Le corps de Napoléon est bien aux Invalides !

Auteur(s) : MACÉ Jacques
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Après la démonstration que Napoléon a souffert pendant des années d’une lithiase biliaire accompagnée d’angiocholite et a succombé aux complications d’une tumeur gastrique vraisemblablement maligne – sans que Hudson Lowe ou Montholon ait eu à l’empoisonner –, l’Empereur bénéficie encore de l’intérêt de certains médias grâce à la thèse de la disparition de son cadavre qui resurgit chaque fois qu’une occasion favorable se présente. L’imagination des partisans de la substitution d’un cadavre à l’identité incertaine – pourquoi pas celui de son maître d’hôtel Cipriani, décédé à Longwood ? – à celui de l’Empereur est si féconde en découverte de nouveaux « arguments » qu’il devient encore une fois nécessaire de faire le point de cette affaire selon la méthode historique et une logique débarrassée de tout fantasme.

Le corps de Napoléon est bien aux Invalides !
Le tombeau de Napoléon dans l'église des Invalides

Les faits avérés

Napoléon Bonaparte, ci-devant Empereur des Français, décède à Longwood, île de Sainte-Hélène, le samedi 5 mai 1821, à 17 h 49.
Son corps est autopsié le 6 mai à 14 heures, dans le salon d’attente (ou salle de billard) de Longwood, par le docteur Antommarchi, assisté de sept médecins britanniques, en présence de témoins français et anglais. Sa dépouille est ensuite revêtue de l’uniforme de colonel des chasseurs de la garde et exposée dans la chapelle ardente dressée dans son cabinet de travail. Le coeur et l’estomac sont déposés dans une soupière, puis placés dans deux vases en argent.
Le 7 mai en fin d’après-midi, le corps est manipulé et retourné pour permettre au docteur Burton, assisté du docteur Antommarchi, de prendre un moulage en trois parties de la tête (face, crâne et occiput). Cette opération est immédiatement suivie de la mise en bière dans trois cercueils : un en fer blanc, soudé, un en bois, vissé, et un en plomb, soudé. Les vases d’argent sont placés dans la bière.
Le 9 mai à l’aube, le cercueil en plomb est placé dans un cercueil en bois d’acajou. L’inhumation a lieu, au val du Géranium, dans un caveau en dalles de pierre, situé à trois mètres de profondeur dans une fosse maçonnée et fermé par une dalle monolithe, elle-même scellée par une première couche de ciment.
Le lendemain, une seconde couche de ciment est mise en place et la fosse est comblée par deux mètres de cailloux et d’argile, puis couverte par trois dalles de pierre. Une grille d’entourage sera posée un peu plus tard.

Dix-neuf ans plus tard, le 15 octobre 1840, en présence de personnes – anglaises et françaises – ayant pour certaines assisté à l’inhumation, la fosse est ouverte et les deux couches de ciment brisées avec beaucoup de difficulté. La dalle monolithe est levée et le cercueil d’acajou apparaît intact, à peine marqué par de légères traces d’humidité. Deux trous sont percés pour permettre l’évacuation éventuelle de gaz. La bière est sortie du caveau, le cercueil d’acajou est découpé pour faciliter l’extraction du cercueil en plomb. Ce dernier est ouvert, le cercueil en bois dévissé et le cercueil de fer blanc ouvert. Le corps apparaît, sinon intact, du moins dans un excellent état de conservation et parfaitement identifiable. Après deux à trois minutes de rapides observations, les cercueils en fer blanc et en bois sont refermés, le cercueil en plomb est ressoudé et l’ensemble placé dans un second cercueil en plomb, soudé (1). Puis l’ensemble est introduit dans un sarcophage d’ébène, dont le couvercle comporte un complexe système de fermeture, verrouillé par une serrure fermant à clé.

Ramené aux Invalides, le sarcophage d’ébène y est exposé vingt ans avant d’être placé dans celui de porphyre où il se trouve depuis. Aucun document, aucun témoignage digne de foi n’indique qu’il ait été ouvert depuis le 15 octobre 1840.
Néanmoins, tout au long du XIXe siècle, des récits, des pièces de théâtre mettront en scène, avec plus ou mois de talent, l’évasion, la survie de Napoléon aux États-Unis,… en Australie, ou encore sa mort à Schönbrunn en escaladant le mur d’enceinte pour retrouver son fils, tant le mythe de l’immortel héros a marqué la littérature.

