Roman : La tribu indienne, ou Édouard et Stellina, par le citoyen L.B [Lucien Bonaparte], (Paris, 1799)


Lucien Bonaparte, comme ses frères Joseph, Napoléon, Louis, a eu dans sa jeunesse des ambitions littéraires. Grand admirateur et ami de Bernardin de Saint-Pierre, il fait publier en 1799 un roman sentimental et exotique, qui se déroule à Ceylan.   L'intrigue est alors en vogue : un Européen sauvé par une sauvage, la vendra comme esclave. Cette variante exotique du thème de l'amante abandonnée par un vil amant apparaît au XVIIe siècle dans les récits de voyage sous la forme d'une anecdote sur un Anglais, Inkle, qui trahit Yarico, une femme des Barbardes qui lui avait sauvé la vie.   Lucien Bonaparte, qui a lu les oeuvres de l'abbé Raynal contre l'exploitation des indigènes par les colons, y mêle à la fois des considérations sur la violence des colonisateurs (en l'occurrence des Portugais) et sur les bons sauvages qui ne connaissent ni la corruption, ni l'avarice.
 
  
Résumé et critiques

L'intrigue est à rebondissement : Édouard, jeune, beau, intelligent et riche, fils d'un grand marchand londonien, part vers les Indes (Java) ouvrir un comptoir pour son père à bord du … Bellérophon ! L'escale sur l'île de Ceylan tourne au cauchemar : une partie de ces compagnons descendus à terre sont tués par des insulaires féroces. Le croyant mort lui aussi, le capitaine du bateau le laisse seul, abandonné. Edouard traverse la forêt pour tenter de rejoindre le seul campement européen de l'île, Columbo tenu par les Portugais. Et là, couchée sur une peau d'éléphant, la taille élancée à peine couverte par un voile transparent, lui apparaît Stellina, la belle sauvage. Après bien des jalousies tramées par le grand prêtre de la tribu, Édouard devient son époux. Mais l'avidité des richesses de diamants et d'or des insulaires, la nostalgie de l'Europe l'éloigne de Stellina. Une fausse accusation de meurtre les oblige à trouver refuge à Colombo. Le vil conseiller du vice-roi comprend qu'Édouard recherche la fortune plus que tout. Il lui propose des coffres d'agent et des esclaves contre la fille du roi des sauvages, qui est la clef pour devenir gouverneur de toute l'île. La romance finit mal : Édouard est tué, Stellina est mise au ban de la tribu et meurt en couche, les Portugais massacrent une partie des insulaires …   La moralité est double : « Dans tous les pays de la terre, les prêtres sont les artisans du crime et de l'erreur », et « La soif immodérée des richesses étouffe la nature, et l'or appelle tous les maux sur la terre qui le renferme. »   Si le style est, selon nos goûts actuels, larmoyant et grandiloquent, on peut encore apprécier quelques passages sur la beauté de la forêt.   Ce roman est considéré comme précurseur du mouvement romantique, par la place faite à la nature et la recherche de la liberté individuelle hors des carcans traditionnels.   Certaines critiques voient dans l'affrontement entre la tribu archaïque, mais moralement pure, et les nouveaux colons porteurs d'avenir, mais avides de pouvoir et de richesse, la métaphore de la mort de l'Ancien Régime et l'installation d'un nouveau régime issu de la Révolution.  
 
 
Histoire bibliographique

Extraits

Premières phrases.
 
Le vieux Milford, riche négociant de Plymouth, avait acquis des biens immenses par le commerce des Indes : son avidité croissant à mesure, il ne vivait que pour les augmenter. Edouard, son fils unique, atteignait a dix-huitième année. Soigneusement élevé dans la maison paternelle, retenu dans les bornes d'un comptoir, entouré dès son enfance de commis  de courtiers, il n'avait jamais entendiu parler que de calculs, de chiffres ou de métaux ; son attention ne s'était fixée que sur des ballots ou des échantillons ; son coeur, comme son esprit, étaient fermés à tout ce qui n'était pas intérêt ; et les beautés de la ntaure, les chefs d'oeuvres des arts, les éléments des sciences, les orages délicieux des passions ... tout cela n'existait pas pour lui ...

 
 
Texte intégral en ligne, dans la Bibliothèque  numérique de la Fondation Napoléon :
Tome 1 : http://digitalbooks.napoleon.org/book/index.php?collection=FNAP_LB_TRIBU1#
Tome 2 : http://digitalbooks.napoleon.org/book/index.php?collection=FNAP_LB_TRIBU2#
Auteur : Lucien Bonaparte
Titre : La tribu indienne ou Edouard et Stellina
Éditeur et date d'édition : À Paris, De l'imprimerie de Honnert, rue du Colombier, n° 1160, an VII [1799]
Description matérielle : 18 cm, 2 vol.