. Baleine !

Là, les huîtres comblaient l’estomac et l’esprit, car ce restaurant était le siège de 1806 à 1817 d’une société nommée « Le Nouveau Caveau », composée de chansonniers, de gens de lettres et de gastronomes, dont le fameux Grimod de la Reynière, qui affirmait ainsi sa prédilection pour les « mets caquetés », c’est-à-dire partagés avec de joyeux convives. Les réunions avaient lieu le 20 de chaque mois, et autour d’un « cent » d’huîtres, les convives échangeaient poèmes, charades, considérations gastronomiques … On peut encore les lire dans « l’Épicurien français, le journal des belles et des gourmands, ou les dîners du Caveau moderne » (1806-1815).

Les médecins reconnaissaient de nombreuses vertus aux huîtres : elles réparaient les forces épuisées et facilitaient les digestions difficiles. Les malades allaient cherche de l’eau d’huîtres chez les écailleuses de la rue Montorgueil, mais pas plus de cinq à six cuillerées par jour.

Chantal Prévot, décembre 2023

Notes

[1] Henry (Jean), Journal d’un voyage à Paris en 1814 , Éd. présentée, annotée et établie par Bénédicte Savoy, avec la collaboration de Nicolas Labasque. – (Paris), Le Promeneur, 2001 (Bibliothèque Martial-Lapeyre, Fondation Napoléon)

Type de recette

salée