La substitution

L’affaire qui éclate en 1969 est toutefois d’une tout autre ampleur. En pleine célébration du bicentenaire de la naissance de Napoléon, paraît l’ouvrage d’un certain Georges Rétif de la Bretonne (2) intitulé Anglais, rendez-nous Napoléon…, doté d’une louangeuse postface du comte Léon, arrière-petit-fils d’Éléonore Denuelle de La Plaigne et de Napoléon. L’auteur part d’une banale constatation : le 15 octobre 1840, lors de l’identification du corps à Sainte-Hélène avant rapatriement, on dut ouvrir successivement – sans que les témoins ayant assisté dix-neuf ans plus tôt à la mise en bière s’en étonnent – quatre cercueils : en acajou, en plomb, en bois exotique et en fer blanc, de l’extérieur vers l’intérieur, jusqu’à la découverte d’un corps dans un bien meilleur état de conservation qu’espéré. Or, le procès-verbal de mise en bière daté du 7 mai 1821 mentionne : « Ce premier cercueil [en fer blanc] ayant été soudé en notre présence, a été placé dans un autre en plomb lequel après avoir été également soudé a été enfermé dans un troisième cercueil de bois d’acajou ». Il en manque un, en bois !
Toutefois, le mystère n’en est pas un puisque le docteur Antommarchi avait publié dès 1825 le récit suivant : « On le plaça dans la caisse en fer blanc… On la souda avec soin, et on la passa dans une autre en acajou qu’on mit dans une troisième faite en plomb, qui fut elle-même déposée dans une quatrième d’acajou ». Le cahier de Bertrand, écrit au jour le jour, est également très précis : « Le 9 mai, on a placé le cercueil de plomb dans un cercueil d’acajou ». Cette opération décalée est d’ailleurs confirmée par le récit, plus tardif, d’Ali qui situe au lendemain de la mise en bière le dépôt des trois premiers cercueils dans le quatrième. En fait, comme le raconte le tapissier-agent de pompes funèbres Andrew Darling (3), le bois d’acajou était rare à Sainte-Hélène ; il fallut se procurer et découper une table de salle à manger pour fabriquer le quatrième cercueil. Comment expliquer l’inversion apparente du plomb et de l’acajou dans le procès-verbal officiel ? Ou bien, le fer blanc n’étant pas très rigide, un cercueil en fer blanc était toujours doublé d’un cercueil en bois et les deux ont été considérés comme un seul. Ou bien il y a eu une erreur de plume : inversion entre le deuxième et le troisième cercueils. Mais l’imbroglio pouvait commencer.

Georges Rétif ne veut pas voir les choses dans leur logique et relie cette affaire à une autre, assez ténébreuse il est vrai, celle du masque mortuaire de l’Empereur. Il monte un scénario assez plaisant si on veut bien n’y voir qu’un roman policier se situant dans un contexte historique. Mais l’auteur affiche en première page la prétention de faire « un livre d’histoire ». La thèse de Georges Rétif perd beaucoup de son sel lorsqu’on la résume, mais je vais tenter de le faire sans le trahir.
Les Anglais à Sainte-Hélène ont exhumé secrètement le corps de Napoléon, vers 1824 ou 1825, et lui ont substitué le corps de Cipriani, habillé d’un uniforme des chasseurs de la garde, de bottes, de décorations, etc., récupérés dans les voitures de Napoléon saisies à Waterloo. Hudson Lowe qui, en 1828, passe de nouveau par Sainte-Hélène rapatrie en Angleterre le corbillard de 1821 dont il s’était réservé la propriété, mais aussi le corps de Napoléon dans son cercueil ; il reposerait depuis sous une dalle de Westminster Abbey. En 1858, la reine Victoria offrira à Napoléon III le fameux corbillard qui, après avoir séjourné de longues années sous la galerie des Invalides, se trouve aujourd’hui au Musée des Voitures de Malmaison.

En 1840, Bertrand, Marchand, Gourgaud, etc., ont bien vu que l’exhumé n’était pas Napoléon, mais Cipriani. Ils se sont alors trouvés piégés car ils avaient eux-mêmes monté une supercherie en substituant au masque mortuaire de Napoléon, pris par le docteur Burton le 7 mai et trop laid pour être présenté à la famille, celui de Cipriani. Ce masque, un peu remodelé, avait été vendu par souscription à des dizaines d’exemplaires depuis 1833. Tous solidaires, Anglais et Français ont avalisé la supercherie et aucune fuite ne s’est produite avant que, cent trente ans plus tard, le perspicace Georges Rétif ne découvre le pot aux roses. L’auteur recense toutes les différences entre les récits de 1821 et les rapides observations faites pendant les trois minutes où le cercueil est resté ouvert en 1840. Si, en revanche, il y a concordance entre le récit tardif de Marchand et l’exhumation c’est que le valet de chambre a rédigé son texte en fonction de ce qu’il a vu en 1840 et non selon ses souvenirs. Le raisonnement est imparable ! Rétif ne se prononce pas clairement sur le motif d’une telle opération, alternant entre le désir de l’Angleterre de posséder les restes de son plus prestigieux ennemi, et la volonté anglaise de supprimer toute possibilité d’investigation sur un éventuel empoisonnement de Napoléon à l’arsenic car, entre-temps, le stomatologiste suédois Sten Forshuvud avait publié son non moins célèbre Napoléon a-t-il été empoisonné ? Les trois mystères de l’empoisonnement, du masque mortuaire et de la substitution de cadavre s’épaulaient mutuellement pour devenir l’une des plus grandes énigmes de l’histoire, enfin résolue.

De grandes consciences de l’époque, Paris-Match et France-Dimanche, s’emparèrent de l’affaire. Tandis que le monde napoléonien tremblait d’indignation à la pensée que l’on puisse supposer que le tombeau des Invalides contienne les restes d’un inconnu, l’affaire atteignait le ministère des Armées gestionnaire de l’Hôtel des Invalides, au point que le ministre Pierre Messmer dut, en présence de Georges Rétif, lire devant la presse un ferme démenti. Le colonel Dugué Mac Carthy, conservateur au Musée de l’Armée, prit soin d’analyser chacun des arguments avancés par Rétif dans un long article publié dans la Revue des amis du Musée de l’Armée (4) – Les cendres de l’Empereur sont-elles aux Invalides ? –, expliquant les contradictions apparentes relevées et démontrant l’irréalité de la substitution. En 1973, l’historien Jean Boisson publiait Le Retour des Cendres, ouvrage dans lequel il réglait, définitivement croyait-on, le sort de la farce macabre de Georges Rétif de la Bretonne.

