Robe et traîne de cérémonie de la maréchale Davout

Lors des cérémonies ou des réceptions au palais des Tuileries, les femmes de la Cour impériale se devaient de porter des robes « parées », c’est à dire décolletées, à taille haute sur une jupe longue plaquant les formes, et brodées plus ou moins richement d’or et d’argent. Les épouses de maréchaux ne dérogeaient pas à la règle et faisaient leur possible pour imiter en tout point les figures féminines de la famille impériale. L’anecdote veut que « l’on pouvait apercevoir aux Tuileries de ces petites scènes : des maréchales faisant la haie sur le passage d’une personne de distinction reconnue, notant ses attitudes« .
A l’instar de l’impératrice Joséphine, nombre d’entre elles faisaient appel au grand Louis-Hippolyte Leroy, marchand de mode, pour créer leurs toilettes de cour : « La visite d’obligation chez lui est pour le grand habit de cérémonie, il est unique sur le chapitre. » Il fut ainsi très sollicité par ces dames pour les grandes cérémonies que furent le sacre de 1804 ou le mariage de Marie-Louise et de Napoléon aux Tuileries en avril 1810.

La maréchale Davout, princesse d’Eckmühl, née Louise-Aimée-Julie Leclerc, était la soeur du général Leclerc, le mari de Pauline Bonaparte. Connue pour son sens de l’économie, il n’était pas rare, au grand agacement de son époux, de la voir broder elle-même ses robes d’apparat. Mais le maréchal Davout ne partageait pas ce goût pour la simplicité et il eut pour préoccupation constante, comme il le lui écrivit souvent en campagnes, que sa femme fut « bien mise ». Il lui demanda ainsi d’acheter des diamants et de prendre chez Leroy au moins deux habits de cour.

La robe et la traîne ici présentées figurent parmi les rares tenues que la princesse d’Eckmühl consentit, mariage impérial oblige, à commander en 1810 au grand couturier parisien. En tulle et satin de soie ivoire, elles sont toutes deux finement brodées de fils d’or et de platine figurant un semis de fleurs pour les parties centrales et des guirlandes végétales pour les bordures. (voir un détail)

Légué à la ville d’Auxerre par la marquise de Bloqueville, fille du maréchal Davout, cet ensemble exceptionnel est conservé depuis la fin du XIXe siècle dans le petit musée d’Eckmühl créé dans l’Hôtel de Ville (malheureusement fermé au public). Exposées pendant plus d’un siècle dans une vitrine parfaitement inadaptée avec le manteau et la ceinture de cérémonie de Davout, ces quatre pièces présentaient un état inquiétant. Alertée par l’Association des Amis des collections du Maréchal Davout, la Fondation Napoléon a engagé en 2009 un mécénat et une première restauration a pu être menée à son initiative, qui aboutit à la présentation de ces costumes dans la grande exposition Napoleon. Feldherr, Kaiser und Genie.

Une seconde restauration réalisée en 2010 par le Kunsthistorisches Museum de Vienne a permis de poursuivre la sauvegarde de ces chefs-d’oeuvre du patrimoine napoléonien. Ils sont visibles jusqu’à la fin de l’année dans l’exposition Napoleons Hochzeit à la Wagenburg du château de Schoenbrunn.

Karine Huguenaud et Emmanuelle Papot
juin 2010

Source : Henri Bouchot, La toilette à l’époque de Napoléon, Paris, pp. 72-76