La Baigneuse dite Baigneuse Valpinçon

Artiste(s) : INGRES Jean Auguste Dominique
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La Baigneuse dite Baigneuse Valpinçon

Premier prix de Rome en 1801, Ingres dut attendre 1806 avant de réaliser son séjour de quatre années en Italie, formation sanctionnée par des envois obligatoires permettant de juger des progrès des artistes grâce à l’étude des chefs-d’œuvre de l’Antiquité et des maîtres de la Renaissance. En 1808, le jeune pensionnaire de l’Académie de France choisit donc de soumettre aux jugements de ses maîtres parisiens une scène d’une troublante intimité, celle d’une femme au bain. Avec son autre envoi, Œdipe et le Sphinx, il souscrit bien sûr à l’incontournable sujet héroïque aux vertus moralisatrices, mais le peintre use ici de la mythologie comme d’un prétexte pour traiter un nu masculin. La Femme assise, premier titre de La Baigneuse, ne s’embarrasse pas de cette sorte d’alibi. Elle est une femme nue, assise de dos, la tête couverte d’un turban, une femme vraisemblablement prête à sa toilette – les rideaux laissent entrevoir un bassin alimenté par un jet d’eau à tête de lion. Aucun élément narratif ne vient perturber sa pose immobile à la nonchalance rêveuse, aucun détail ne vient révéler son identité, son histoire, ses pensées.

Fil d’Ariane dans son œuvre immense, le nu féminin incarne l’aspiration de l’artiste à un idéal de perfection classique. Inspirée de la Baigneuse à mi-corps (1807, musée Bonnat, Bayonne), La Baigneuse doit beaucoup, par ses lignes harmonieuses et la transparence de la carnation, au maniérisme toscan et à la dévotion d’Ingres pour Raphaël. Ce portrait d’un dos nu fascinera le peintre jusqu’à la fin de sa vie. Repris à maintes reprises, il deviendra la figure clef du Bain turc, commande du prince Napoléon vers 1848, livrée en 1859 mais bien vite rendue à son auteur – la princesse Clotilde avait été choquée -, puis retouchée jusqu’en 1863. Perdant son caractère intemporel, La Baigneuse occupe le centre d’une scène de harem, musicienne dominant la volupté des corps nus s’étalant devant elle dans une vision d’un Orient fantasmé et érotisé.

Acheté par le général Rapp lors de sa présentation à Paris en 1808, La Baigneuse sera plus tard acquise par Valpinçon qui lui laissera son nom et s’illustrera par son refus de le prêter pour la grande rétrospective de l’œuvre d’Ingres à l’Exposition universelle de 1855. C’est l’intervention du jeune Degas, admirateur inconditionnel du maître, qui infléchira sa décision. Son propriétaire suivant, Isaac Pereire, vendra l’œuvre au Louvre en 1879.

Karine Huguenaud, mars 2008

Date :
1808
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,46 m, L = 0,97 m
Lieux de conservation :
Paris, musée du Louvre
Crédits :
© CGFA
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