Vingt ans après

Au début des années 1990, Bruno Roy-Henry, auteur de quelques ouvrages, découvrait l’affaire et, convaincu par le raisonnement de Georges Rétif, décidait de relever l’étendard oublié depuis le décès de ce dernier. Il trouvait d’ailleurs, dans les archives possédées par sa veuve, de nouveaux indices non exploités. La relance par Ben Weider, puis par René Maury des thèses empoisonnistes développa son ardeur. En février 2000 il publia un article à sensation dans la revue Historia (5), suivi en août 2000 par l’édition de son ouvrage L’énigme de l’exhumé de 1840 (6). Ben Weider et René Maury, aux prises avec les historiens et les médecins, ne furent que médiocrement satisfaits (c’est un euphémisme) de voir cette thèse extravagante venir s’intercaler dans la promotion de leurs propres oeuvres. Avec un sens certain de la communication, Bruno Roy-Henry utilise depuis lors toutes les occasions où « l’empoisonnement » est évoqué pour faire parler de sa thèse, amenant récemment le Musée de l’Armée et même le ministère de la Culture à publier des mises au point. Tout en soutenant globalement la théorie de Rétif de la Bretonne, Roy-Henry y apporte cependant des modulations et des variantes. Le sujet est devenu si complexe et embrouillé qu’il convient de l’analyser en isolant bien ses divers éléments.

Les cercueils

Bien que quiconque se penchant sur les textes ne puisse contester de bonne foi la présence de quatre cercueils en 1821, l’argument très journalistique du nombre de cercueils, présenté avec une certaine complaisance, est impossible à faire oublier du grand public. Pour en finir avec lui, nous opposerons à ceux qui mettent en doute les témoignages des Français celui du tapissier Darling qui explicite dans son journal les instructions qu’il reçut pour la fabrication des cercueils : « Les cercueils devaient être, le premier en fer blanc… le second en bois, le troisième en plomb, et enfin un cercueil d’acajou recouvert de velours pourpre, si on pouvait s’en procurer. Je leur dis que j’en avais cherché quelques jours plus tôt et qu’il n’y en avait pas sur l’île (7). Il fut alors décidé que le cercueil extérieur serait du plus bel acajou qu’on trouverait dans l’île, ce qui fut fait ». La différence du nombre de cercueils constituant le fondement du raisonnement de Rétif de la Bretonne et cet argument s’écroulant, tout l’édifice devrait disparaître, mais ce serait trop faire confiance à la nature humaine. Il nous faut donc examiner les autres arguments.

Les vases d’argent

Le gouverneur exigea que les vases contenant le coeur et l’estomac de l’Empereur soient enfermés dans le cercueil. Antommarchi écrit en 1825 : « Je remplis l’un, celui qui contenait le cœur, d’alcool ; je le fermai hermétiquement, je le soudai, et les déposai l’un et l’autre aux angles du cercueil (8). On y descendit Napoléon ; on le plaça dans la caisse en fer blanc ». En 1840, tous les témoignages concordent pour dire que les vases sont placés entre les jambes du cadavre. On notera le passage du je au on dans le texte d’Antommarchi. Le cercueil mesurant seulement quelque vingt centimètres intérieurs à la base, il est évident que les pieds bottés avaient du mal à se glisser entre les deux vases. On, c’est-à-dire les valets effectuant la mise en bière, ont alors cherché un autre emplacement où ils pouvaient coincer les vases. Quoi de plus naturel que d’écarter légèrement les jambes et de placer les vases dans l’espace ainsi dégagé ?

Les bas et les bottes

Marchand habilla les jambes de l’Empereur de bas de soie et d’une paire de bottes à l’écuyère. En 1840, les deux bottes furent trouvées bâillant à la pointe des pieds et les orteils apparents. Peut-on en déduire que le corps soi-disant substitué ne portait pas de bas ? Il est tout à fait normal que les coutures de ces bottes, qui avaient supporté pendant six ans le climat de Sainte-Hélène où tout moisissait, cèdent, de même que les fils des bas de soie, surtout si Marchand n’avait pas choisi la meilleure paire.

Le cordon de la Légion d’honneur

Il est patent que Napoléon, sauf en quelques rares cérémonies, portait le cordon de la Légion d’honneur sur le gilet et donc sous l’uniforme. C’est ainsi que le corps fut observé en 1840 (9), la croix terminale se trouvant masquée par la basque gauche de l’habit. Le 6 mai 1821, Bertrand écrit : « À quatre heures, on a habillé l’Empereur en uniforme des chasseurs de la Garde, avec bottes, éperons, cordons, plaques, croix, chapeau ». Peut-on en conclure qu’il y a au moins deux cordons et qu’ils sont sur l’uniforme puisque cités après ? À la description de Bertrand, on peut opposer celle d’Antommarchi qui écrit en 1825 : « Grand cordon de la Légion d’honneur, uniforme de colonel de chasseurs de la garde ». Maintenant, le cordon est unique et cité avant l’uniforme. Quand on connaît l’écriture sténographique de Bertrand, il est difficile de baser toute une argumentation sur un s terminal supposé. Et aussi, pourquoi un s à plaques ?

