Mémorial de Sir Hudson Lowe, relatif à la captivité de Napoléon à Sainte-Hélène

Paris, Léo Dureuil, 1830

Ces mémoires sont des faux, ils furent écrits par deux littérateurs parisiens : Léon-Jérôme Vidal (1797-1873) et Alphonse Signol (18??-1830). Les deux hommes ne cherchèrent ou ne purent guère préserver leur anonymat, puisqu'ils furent désignés comme les véritables auteurs quatre ans à peine après la publication dans un recueil de bibliophilie : Nouveau recueil d'ouvrages anonymes et pseudonymes, par M. de Manne, Paris, Librairie Gide, 1834 (p. 265).

Léon-Jérome Vidal fut employé comme chef de bureau au ministère de l'Intérieur, puis il termina sa carrière administrative comme inspecteur général des prisons. En parallèle, il mena une activité de poètes et de pamphlétaires. Une partie de ces oeuvres de fiction furent élaborées en collaboration avec Auguste-Marseille Barthélémy (1796-1867), auteur de poèmes bonapartistes célèbres Napoléon en Égypte, Waterloo (1828) et Le fils de l'homme (1829). On peut penser que Vidal fréquentait les cercles pro-napoléoniens, ou que tout du moins, il y trouva l'idée et le contenu du mémorial hudsonien.

Alphonse Signol était un écrivain connu dans les années 1820, grâce à des pièces de vaudeville et des romans populaires à succès. Franc-maçon, il publia en 1826, De la maçonnerie considérée dans quelques-uns de ses rapports avec la politique. Fervent défenseur des duels au point d'éditer une Apologie des duels en 1829, en réaction à une loi les interdisant. Il connut une fin tragique, mais somme toute logique, en étant tué… au cours d'un duel l'année même de la publication du Mémorial d'Huson Lowe, en 1830. Son talent d'écrivain fut certainement utile pour peaufiner le style de l'ouvrage qui est écrit dans une prose agréable.

L'ouvrage est écrit à la première personne, Hudson Lowe étant sensé avoir pris la plume pour justifier son comportement en tant que gouverneur de Sainte-Hélène, et montrer qu'il n'a fait qu'exécuter les ordres de Londres. Toutefois une lecture attentive relève des erreurs grossières (travail effectué par M. Jacques Macé) :
 
Page 28, il est question d'un espion corse nommé Suzzarzelli, alors que l'histoire racontée ressemble comme deux gouttes d'eau, à celle de Cipriani Franceschi.
 
Page 94 et la suite, le commissaire russe Balmain est cité, marié et accompagné d'un botaniste, alors que c'est le commissaire autrichien Sturmer qui se trouve dans cette situation.
 
Page 263, il parle à plusieurs reprises, au sujet d'un incident réel, du lt-colonel Hyster, alors qu'il s'agit de Lyster.
 
Page 266, une certaine Betsy est présentée comme une femme de chambre de lady Lowe, alors qu'il s'agit de l'une des multiples anecdotes au sujet de Betsy Balcombe, qui n'a jamais été femme de chambre.
 
Ce texte resta anecdotique jusqu'à une ré-édition en 1949, où il fut adapté, introduit et noté par Maurice Bessy et Lo Duca. Ces éditeurs affirmèrent dans la préface que l'ouvrage était bien d'Hudson Lowe mais sans apporter aucune preuve et ils lui donnèrent un nouveau titre : le contre-mémorial. La préface se résume à un procès fait à « la vilénie d'Hudson Lowe qui exalte la chute de l'Empire ».

Les véritables mémoires d'Hudson Lowe furent publiés en 1853 par William Forsyth : History of the captivity of Napoleon at St.-Helena ; from the letters and journals of the late lieut. gen. sir Hudson Lowe, and official documents not before made public, London, J. Murray, 1853, en trois volumes. L'ouvrage fut traduit en français dès sa sortie : Histoire de la captivité de Napoléon à Sainte-Hélène : d'après les documents officiels inédits et les manuscrits de sir Hudson Lowe, Paris, D'Amyot Ed., [1853?], en quatre volumes.


 
Chantal Lheureux-Prévot
octobre 2010

Extraits

Ce livre est consultable dans notre Bibliothèque numérique :
http://digitalbooks.napoleon.org/book/index.php?collection=STHEL_MEMHL&type=normal#