L’Histoire n°533 (juillet 2025), attirera l’attention des amateurs d’histoire du XIXe siècle pour les articles suivants :
• « Les poissons du Nil et « l’effet Bonaparte » » : Patrice Bret, chercheur en histoire des sciences et techniques au Centre Alexandre-Koyré, explore l’impact scientifique inattendu de l’expédition d’Égypte (1798-1801), souvent éclipsé par la légende napoléonienne. Au-delà des découvertes emblématiques comme la pierre de Rosette, Patrice Bret souligne le rôle décisif des poissons du Nil dans l’œuvre d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire. Ce dernier, en trois ans sur place, identifie des dizaines d’espèces nouvelles et réalise des avancées majeures en anatomie comparée et en physiologie, qui influenceront durablement les sciences naturelles. L’Institut d’Égypte, créé par Bonaparte, favorise aussi un dialogue inédit entre savants français et oulémas d’al-Azhar, marquant une rencontre entre savoirs européens et orientaux. Ainsi, cette « conquête savante » révèle combien la campagne militaire a servi de catalyseur à une véritable révolution scientifique (p. 76-79).
• « Maxime Du Camp. Photographier Ramsès » : Michel Winock, conseiller de la direction de L’Histoire, revient sur le voyage en Égypte de Maxime Du Camp et Gustave Flaubert (1849-1850), au cours duquel Du Camp, pionnier de la photographie, immortalise le Nil, ses monuments et ses paysages. Initié au calotype, il rapporte 214 images qui illustreront son ouvrage Le Nil, Égypte et Nubie (1853), véritable jalon dans l’usage de la photographie comme outil de documentation et de fascination pour l’Orient. Soutenu par l’Académie des inscriptions et le ministère de l’Instruction publique, Du Camp combine mission scientifique et regard romantique, tandis que Flaubert, plus littéraire, en tire ses Souvenirs d’Orient. Leurs récits et images contribuent à façonner le rêve d’Égypte dans l’imaginaire européen, entre science, art et exotisme (p. 80-81).
• « Méhémet-Ali. La révolution des ingénieurs » : Ghislaine Alleaume, spécialiste de l’Égypte moderne et directrice de recherche émérite du CNRS, retrace la « révolution des ingénieurs » en Égypte sous Méhémet-Ali (début XIXᵉ siècle), marquée par une transformation radicale du réseau hydraulique. Après des décennies de guerres ayant fragilisé digues et canaux, le vice-roi engage d’ambitieux travaux d’irrigation pérenne pour maîtriser le Nil et développer les cultures d’été. Le chantier du canal d’Alexandrie (1817-1820) ouvre la voie, bientôt suivi par d’autres projets qui modernisent le Delta. Ce vaste programme repose sur la formation progressive d’une élite technique : missions scolaires en Europe dès 1826, création d’écoles modernes et recours à des ingénieurs étrangers comme Linant de Bellefonds et Pascal Coste. En quelques décennies, l’Égypte passe ainsi d’une hydraulique traditionnelle à une gestion scientifique et centralisée de ses eaux, amorçant une ère de modernisation agricole et territoriale (p. 82-85).
• « A la recherche des sources du Nil » : Isabelle Surun, professeure à l’Université de Lille, raconte la longue quête des sources du Nil, une énigme géographique fascinant Européens et Arabes depuis l’Antiquité. Si des missionnaires comme Pedro Páez avaient atteint le lac Tana, source du Nil Bleu, dès le XVIIᵉ siècle, l’enjeu renaît au XIXᵉ siècle sous l’impulsion de la Royal Geographical Society et du gouvernement britannique. Explorateurs comme James Bruce, Burton, Speke et Grant s’élancent vers l’intérieur du continent, mêlant ambitions scientifiques, impérialisme et quête de gloire (p. 86-90).
« Qu’allaient-ils faire à Fachoda ? » : Luc Chantre, maître de conférences à l’Université Rennes 2, évoque l’« affaire de Fachoda » (1898), point culminant des rivalités coloniales entre la France et la Grande-Bretagne en Afrique. Après le retrait égyptien du Soudan en 1885, consécutif à la révolte du Mahdi et à la mort héroïsée de Gordon Pacha à Khartoum, la région devient un enjeu pour les puissances européennes (p.92-93).
Bien d’autres chroniques vous attendent dans ce numéro !
Présentation
Le Nil évoque avant tout l’Égypte, sa mythologie, son écriture sur papyrus et ses crues miraculeuses.
Mais il est aussi le plus long fleuve du monde (6 800 km) et traverse bien d’autres pays (le Rwanda, le Burundi, ou le Soudan) où aventuriers, jésuites et officiers britanniques de l’Armée des Indes cherchèrent ses sources au cœur des forêts d’Afrique.
Des Romains aux Arabes, c’est sur son Delta que les conquérants ont établi leur capitale. Au XIXe siècle, avec Méhémet-Ali vint le temps des ingénieurs, qui permit, nous disent les historiens, la révolution de l’irrigation pérenne, poursuivie avec la colonisation anglaise.
Dans les années 1960, Nasser alla plus loin avec la construction du barrage d’Assouan, assurant à son pays grain et électricité, quitte à déplacer des populations et même des pyramides. Aujourd’hui, l’enjeu du contrôle de ses eaux et les velléités de l’Éthiopie font craindre une dangereuse déstabilisation de la région.
Par Damien Agut, Ghislaine Alleaume, Adeline Bats, Marie-Hélène Baylac, Jacques Berlioz, Guillaume Blanc, Patrice Bret, Luc Chantre, Julien Cooper, Laurent Coulon, François Lerouxel, Julien Loiseau, Nicolas Michel, Anne Marie Moulin, Matthieu Rey, Maurice Sartre, Robin Seignobos, Valérie Schram, Isabelle Surun, Michel Winock.