Les décorations

Bertrand parle de plaques et de croix sans autre précision. Marchand dit : « uniforme décoré des ordres de la Légion d’honneur, de la Couronne de fer, de la Réunion, de la Plaque et du Cordon de la Légion d’honneur ». Quant à Antommarchi, il a vu un « uniforme décoré des ordres de la Légion d’honneur et de la Couronne de fer ». L’enseigne anglais Darroch, de garde à Longwood les 6 et 7 mai, écrit à sa mère : « Sur le côté gauche de la poitrine se voyaient une étoile et deux décorations de je ne sais quels ordres ». Quant à Ali, il ne parle pas des décorations. En 1840, les témoins observèrent la présence sur l’uniforme de la Plaque de la Légion d’honneur (« l’étoile » selon Darroch) et de deux médailles, Légion d’honneur et Couronne de fer. Marchand est donc le seul à citer l’ordre de la Réunion et à se souvenir de trois médailles en plus de la Plaque, en 1821. Tantôt c’est Bertrand qui voit, semble-t-il, un cordon de trop, tantôt c’est Marchand qui voit une médaille en plus. Fragilité des témoignages…

Les éperons

Bertrand et Antommarchi signalent, lors de la présentation du corps habillé sur le lit de parade, la présence d’éperons fixés aux bottes (petits éperons, précise même Antommarchi). Marchand et Ali, qui effectueront le lendemain la mise en bière, n’en parlent pas. En 1840, le cuir des bottes au niveau du coup de pied fut trouvé très détérioré et la présence d’éperons ne fut pas observée. Mais Darling nous apprend que la profondeur du cercueil en fer blanc était seulement de 30,5 centimètres (12 pouces). Napoléon chaussant l’équivalent d’un 37-38 actuel, la longueur de la semelle de ses bottes mesurait environ 26 centimètres. Dans la chambre mortuaire, les éperons pouvaient s’enfoncer dans les trois matelas superposés (cf. Darling) mais, dans le cercueil, avec un matelas mince, les éperons devaient occasionner une gêne à la stabilité des pieds et la pointe des bottes ainsi équipées arrivait non loin du niveau du couvercle : il est donc tout à fait probable que les éperons aient été retirés lors de la mise en bière.

L’état du corps

Dès le 7 mai dans l’après-midi, les chairs du visage s’affaissaient, si bien que la prise du masque en plâtre par le docteur Burton, assisté du docteur Antommarchi, s’avéra délicate. Le corps commençait à dégager une odeur incommodant l’enseigne Darroch et d’autres témoins ; l’on procéda donc sans plus attendre à l’ensevelissement dans les trois premiers cercueils (10). En 1840, on s’attendait à trouver le corps fortement décomposé et l’une des raisons de l’ouverture des cercueils fut la nécessité de mesures sanitaires pour éviter de transporter sur la Belle Poule une source d’infection. La surprise fut donc grande de trouver le corps, non pas intact comme on l’entend dire parfois, mais assez bien conservé et fort reconnaissable, ainsi que l’uniforme dont les parements rouges étaient encore éclatants. Le général Bertrand qui, au dernier moment, avait saisi la main gauche de l’Empereur pour la porter à ses lèvres puis l’avait posée sur la cuisse au lieu de la remettre le long du corps, la trouva exactement dans la même position. Les jambes étaient en position légèrement fléchies, du fait vraisemblablement d’un glissement du corps après qu’il eut perdu sa rigidité cadavérique. Il restait quelques cheveux en couronne, alors qu’en principe on les avait tous rasés pour faciliter la prise du masque. La lèvre inférieure s’était affaissée, laissant apparaître trois canines. Une légère barbe était apparente, pouvant aussi bien résulter d’un affaissement des chairs que d’une pousse post mortem sur laquelle les avis des spécialistes sont partagés. L’explication la plus probable de la conservation est un phénomène de saponification en l’absence d’air, les cercueils étant hermétiques (transformation des chairs en adipocire). Des cas de ce genre, sans embaumement, sont assez fréquemment observés. Il n’y a donc aucune raison particulière, au vu des observations faites en 1840, de supposer qu’il ne s’agit pas du corps inhumé en 1821, exhumé d’ailleurs en présence de Darling et de plusieurs des ouvriers qui avaient fermé la tombe dix-neuf ans plus tôt, lesquels ne signalèrent aucune anomalie.
Ajoutons que certains ont vu dans la conservation du corps une preuve de « l’empoisonnement », l’arsenic étant utilisé en taxidermie. Cette explication est stupide car, pour conserver un corps, l’arsenic doit être appliqué à des concentrations très fortes, qui n’ont rien de commun avec celles rencontrées dans l’intoxication arsenicale chronique.

Le tombeau

Du 7 mai au matin au petit jour du 9 mai, les travaux de construction du caveau dans le val du Géranium furent menés à cadence soutenue. La fosse était profonde de près de quatre mètres (dix à douze pieds), longue de deux mètres cinquante et large d’un mètre cinquante, entièrement maçonnée. Au fond, furent posés huit piliers de pierre hauts d’une trentaine de centimètres sur lesquels on construisit, en assemblant et cimentant des dalles de pierre, une cuve – une auge écrira Ali, un sarcophage rapportera plus dignement Hudson Lowe –, de deux mètres quinze de long sur un mètre de large, destinée à recevoir la bière et devant être fermée par une lourde dalle monolithe. Une chèvre fut montée au-dessus de la fosse et deux poutres furent placées en travers de l’ouverture. Descendu depuis la route sur les épaules de huit grenadiers anglais, le cercueil fut posé sur les deux poutres, selon les récits de Marchand et d’Ali, pour recevoir les dernières bénédictions de l’abbé Vignali. Puis le cercueil fut soulevé par des cordages reliés à la chèvre, les poutres furent retirées et la descente commença. Bertrand écrit : « Le corps a été descendu dans la tombe avec des poulies, le caveau a été refermé avec une grosse pierre… On a maçonné la pierre qui recouvrait le corps et ensuite on a recouvert le tout d’une couche de ciment. On a refermé l’ouverture supérieure qui avait sept pieds sur quatre de largeur, la protégeant d’un plancher en bois sur lequel on a assujetti la draperie noire ».

