Théâtre. Le voyage de M. Perrichon, d’Eugène Labiche (1860)

Le 10 septembre 1860, Eugène Labiche donnait au théâtre du Gymnase à Paris la première de sa pièce la plus représentative de la bourgeoisie du Second Empire : Le Voyage de Monsieur Perrichon, une comédie en quatre actes avec, dans le rôle de Monsieur Perrichon, un célèbre comédien de l'époque : Geoffroy (1813-1883)*. Les représentations durèrent jusqu'au 15 septembre suivant (cf. Le Moniteur universel, des 11, 12, 13, 14 et 15 septembre 1860).
 
Historique de la pièce

En 1860, Eugène Labiche est le principal auteur comique. Auteur pour le théâtre depuis 1844, il a remporté son premier  grand succès en 1851 avec Un chapeau de paille en Italie. Le Voyage de Monsieur Perrichon, écrite avec la collaboration d'Edouard Martin, est très différente des autres pièces de Labiche. Alors que ses habituels personnages évoluent plutôt au sein de leurs intérieurs, la famille Perrichon entraîne les spectateurs de la Gare de Lyon à Paris aux glaciers de Savoie.

Ecrite en peu de temps, au cours de l'année 1860, la pièce s'inspire évidemment de l'actualité, à savoir le rattachement de Nice et la Savoie à la France. Mais le rapprochement s'arrête là, à l'unique destination. Comédie de moeurs, aux situations cocasses et absurdes, ce n'est pas à la société savoyarde que l'auteur s'intéresse mais bien à son bourgeois parisien et ce n'est pas de politique dont il s'agit mais de chemin de fer.

En effet si les chemins de fer ont été longs à s'imposer, en 1860 c'est chose faite. La compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée a été fondée en 1867 par la fusion de plusieurs compagnies. Le réseau s'est largement prolongé dans des directions variées, notamment vers Genève par Lyon, comme dans la pièce, le matériel ne cesse de se perfectionner et les locomotives atteignent déjà la vitesse de 60 kilomètres à l'heure.

Créée au théâtre du Gymnase le 10 septembre 1860, Le Voyage de Monsieur Perrichon connut un accueil triomphal et valut à Labiche le surnom de « roi du Vaudeville ». Le succès de cette pièce ne se démentira jamais. Elle entra ainsi au répertoire de La Comédie française en 1906.
 
Résumé
Honnête bourgeois mais vaniteux, riche carrossier de son état, Monsieur Perrichon entreprend, accompagné de sa femme Caroline et de sa fille Henriette, un voyage d'agrément par chemin de fer vers les alpes Suisses. A la gare de Lyon, deux jeunes prétendants d'Henriette se retrouvent fortuitement avec le même projet de demander la main de la jeune fille au cours du voyage. Commence alors une lutte loyale mais acharnée entre les deux hommes.

Extraits

Acte Premier
Une gare. Chemin de fer de Lyon, à Paris – au fond, barrière ouvrant sur les salles d'attente. Au fond, à droite, guichet pour les billets. Au fond, à gauche, bancs. A droite, marchande de gâteaux ; à gauche, marchandes de livres.
 
Scène première :
Majorin, un employé du chemin de fer
Se promenant avec impatience :

« Ce Perrichon n'arrive pas ! Voilà une heure que je l'attends. C'est pourtant bien aujourd'hui qu'il doit partir pour la suisse avec sa femme et sa fille… (Avec amertume) Des carrossiers qui vont en suisse ! Des carrossiers qui ont quarante mille livres de rentes ! Des carrossiers qui ont voiture ! Quel siècle ! Tandis que moi, je gagne deux mille quatre cents francs… Un employé laborieux, intelligent, toujours courbé sur son bureau… aujourd'hui j'ai demandé un congé… J'ai dit que j'étais de garde… Il faut absolument que je voie Perrichon avant son départ… Je veux le prier de m'avancer mon trimestre… six cents francs ! Il va prendre son air protecteur et faire l'important !... un carrossier ! ça fait pitié ! Il n'arrive toujours pas ! O dirait qu'il le fait exprès ! …. »
 
Le texte intégral de la pièce
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k208060n.r=Le+Voyage+de+Monsieur+Perrichon.langFR
 
 
Emmanuelle Papot (septembre 2010)

 
Note :
* Jean Marie Geoffroy (1813 -1883), appelé simplement "Geoffroy" fut engagé comme comédien au théâtre du Gymnase à Paris dès 1844 et en devint rapidement l'un des piliers. La critique se montra plutôt positive à son encontre : "Il a de l'imprévu de la verve à pleins bords. sa renommée est devenue presque une renommée" (J. Arago, 1852); "Il a un rire à lui, un rire sympathique qui se répand dans la salle. les autres comiques tirent leurs effets du sérieux avec lesquels ils débitent les bonnes ou mauvaises plaisanteries dont leurs rôles sont semés; Geoffroy procède par le moyen contraire".
Mais en 1863, il quitta, après 19 ans de service, le Gymnase pour rejoindre le théâtre du Palais-Royal, où sa carrière fut l'une des plus éclatantes de son temps...
 
- Eugène Labiche, Le Voyage de Monsieur Perrichon, Classique Larousse, 1987.
- Henri Lyonnet, Le Dictionnaire des comédiens français, vol. 2,  Genève, 19e, sd.