Le congrès de Vienne

Artiste(s) : ISABEY Jean-Baptiste
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Le congrès de Vienne
Le congrès de Vienne (de haut en bas) : dessin explicatif, version définitive, esquisse,
études des costumes de Metternich et Wellington, d'Isabey (1815) ; gravure, de Godefroy (1819-1820)

Jean-Baptiste Isabey, après avoir fait ses débuts à la cour de Versailles sous l’Ancien Régime, fut un des grands peintres protégés par Napoléon Bonaparte et l’un des seuls qui parvint, sans faire poser Bonaparte, à faire un portrait du Premier Consul « au naturel ». Élève de David, Isabey était reconnu internationalement pour son talent de portraitiste (pour voir un autoportrait) et de miniaturiste, ce qui lui permit d’échapper à la déchéance de l’Empire comme aux aléas des régimes suivants.

Isabey fut ainsi propulsé, à l’instigation de Talleyrand, peintre du congrès de Vienne. Il s’y installa en septembre 1814, près du Danube et non loin du Prater, et mena son travail sur la représentation officielle de la grande réunion politique tout en faisant de nombreux portraits privés des illustres individus qui gravitaient autour du congrès, venus nombreux le visiter dans son atelier viennois. Il accueillera également les délégués représentés dans ce dessin pour parfaire les détails de son œuvre principale (cf. les études pour les costumes des protagonistes du dessin, conservés au département des Arts graphiques du Louvre. Par exemple, une étude pour le costume du duc de Wellington –> agrandissement).

La scène officielle qu’il avait à représenter n’était pas sans difficulté : il lui fallait dépeindre un nombre important de hautes personnalités, selon leurs dignités et rangs, sans pour autant les figer à la table des négociations dans une posture contrainte et empesée. Le peintre choisit donc de représenter un instant de pause dans les tractations, à la fois empreint de solennité mais qui permet d’introduire une idée de mouvement grâce aux personnages debout, groupés en divers endroits de la pièce et non concentrés autour de l’espace circulaire imposant et imposé par les pourparlers. Isabey évite également l’opposition frontale entre les pôles politiques qu’il y représente, en ne laissant absolument aucun vide entre les personnages qui entourent à droite, Talleyrand ; au centre, Castlereagh ; à gauche, Metternich. Les protagonistes travaillent (ou ne travaillent pas) de concert tout en gardant leurs distances mais en toute politesse…

Isabey avait sans doute un autre impératif, personnel, pour déterminer sa composition : le mariage de Napoléon et de Marie-Louise lui avait fait caresser un temps le désir de devenir peintre de la cour autrichienne. Il s’était déjà rendu à Vienne en 1812 dans ce but.
Trois ans plus tard, il profitera de cette commande pour honorer spécifiquement le souverain autrichien, hôte du congrès, sans doute dans le même espoir de le servir. Son dessin montre un portrait en majesté de François Ier d’Autriche qui surplombe les négociateurs, comme au-dessus du détail de ces discussions. Isabey a même poussé l’hommage jusqu’à intégrer un portrait d’un autre personnage emblématique de la maison des Habsbourg : celui de Marie-Thérèse, que le peintre fait figurer en ouvrant une porte, dans le fond de son dessin.
En mettant en perspective la grande impératrice autrichienne des Lumières, héritière du Saint-Empire et d’une des plus vieilles dynasties européennes, son petit-fils et les négociateurs internationaux présents à Vienne, Isabey fait plus que figer le congrès de 1815 dans son labeur. Il le positionne clairement dans un héritage historique plus vaste et dans une vision européenne entre tradition et innovation, entre lignage et rupture.

L’artiste prendra plusieurs mois pour réaliser deux dessins de cette réunion mais n’aura jamais le temps d’en faire un tableau. Le premier dessin (cf. agrandissement), une esquisse, a appartenu à la dernière fille du portraitiste, Henriette Isabey Wey (1837-1881), puis à l’épouse du député du Second Empire Henri Armand Rolle, Marguerite Thérèse Manceaux, qui le lèguera à son décès en 1910 au musée du Louvre où il se trouve actuellement.
Cette esquisse sera présentée au Salon de Paris en 1817 tandis que le second dessin, le plus abouti, figuré dans cette fiche, sera présenté à Londres et acheté en 1820 par le roi de Grande-Bretagne, George IV. Il se trouve encore dans les collections royales du château de Windsor. Cette dernière version était accompagnée d’un autre dessin explicatif (cf. agrandissement) qui présentait la disposition exacte des personnalités représentées sur l’oeuvre principale.
La divergence la plus flagrante entre le dessin du Louvre et celui de Windsor tient à la présence sur le bord gauche de la scène du duc de Wellington, intervenu tardivement lors du congrès pour seconder Castlereagh. Ce dessin final inspirera à Jean Godefroy une toute aussi célèbre gravure de 1819 (cf. agrandissement), conservée au musée du château de la Malmaison, et qui a pour particularité d’avoir une frise supplémentaire rappelant les souverains, pays et armoiries des acteurs du congrès. Ce tableau inspirera 50 ans plus tard Édouard-Louis Dubufe (1819-1883) pour son congrès de Paris.

Marie de Bruchard, avril 2015

Date :
1815
Technique :
crayon, encre et lavis
Dimensions :
H = 61 cm, L = 83 cm
Lieux de conservation :
Drawings Gallery, Windsor Castle, Grande-Bretagne
Crédits :
Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2015
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