Les deux poutres

Commence alors un flottement dans les témoignages, largement exploité par les substitutionnistes. En effet, décrivant la construction de la tombe, plusieurs pages avant le récit des funérailles, Marchand écrit : « Les mesures étaient prises pour que l’humidité n’arrivât pas même avec les siècles jusqu’au cercueil d’acajou qui devait lui-même reposer sur deux morceaux de bois ». Il ne peut s’agir des poutres placées en surface puisque celles-ci étaient plus longues que la largeur de la fosse. Après avoir conté la descente du cercueil, Antommarchi revient à la page suivante sur la construction du caveau et écrit : « Le cercueil est placé sur deux fortes pièces de bois, et isolé sur tout son pourtour ». Mais Ali écrit pour sa part : « On descendit le cercueil à l’aide de la chèvre ; le bruit qu’il fait entendre en touchant le fond de la tombe retentit dans le cœur de chacun ». Voilà maintenant le cercueil posé directement sur le fond du caveau ! Ensuite, tous les récits confirment que la lourde dalle est descendue et cimentée. L’anneau permettant de la manipuler est retiré (témoignages concordants de Marchand, d’Ali et d’Antommarchi).
En 1840, les travaux d’accès jusqu’à cette dalle furent difficiles et durèrent plus longtemps que prévu. Après que la dalle eut été soulevée, le cercueil fut découvert à peine abîmé par un peu d’humidité, posé directement sur le fond du caveau, les cordages ayant servi à le descendre encore dans le caveau, coincés sous le cercueil.
Marchand parle de la mise en place de poutres au fond comme d’une intention (devait). D’autre part, il serait nécessaire de faire subir à Antommarchi un contre-interrogatoire car ne fait-il pas une confusion avec les deux poutres de surface dont il n’a pas parlé précédemment ? Mais les substitutionnistes en concluent immédiatement que le cercueil a été remonté après le 9 mai et a pu donc être remplacé par un autre, sans remise en place des poutres. Voulant prendre en compte le texte d’Antommarchi, le colonel Mac Carthy admit que le cercueil avait pu être remonté pour terminer les travaux dans la partie inférieure de la tombe. À mon avis, ce raisonnement n’est pas valable car, si ces travaux n’avaient pas été terminés, on n’aurait pas scellé la dalle et surtout on n’aurait pas retiré l’anneau ! Les travaux se poursuivirent effectivement le lendemain mais dans la partie supérieure de la tombe au-dessus de la dalle monobloc, pour combler la fosse avec une épaisse couche d’un très solide ciment qu’on eut beaucoup de mal à détruire en 1840, puis avec une couche de terre argileuse épaisse de deux mètres et en fermant le tout par trois dalles en provenance de New Longwood House (11). Marchand écrit : « Lorsque j’y retournai, le lendemain, trois dalles appuyées sur des parpaings en couvraient l’entrée ». Le 12 mai, le général Bertrand déclare que son épouse et Antommarchi ont rendu visite à la tombe et ont constaté que l’ouverture était remplie « de maçonneries, de pierres et d’une coulée de chaux ». Hudson Lowe fit par la suite entourer la tombe d’une grille, empruntée à la clôture de la nouvelle maison.
Reste l’argument des cordages. Mais comment imaginer que des personnes qui auraient fait preuve d’une si parfaite maîtrise de la situation en remplaçant le corps et les cercueils de Napoléon par un ensemble presque identique auraient pu avoir la stupidité de laisser des preuves aussi éclatantes de leur opération que d’oublier de remettre les poutres au fond et surtout de laisser traîner leurs cordages alors qu’il suffisait de les couper pour les dégager du caveau ! Marchand n’est pas catégorique sur la présence des poutres, Antommarchi, dont la rigueur des témoignages ne constitue pas la qualité première, fait vraisemblablement une confusion, et rien ne permet d’affirmer que, le 9 mai, le cercueil n’ait pas été déposé directement sur le fond du caveau, sans qu’on prenne soin de remonter les cordages.

