Partant pour la Syrie ou Le beau Dunois

Partant pour la Syrie,
Le jeune et beau Dunois,
Venait prier Marie
De bénir ses exploits :
Faites, Reine immortelle,
Lui dit-il en partant,
Que j’aime la plus belle
Et sois le plus vaillant.

Il trace sur la pierre
Le serment de l’honneur,
Et va suivre à la guerre
Le Comte son seigneur ;
Au noble voeu fidèle,
Il dit en combattant :
Amour à la plus belle,
Honneur au plus vaillant.

On lui doit la Victoire.
Vraiment, dit le seigneur ;
Puisque tu fais ma gloire
Je ferai ton bonheur.
De ma fille Isabelle,
Sois l’Époux à l’instant,
Car elle est la plus belle,
Et toi le plus vaillant.

À l’Autel de Marie,
Ils contractent tous deux
Cette union Chérie
Qui seule rend heureux.
Chacun dans la chapelle
Disait en les voyant :
Amour à la plus belle,
Honneur au plus vaillant.

Commentaire

Partant pour la Syrie, traditionnellement daté de 1807, est un exemple classique des chansons ou romances évoquant l’esprit du Moyen Age et de ses troubadours, genre qui fleurit sous le Premier Empire. La mélodie fut initialement attribuée à Hortense de Beauharnais, belle-fille de Napoléon. Puis le musicologue Arthur Pougin désigna, comme étant l’auteur véritable de la mélodie, un certain Louis-François-Philippe Drouet (1792-1855), flûtiste à la cour de Louis roi de Hollande. Les paroles furent écrites par le Comte Alexandre de Laborde (1774-1842), archéologue. De récentes découvertes expliquent la dés-attribution par Pougin, par son opposition au Second Empire, et confirment Hortense comme étant l’auteur de la musique de Partant pour la Syrie composée à Malmaison  » pendant que [sa] mère jouait au tric-trac’ (Mémoires, vol. 3, p. 119).

Le poème raconte l’histoire d’un croisé, Dunois, qui prie la vierge Marie de le bénir avant son départ à la croisade en Syrie. Victorieux, Dunois est récompensé par son seigneur, qui lui accorde la main de sa fille Isabelle. L’histoire utilise le personnage célèbre du Comte de Dunois, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Cependant le  » vrai  » Dunois n’alla jamais en Syrie et n’épousa pas la fille de son seigneur. Considéré comme séditieux sous la Restauration ce chant fut un cri de ralliement des bonapartistes durant les heures sombres d’avant le Second Empire.

Partant pour la Syrie connut un immense succès populaire sous le Premier Empire mais également pendant la Restauration puis le Second Empire. Louise Cochelet, lectrice de la reine Hortense, écrivit dans ses mémoires (vol. 1, p. 46-47) que la romance Le beau Dunois  » fut tant chantée que les orgues de Barbarie la répétaient sans cesse dans les rues, dans les promenades, en tous lieux. Enfin on en était poursuivi à tel point que, quoique l’air de cette romance soit charmant, on finissait par en être fatigué.  » Cette popularité ne devait pas diminuer. Pendant les décennies suivantes cette romance devait être connaître de nombreux arrangements pour différents instruments, par des compositeurs tels que Bochsa ou Dussek. Un ensemble de variations a même été édité pour le flageolet ! La mélodie de la reine Hortense roman connût son apogée sous le Second Empire, en devenant une sorte de deuxième  » hymne national  » de l’Empire, joué à presque chacune des cérémonies officielles.
Bien qu’encore chantée par l’armée française, la romance de la reine Hortense est aujourd’hui complètement oubliée.

Compositeur

Hortense de Beauharnais (musique), Cte Alexandre de Laborde (paroles)

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Source

Hortense de Beauharnais, Mémoires de la reine Hortense, (éd. Jean Hanoteau), Paris : Plon, 1927, 3 vols
Bernard Chevallier, La reine Hortense : une femme artiste. Catalogue d’exposition au Château de Malmaison, 27 mai – 27 Septembre 1993, éd. Bernard Chevallier, Paris : RMN, 1993, 110 p.
La partie intitulée Hortense et la musique, comprend les chapitres  » La Reine Hortense et la musique « , par Dorothea Baumann,  » Inspiration et renommée ; les romances de la reine Hortense dans leur époque « , par Alain Pougetoux, p. 21-24
Louise Cochelet, Mémoires sur la reine Hortense et la famille impériale, Paris : Ladvocat, 1836-38, 4 vols
Arthur Pougin, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Paris, 1878-80.
Plusieurs recueils de romances de la reine Hortense furent publiés, notamment :
• Romances mises en musiques par S.[a] M.[ajesté] L.[a] R.[eine] H.[ortense], 1813, chaque titre étant accompagné d’une aquarelle d’Hortense
• Romances composées par Hortense, duchesse de Saint-Leu. Huit romances nouvelles, Paris : Pacini, s.d., dont le premier titre est  » Le beau Dunois  » ou  » Partant pour la Syrie  »
• Douze Romances dédiées au prince Eugène par sa soeur, publiées avant 1825
• Album artistique de la reine Hortense, 1853, Heugel et Co., luxueuse édition de 12 romances avec lithographies et pages de titres en chromolithographie.

Pour écouter : cliquez ici (vidéo YouTube non produite par napoleon.org)

Mise à jour : 9 février 2024