A l'automne 1793, la Convention a essayé d'accorder aux enfants illégitimes, lorsqu'ils étaient reconnus par leurs parents, des droits successoraux égaux à ceux des enfants légitimes. Cet article explore le combat judiciaire sur cette politique familiale controversée et examine comment la négociation des pratiques sociales était imbriquée dans la convalescence politique consécutive à la Terreur. Les Enfants naturels avaient du mal à faire valoir leurs droits au tribunal, non seulement en raison des pratiques d'Ancien Régime, mais aussi parce que la Terreur s'est efforcée plus encore de rétablir le pouvoir et la définition de la famille comme institution. Les descendants illégitimes ont, pour soutenir leurs demandes d'héritages, proposé le modèle d'une famille inclusive et perméable, unie par l'affection et les liens naturels. A l'inverse, leurs adversaires ont entretenu des angoisses d'après-Terreur sur les familles divisées, les émotions instables, la fragilité des pères et l'incertitude de la propriété. Dans ce climat conservateur, les juges, de plus en plus exigeants dans la recherche des preuves de la paternité, ont affaibli l'application de la loi de l'an II. Ces négociations populaires et judiciaires sur la paternité ont influencé les législateurs au moment où ils se dirigeaient vers le Code civil de 1804 et soutenaient un modèle familial fondé sur une paternité autoritaire, le droit positif et la propriété sûre et certaine.
Annales. Histoire, Sciences sociales, n° 4, juillet-août 2002, Suzanne Desan (University of Wisconsin-Madison), p. 935-964
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