Les masques mortuaires

Pour dramatiser leur sujet, les substitutionnistes ont établi un lien entre leur thèse et le problème des masques mortuaires. Bien que cette histoire ne tienne guère debout, il convient de la traiter pour être exhaustif. Le 6 mai, alors que le visage de Napoléon présentait encore l’aspect serein qu’il avait retrouvé après les souffrances de l’agonie, il ne fut pas possible de prendre un moulage, faute de plâtre. Le lendemain, le docteur Burton s’en procura – en se rendant sur un îlot où se trouvait un gisement, raconte-t-on – et procéda à un moulage, avec l’assistance d’Antommarchi. Mais, à ce moment, le visage avait déjà beaucoup changé. Le moulage était en trois parties et la comtesse Bertrand s’empara de la partie la plus importante – la face – qui séchait sur la cheminée, au grand dam de Burton qui, pendant des années, réclamera en vain son œuvre. Avec cette face et l’aide d’un jeune artiste anglais de passage, nommé Rubidge, Antommarchi modela à Sainte-Hélène, une demi-douzaine de masques mortuaires dont deux exemplaires furent ramenés en Europe, l’un destiné au sculpteur Canova, l’autre à Madame Mère. Ils se trouvent aujourd’hui, semble-t-il, aux musées de l’Armée et de Malmaison. Les autres exemplaires revinrent plus tard en Europe, dont un ramené de Sainte-Hélène par Hudson Lowe en 1828. Ce modèle de masque – plus une œuvre d’art retravaillée qu’une représentation exacte, d’autant qu’à chaque contre-moulage le plâtre subit une rétractation – fut reproduit en grand nombre et vendu par souscription en 1833, à l’initiative d’Antommarchi.
Mais il existe au moins deux autres masques. L’un, en cire, déposé à Londres, n’a pas la noblesse de celui dit Antommarchi ; il présente un vieillard bouffi ressemblant quelque peu aux photographies de Jérôme Bonaparte ou de son fils Plon-Plon âgés. Certains ont crû y voir le véritable masque Burton, d’autres imaginent que ce masque a été pris par le docteur Arnott dans la nuit du 5 au 6 mai, après la toilette mortuaire. Cette hypothèse est gratuite puisque Arnott n’a jamais revendiqué un tel geste et que les compagnons n’auraient pas laissé un Anglais veiller seul le corps. On sait que l’abbé Vignali (c’est bien le moins) et le chef d’office Pierron ont également assuré la veille. On ne connaît donc pas la provenance de ce masque. Enfin, il existe à Lausanne un masque légèrement différent du masque Antommarchi, provenant de l’héritage du valet Noverraz. Réalisé en cire, il inclut des poils de barbe et de sourcils dont l’attribution à Napoléon est contestable (12). C’est à partir de cette pièce que l’imagination de Georges Rétif de la Bretonne se déchaîna. Alors que rien n’indique qu’un masque du maître d’hôtel Cipriani ait été pris lors de sa mort brutale en février 1818, alors qu’aucune relation particulière n’est signalée entre Noverraz et Cipriani (13), Georges Rétif raconte que Noverraz était en possession d’un masque de son ami Cipriani et que, le masque Burton étant trop laid pour être présenté à la famille, le masque de Cipriani avait servi à fabriquer le masque dit Antommarchi. D’où – les Anglais ayant pour leur part substitué le cadavre de Cipriani à celui de Napoléon – la stupeur des compagnons en découvrant en 1840 le visage ayant servi de support à leur propre supercherie, et leur précipitation à refermer les cercueils (14). Le grand maréchal Bertrand survécut quatre ans au retour des cendres, Noverraz neuf ans, Gourgaud douze ans, Las Cases fils quatorze ans, Saint-Denis seize ans, Arthur Bertrand trente et un ans, Marchand et Pierron trente-six ans. Aucun d’entre eux ne laissa jamais échapper la moindre confidence, ne manifesta le moindre remords de l’ignoble machination dont ils s’étaient faits les complices ! Sans être le moins du monde sensibles à cet argument, les substitutionnistes ne manquent pas de réclamer à la moindre occasion l’ouverture du sarcophage des Invalides et des cercueils pour examen du corps et des objets qui s’y trouvent, ainsi que pour réaliser des prélèvements anatomiques en vue de l’analyse de l’ADN mito-condrial de la dépouille et comparaison avec celui de descendantes Bonaparte en ligne féminine (descendance de Caroline Murat) (15).
Pour donner plus de retentissement à cette requête aux plus hautes autorités de l’État, Bruno Roy-Henry a publié en janvier 2003 une version enrichie de son ouvrage – l’exhumé de 1840 devenant l’exhumé de Sainte-Hélène –, dans laquelle il développe deux nouveaux arguments que notre souci d’exhaustivité nous conduit à examiner.

Un tour de corbillard

Ce nouvel épisode de l’affaire met en scène le corbillard (16) de Sainte-Hélène. Il s’agit en fait de la plate-forme de la calèche utilisée un temps par l’Empereur, dont les ouvriers de Darling avaient retiré la cabine. Il se présente comme un plateau long de 198 centimètres et large de 98, complété d’un petit rebord du côté de l’attelage. Sur le plateau sont fixés quatre tasseaux délimitant un emplacement hexagonal en forme de cercueil. La base, côté rebord, mesure 34,9 centimètres.
Or, le quatrième cercueil, en acajou, ne fut pas conservé en 1840. Il fut découpé et les morceaux distribués aux membres de la mission (17). Le général Gourgaud reçut le morceau constituant le petit coté transversal du cercueil et cette relique se trouve aujourd’hui au Musée Napoléonien de l’île d’Aix (l’inventaire indique qu’il s’agit du côté pied). Le panneau, épais de 2 centimètres, haut de 39,6 centimètres, mesure 35,7 centimètres de large. Peut-on en déduire, comme le fait Roy-Henry, que le panneau ne passe pas entre les tasseaux (à 8 mm près) et provient d’un autre cercueil que celui de 1821, celui de la substitution bien sûr ? Non, car un calcul simple, trop simple vraisemblablement, montre qu’il suffit de déplacer longitudinalement le cercueil de 3,5 centimètres pour que le panneau passe entre les tasseaux. Darling nous communique les dimensions intérieures du cercueil mais nous ignorons le degré d’ajustement (le jeu) qu’il pouvait y avoir entre les quatre éléments et donc les dimensions extérieures du cercueil d’acajou. En estimant raisonnablement la longueur de celui-ci à 194 cm et le plateau du corbillard mesurant 198 cm, la tête du cercueil n’est pas dans le vide et le convoyage peut se faire sans difficulté. Ce raisonnement suppose d’ailleurs que les tasseaux ont bien été posés en 1821 et non pas ultérieurement, en 1857 par exemple, quand le corbillard a été préparé et conditionné pour être remis à la France. L’examen du corbillard n’introduit donc pas « d’élément nouveau » dans le dossier.
À noter que les tasseaux délimitent un emplacement de forme hexagonale, alors que la plupart des gravures illustrant les événements de 1821 et 1840 représentent des cercueils de forme quadrangulaire, un peu plus larges à la tête qu’au pied. Or la description faite par Darling indique clairement qu’il a fabriqué un cercueil de forme hexagonale, plus large au niveau des épaules qu’à la tête et au pied, comme d’ailleurs la disposition des tasseaux sur le corbillard le laisse croire. Si vous voyez une gravure d’époque illustrant l’exhumation de 1840 et représentant un cercueil de forme quadrangulaire, seulement un peu plus large à la tête qu’au pied, n’allez pas imaginer que, en opérant la substitution, les Anglais aient été assez stupides pour faire une telle erreur ! Cette différence illustre seulement la fragilité des témoignages, des souvenirs et des dessins réalisés a posteriori ou par ouï-dire (18).

