Ou la poissarde parvenue, 1797
Depuis le XVIIe siècle, on désigne sous le terme de Mme Angot toute femme du peuple, devenue riche et arrogante, mais qui a conservé ses manières et son langage rudes.
Rien n’étonnant qu’à l’époque du Directoire, époque où spéculateurs, marché noir et fortunes subites font florès au Palais-Royal, qu’une comédie est été montée autour de ce personnage de parvenue.
En concordance avec l’air du temps, la pièce fut un triomphe : on parle de 500 000 spectateurs en tout : ouvriers et aristocrates s’y précipitèrent, les premiers au parterre, les seconds dans les loges d’apparat. Quant aux parvenus, gageons qu’ils essayèrent de se frayer un chemin vers les loges …
La trame est simple, voire anecdotique : Mme Angot, ancienne vendeuse de poissons sous la halle, veut marier sa fille au chevalier de la Girardière, mais la belle est amoureuse du ravissant et désargenté valet Nicolas. Bien sûr, tout se termine bien : au dernier moment, la véritable identité du chevalier de la Giradière est découvert par le notaire venu conclure le mariage, il n’est en fait qu’un vulgaire M. Gérard. Et Melle Angot épouse son valet.
Ce n’est, bien sûr, pas l’intrigue qui fit le succès de cette pièce, mais les dialogues. Mme Angot souhaite se « dégraisser un peu », alors elle prend des airs, elle essaye d’avoir un ton. Le ressort comique réside dans les fautes de français :
– « J’entends queuquezun ».
-« Monsieur, quand on est sur le pied où c’que j’en sommes, on peut venir cheux le monde, quand bon vous semble »
– » Voilà M. Mme Dutaills que j’ai la valience de vous présenter »
Il réside également dans la gouille imagée du peuple :
– « N’courez pas si fort, vos mollets vont tomber ».
Les critiques contemporains y voyait de l’Aristophane en sabot, avec peut-être un peu de gros sel, mais ne faut-il pas du gros el pour saler les grosses bêtes !
Le rôle de Mme Angot était tenu par un homme ! Corsse, ou Corse était alors un comédien très connu sur le boulevard du Temple. Il apparaissait sur scène habillé en femme, avec jupons, robes et chapeau, frou-frou et mousseline. Son abattage et son travestissement contribuèrent largement au triomphe de Mme Angot.
Sur la lancée de ce succès, les théâtres parisiens proposèrent des suites :
– Mme Angot au Sérail de Constantinople », donnée en 1800 à l’Ambigu-Comique, toujours avec Corsse dans le rôle titre. Une phrase de la pièce fit le tour de la France, « C’est nous maintenant qui sont les princesses », que les spectateurs prirent comme allusion aux soeurs de Napoléon !
– Le repentir de Madame Angot, ou Le mariage de Nicolas, comédie-folie en 2 actes, mêlée de chants, par le Cen Maillot, donné en 1801 dans un théâtre des Boulevards
– Mme Angot au Malabar, ou la nouvelle veuve, en 1803, à la Porte Saint-Martin.