Document > Décret impérial n° 3210 du 17 mars 1808 concernant les juifs [sur l’usure, la patente de commerce renouvelable, la conscription, l’installation des juifs dans l’Empire : décret qualifié d’infâme / nde]

Auteur(s) : NAPOLEON I
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Au palais des Tuileries, le 17 mars 1808

NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D’ITALIE, et PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN ;

Notre Conseil d’État entendu,
Nous AVONS DÉCRÉTÉ et DÉCRÉTONS ce qui suit :

TITRE Ier

Art. Ier. À compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806, pour le paiement des créances des juifs est levé.

2. Lesdites créances seront néanmoins soumises aux dispositions ci-après.

3. Tout engagement pour prêt fait par des juifs à des mineurs, sans l’autorisation de leur tuteur ; à des femmes, sans l’autorisation de leur mari ; à des militaires, sans l’autorisation de leur capitaine si c’est un soldat ou sous-officier, du chef de corps si c’est un officier, sera nul de plein droit, sans que les porteurs ou cessionnaires puissent s’en prévaloir et nos tribunaux autoriser aucune action ou poursuite.

4. Aucune lettre de change, aucun billet à ordre, aucune obligation ou promesse, souscrit par un de nos sujets non commerçant, au profit d’un juif, ne pourra être exigé sans que le porteur prouve que la valeur en a été fournie entière et sans fraude.

5. Toute créance dont le capital sera aggravé d’une manière patente ou cachée, par la cumulation d’intérêts à plus de cinq pour cent, sera réduite par nos tribunaux.
Si l’intérêt réuni au capital excède dix pour cent, la créance sera déclarée usuraire et, comme telle, annulée.

6. Pour les créances légitimes et non usuraires, nos tribunaux sont autorisés à accorder aux débiteurs des délais conformes à l’équité.

TITRE II

7. Désormais, et à dater du 1er juillet prochain, nul juif ne pourra se livrer à aucun commerce, négoce ou trafic quelconque, sans avoir reçu, à cet effet, une patente du préfet du département, laquelle ne sera accordée que des informations précises, et que sur un certificat, 1.° du conseil municipal, constatant que ledit juif ne s’est livré ni à l’usure ni à un trafic illicite ; 2.° du consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite, attestant sa bonne conduite et sa probité.

8. Cette patente sera renouvelée tous les ans.

9. Nos procureurs généraux près nos cours sont spécialement chargés de faire révoquer lesdites patentes, par une décision spéciale de la cour, toutes les fois qu’il sera à leur connaissance qu’un juif patenté fait l’usure ou se livre à un trafic frauduleux.

10. Tout acte de commerce fait par un juif non patenté sera nul et de nulle valeur.

11. Il en sera de même pour toute hypothèque prise sur des biens par un juif non patenté, lorsqu’il sera prouvé que ladite hypothèque a été prise pour une créance résultant d’une lettre de change, ou pour un fait quelconque de commerce, négoce ou trafic.

12. Tous contrats ou obligations souscrits au profit d’un juif non patenté, pour des causes étrangères au commerce, négoce ou trafic, pourront être révisés par suite d’une enquête de nos tribunaux. Le débiteur sera admis à prouver qu’il y a usure ou résultat d’un trafic frauduleux; et, si la preuve est acquise, les créances seront susceptibles oit d’une réduction arbitrée par le tribunal, soit d’annulation, si l’usure excède dix pour cent.

13. Les dispositions de l’article 4, titre Ier du présent décret sur les lettres de change, billets à ordre, etc. sont applicables à l’avenir comme au passé.

14. Nul juif ne pourra prêter sur nantissement à des domestiques ou gens à gages ; et il ne pourra prêter sur nantissement à d’autres personnes qu’autant qu’il en sera dressé acte par un notaire, lequel certifiera, dans l’acte, que les espèces ont été comptées en sa présence et celle des témoins, à peine de perdre tout droit sur les gages, dont nos tribunaux et cours pourront en ce cas ordonner la restitution gratuite.

15. Les juifs ne pourront, sous les mêmes peines, recevoir en gage les instruments, ustensiles, outils et vêtements des ouvriers, journaliers et domestiques.

TITRE III

16. Aucun juif, non actuellement domiciliée dans nos département du Haut et du Bas Rhin, ne sera désormais admis à y prendre domicile.
Aucun juif, non actuellement domicilié, ne sera admis à prendre domicile dans les autres départements de notre Empire, que dans le cas où il y aura fait l’acquisition d’une propriété rurale et se livrera à l’agriculture, sans se mêler d’aucun commerce, négoce ou trafic.
Il pourra être fait des exceptions aux dispositions du présent article, en vertu d’une autorisation spéciale émanés de nous.

17. La population juive, dans nos départements, ne sera point admise à fournir des remplaçants pour la conscription : en conséquence, tout juif conscrit sera assujetti au service personnel.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

18. Les dispositions contenues au présent décret auront leur exécution pendant dix ans, espérant qu’à l’expiration de ce délai, et par l’effet des diverses mesures prises à l’égard des juifs, il n’y aura plus aucune différence entre eux et les autres citoyens de notre Empire ; sauf néanmoins, si note espérance était trompée, à en proroger l’exécution pour tel temps qu’il sera jugé convenable.

19. Les juifs établis à Bordeaux, et dans les départements de la Gironde et des Landes, n’ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite, ne sont pas compris dans les dispositions du présent décret.

20. Nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Signé NAPOLÉON

Par l’Empereur :
Le ministre Secrétaire d’état, signé Hugues B. Maret

 

SOURCE > Bulletin des Lois, 1808, tome 8, 4e série, décret 3210 du 17 mars 1808, p. 200-203.

Consultez notre dossier thématique Napoléon Ier, le Grand Sanhédrin et l’intégration des juifs sous l’Empire.

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