Un fragment d’épiderme

Chercheur infatigable, Bruno Roy-Henry a découvert la présence au Musée de l’Armée d’un minuscule morceau d’épiderme à la curieuse histoire. En effet, le voile de satin qui garnissait le couvercle du cercueil en fer blanc s’était détaché et, le 15 octobre 1840, il recouvrait le corps. Il fut roulé par le docteur Guillard, médecin de la Belle Poule, qui observa une légère adhérence de la peau du visage à ce voile. Guillard aurait alors recueilli un morceau d’épiderme arraché mais aucun compte-rendu ne signale ce fait. Les descendants du docteur Guillard remirent la relique à Napoléon III, lequel l’aurait donnée à l’un de ses aides de camp, Firmin Rainbeaux, dont les héritiers l’offrirent en 1936 au Musée de l’Armée. Ce dernier l’accepta et l’exposa, officialisant ainsi son origine.
L’analyse ADN de ce morceau d’épiderme présenterait moins d’inconvénient et soulèverait moins de problèmes moraux que l’ouverture des cercueils. Techniquement, il est cependant à craindre que la pollution de l’échantillon due aux manipulations qu’il a subies, ses médiocres conditions de conservation, sa masse restreinte ne permettant pas d’effectuer ultérieurement un test de contrôle, ôtent tout intérêt à une telle opération dont le résultat, vraisemblablement aléatoire, ne ferait que relancer la polémique (19).

Conclusion

Tous les officiers de police judiciaire et juges d’instruction connaissent la fragilité des témoignages humains. C’est bien la raison pour laquelle les juges, face à des témoignages contradictoires, organisent des reconstitutions pour tenter de faire éclater la vérité. Malheureusement, il ne nous est guère possible de confronter les témoins de la fin de l’Empereur à Sainte-Hélène aux divergences de leurs récits respectifs. De plus, la brièveté de l’ouverture des cercueils en 1840 – afin d’éviter que le contact avec l’atmosphère ne détruise ce qui subsistait et non pour dissimuler une machiavélique complicité anglo-française – laisse la place à quelques incertitudes. En l’absence de contre-interrogatoires, l’historien doit rechercher la synthèse des informations qu’il possède et non exploiter ce qui semble être des erreurs matérielles pour imaginer des hypothèses de plus en plus abracadabrantes (20). En revanche, le romancier ou le scénariste a tous les droits et il peut utiliser soit l’absence d’informations précises, soit les contradictions des témoignages dont il dispose, pour construire d’habiles intrigues, surtout s’il le fait avec talent comme on a pu le voir, autour du sujet qui nous préoccupe, dans une œuvre cinématographique récente (21). Mais il convient de ne pas mélanger les genres.
C’est cependant la démarche, volontaire ou non, consciente ou non, des tenants de la thèse de la substitution de cadavre. Pourtant, au vu des faits et des documents, en toute logique et sans fantasme, rien ne permet de penser que le corps présent dans le tombeau des Invalides n’est pas celui de Napoléon, rien n’autorise à troubler son repos éternel. Par un phénomène psychique troublant, Georges Rétif de la Bretonne s’est persuadé de la véracité du canular qu’il avait monté. Son disciple Bruno Roy-Henry a aujourd’hui un raisonnement plus subtil. Il reconnaît quand il le faut les erreurs les plus flagrantes de Rétif, puis reprend ensuite les mêmes affirmations par un autre biais, afin de distiller néanmoins le soupçon et de maintenir le doute. Car son objectif final est d’obtenir l’ouverture du tombeau des Invalides et l’identification, par les plus modernes méthodes scientifiques, des restes qu’il contient. Or, si l’ouverture du cercueil en 1840 était justifiée en application du principe de précaution – comme nous disons aujourd’hui – et à titre sanitaire, nous pensons avoir démontré ci-dessus que rien ne justifie la demande d’une nouvelle identification, qui ne serait qu’une profanation inspirée par des sentiments malsains.

Remerciements

L’auteur adresse ses vifs remerciements à :
• Bernard Chevallier, conservateur des Musées de Malmaison et Bois-Préau, qui lui a permis d’examiner le corbillard dont il a la garde.
• Jean-François Porcher, responsable du Musée Napoléonien de l’île d’Aix, qui lui a communiqué les informations sur le morceau de cercueil recueilli par le général Gourgaud.
• Michel Martineau, conservateur des Domaines français de Sainte-Hélène, et Albert Martin, qui ont orienté sa recherche du Journal de Darling.

