L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur

Artiste(s) : WINTERHALTER Franz-Xaver
Partager
L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur
L'impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur
© Photo (C) RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Droits réservés

Portraitiste attitré des cours européennes, Franz-Xavier Winterhalter fut le peintre favori de l’impératrice Eugénie. Celle-ci paya très certainement sur sa cassette personnelle le célèbre portrait collectif qui la représente en 1855 entourée de ses dames d’honneur. Exposée au palais de Fontainebleau sous le Second Empire, l’œuvre fut en effet rendue à l’Impératrice en 1881, qui l’installa dans l’entrée de sa résidence à Farnborough Hill.

S’inspirant des scènes bucoliques du XVIIIe siècle, cette monumentale composition met en scène dans une clairière ombragée la souveraine et ses suivantes, non sans rappeler également la composition des tableaux du XVIIe s. représentant Diane avec ses suivantes, comme celle de Rubens ou de Van Loo. Mais ici, de façon très artificielle et protocolaire, l’Impératrice, légèrement décentrée à gauche, domine le groupe qui fait cercle autour d’elle. Elle est entourée à sa droite de la princesse d’Essling, grande-maîtresse, à qui elle tend une branche de chèvrefeuille et, à sa gauche, de la duchesse de Bassano, dame d’honneur. Devant elle, la baronne de Pierres et la vicomtesse de Lezay-Marnésia, dames du palais ; au premier plan, la comtesse de Montebello ; à droite, trois autres dames du palais, la baronne de Malaret, la marquise de Las Marismas et la marquise de la Tour-Maubourg. En contradiction avec le caractère champêtre de la scène, toutes rivalisent de luxe vestimentaire. Chacune est parée de sa plus belle toilette de bal, donnant ainsi prétexte à un traitement virtuose des étoffes au détriment des portraits. Soie, tulle, mousseline, taffetas, dentelles et rubans semblent les véritables sujets de cette peinture à la gloire des volumineuses crinolines. Seule la discrétion des parures de joaillerie semblent répondre à la simplicité voulue par cette vision pastorale. Eugénie fait exception en ne portant absolument aucun bijou visible sur la toile : Winterhalter a même revu sa composition initiale pour cacher tout éventuel bracelet que l’Impératrice porterait grâce à la tête d’une de ses dames du palais. Cet effet a plusieurs buts : non seulement faire ressortir le buste réputé d’une blancheur d’albâtre et d’une grande perfection de la jeune souveraine, mais également mettre en avant sa modestie illustrée peu de temps auparavant, en 1853, lors de son mariage d’Eugénie avec Napoléon III. Eugénie avait alors renoncé à un collier de diamant que la commission municipale de la capitale voulait lui offrir, et avait utilisé la valeur du bijou pour créer une maison d’éducation pour enfants. Winterhalter vient donc montrer à la fois les qualités physiques mais morale d’une Impératrice qui par le protocole mais également par l’élévation de son âme surplombe ses dames d’honneur. Cette figure tutélaire ne se veut pas écrasante, en témoigne le brin de chèvrefeuille que tend Eugénie à la princesse d’Essling : cette fleur est le symbole de l’amitié fidèle dans la tradition florale du XIXe s. Une autre fleur vient subtilement réhausser la coiffure et la robe de l’Impératrice : le lila. Plante appréciée d’Eugénie, comme le montre un précédent portrait par Winterhalter, le lila symbolise au XIXe s. le printemps naissant* et… les sentiments amoureux ou amicaux qui l’accompagnent. Eugénie est ainsi parée de la simplicité, de la vertu et de la fidélité en amitié, même débutante. Une corbeille de lilas vient rappeler cette plante sur la droite de la scène. Dans les années 1850, la production du lila forcé, sous serre est en pleine expansion : la ville de Vitry-sur-Seine en a fait sa spécialité et ses producteurs parviennent à programmer si finement le forçage de la plante qu’ils parviennent à en avoir quotidiennement d’octobre à mars à des dates précommandées. Eugénie, maîtresse de la mode parisienne, fut sans doute pour beaucoup dans l’engouement qu’inspira cette fleur à l’époque en l’affichant souvent sur ses tenues d’apparat.

L’œuvre est révélatrice en effet du faste affiché à la cour. C’est ce même faste qui présidait à l’organisation à Paris de l’Exposition universelle de 1855, première grande manifestation officielle du régime impérial et étape décisive vers sa reconnaissance internationale. Exposé dans le salon d’honneur à cette occasion, le tableau de Winterhalter y fut, censure oblige, discrètement vilipendé par la critique. Théophile Gautier parla d’une « manière coquette et brillante […] un peu trop préoccupé de l’élégance » et Gustave Planche dénonça plus sévèrement une « parodie de Watteau » où les « robes si coquettement étalées ne contiennent rien ». En dépit du mépris des critiques d’art, le tableau connut en revanche un énorme succès populaire, jamais démenti depuis lors.

* On songera au poème d’Ernest L’Épine, produit dans ces années-là : « Voici le Printemps qui avance/Le front couronné de lilas/devant lui sourit l’espérance/du bonheur il guide les pas. »

Karine Huguenaud, avril 2005 ; mise à jour Marie de Bruchard, avril 2017

La grande-maîtresse de la Maison de l’Impératrice, la princesse d’Essling, portait un chiffre orné de brillants particulier, symbole de sa fonction, à découvrir sur napoleon.org.

Date :
1855
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 3 m, L = 4,20 m
Lieux de conservation :
Compiègne, musée national du château
Partager