Notes

(1) Le nouveau et second cercueil en plomb a été soudé par le plombier Leroux, venu spécialement à cet effet de Paris à bord de la corvette la Favorite, escortant la Belle Poule. Les historiens qui citent les noms des membres de la mission du Retour des cendres omettent souvent ceux du plombier et des deux enfants de choeur, Dufour et Léveillé.
(2) Georges Rétif prend apparemment un nom de plume, permettant d'évoquer Nicolas Restif de la Bretonne (1734-1806), prolixe auteur du XVIIIe siècle.
(3) Dont le journal, inédit en français, figure sur napoleon.org à https://www.napoleon.org/fr/salle_lecture/articles/files/obsequesnapoleon_tapissierdarling.asp
(4) Le texte intégral de l'article du colonel Mac Carthy est disponible sur napoleon.org à https://www.napoleon.org/fr/salle_lecture/articles/files/cendres_Empereur_sont-elles_Invalides1.asp
(5) Bruno Roy-Henry, « Napoléon repose-t-il aux Invalides ? », Historia, n° 638, février 2000.
(6) Bruno Roy-Henry, Napoléon, l'énigme de l'exhumé de 1840, Paris, l'Archipel, 2000.
(7) En 1840, des témoins signalent quelques débris d'étoffe pendant sous le cercueil d'acajou lorsqu'on le soulève. Il est donc possible que Darling, sans le noter, ait trouvé un morceau de velours et l'ait collé sous le fond.
(8) Ce texte illustre la faculté d'appropriation d'Antommarchi. En effet, Darling révèle que le vase fut rempli d'alcool par le docteur Rutledge, chargé de la surveillance du coeur, et que la soudure fut réalisée par les soudeurs professionnels de Darling.
(9) Tous les témoignages concordent.
(10) À noter que Darling ne cite pas cette raison pour la fermeture des cercueils dès le 7 au soir, mais plutôt le désir d'Hudson Lowe d'en finir sans tarder.
(11) Dalles aujourd'hui visibles dans le jardin, près du dôme des Invalides.
(12) Pour tenter d'y voir clair dans l'affaire des masques, qui a donné lieu à un littérature aussi abondante qu'embrouillée, le mieux est de se reporter à l'article de Fernand Beaucour, dans l'édition 1999 du Dictionnaire Napoléon de Jean Tulard, « Le masque mortuaire de Napoléon », tome 2, page 285.
(13) En 1840, aucun de ses anciens « amis » ne songea à se rendre sur la tombe de Cipriani, et encore moins à profiter du voyage de la Belle Poule pour rapatrier son corps. Sa tombe avait cependant coûté une somme conséquente, payée par Napoléon. Il est faux de prétendre que cette tombe ait été volontairement détruite. Disons plutôt qu'il ne semble pas possible aujourd'hui de l'identifier.
(14) Pour appuyer sa thèse, Georges Rétif n'hésite pas à recourir à la supercherie. Ainsi présente-t-il une caricature anglaise comme étant un portait de Cipriani, alors que la légende du dessin indique qu'il s'agit d'une caricature du général Gourgaud, pas très bonne il est vrai.
(15) L'ADN mitochondrial, le plus aisé à analyser dans ce genre de situation, se transmet en ligne féminine. Pendant qu'on y serait, on pourrait aussi envisager un prélèvement sur le corps de Madame Mère qui se trouve à Ajaccio !
(16) L'appellation officielle est char funèbre. Mais le mot corbillard apparaît dès le XVIIe siècle par déformation du mot corbeillard, désignant la patache fluviale assurant la liaison Corbeil-Paris et avançant très lentement au milieu des bancs de sable de la Seine. Le corbeillard fut d'ailleurs emprunté en mai 1784 par Bonaparte qui venait de l'École militaire de Brienne pour terminer ses études à l'École militaire de Paris.
(17) Pourtant, aux Invalides, le corps de Napoléon est dans cinq cercueils : les trois initiaux de 1821, un second cercueil en plomb (1840) et un sarcophage en ébène, fermant à clé. Il y en eut même un sixième, une caisse en chêne utilisée pour protéger le sarcophage d'ébène durant le voyage, mais elle ne fut pas conservée.
(18) Un tout nouvel appareil, le daguerréotype, avait été embarqué sur la Belle Poule, mais était-il en panne, ou n'y avait-il pas d'officier en maîtrisant le mode d'emploi ou bien, le réflexe paparazzi n'existant pas encore, personne n'a-t-il pensé à l'utiliser ? D'ailleurs, vu le temps qu'il faisait, il aurait fallu au moins cinq minutes de pose !
(19) Une tentative analogue, entreprise récemment à l'initiative de la revue Science et Vie sur des cheveux attribués à Napoléon, s'est traduite par un échec.
(20) Nous n'évoquerons que pour mémoire les récits que l'on transmet aux enfants dans certaines familles et qui marquent leur esprit pour la vie. Un aïeul aurait assisté à une ouverture nocturne du cercueil aux Invalides entre 1841 et l'inhumation définitive en 1861. Ou bien le sarcophage de porphyre aurait été ouvert et inventorié, entre les deux guerres mondiales et tout aussi secrètement, sur l'ordre d'Aristide Briand ou d'Édouard Herriot. La preuve en est que « les témoins » ont observé que les bottes étaient décousues ! L'imagination humaine est sans limite.
(21) Allusion au film Monsieur N. d'Antoine de Caunes.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
455
Numéro de page :
35-45
Mois de publication :
février-mars
Année de publication :
2003
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