Le manuel de droit public de Junker (1786)

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Le manuel de Junker reprend le cours que Georges-Adam Junker (1716-1815) donna à partir de 1783. Le cadet-gentilhomme Bonaparte suivit ce cours.

Lire aussi l’article de Thierry Lentz : La formation « juridique » de Napoléon

 

Titre complet :

Leçons de droit public dédiées à Monsieur, frère du Roi, par M. Junker, docteur de l’université de Gottingue, ancien conseiller de Cour et de Régence de Monseigneur le Comte régnant de Solms-Laubach, premier professeur de Morale et de Droit public à l’Ecole Royale Militaire de Paris, Chez Couturier, imprimeur-libraire, quai et près de l’église des Grands Augustins, au Coq, 1786, volume I, 144 pages. Dans son envoi à Monsieur, Junker indique qu’il s’agira de « traiter de la morale des peuples et de la science des gouvernements ». 2 volumes annoncés mais sans doute un seul publié (144 pages). Junker était surtout connu comme traducteur d’œuvres théâtrales et philosophiques allemandes. Il avait livré, en 1763, une Introduction à la lecture des auteurs allemands pour l’usage de l’Ecole royale militaire. Il consacra aussi beaucoup d’énergie à produire des recueils de textes choisis dont Choix de philosophie morale (1771) et Recueil historique ou Choix de pièces morales et amusantes (1773). Après la suppression de l’Ecole militaire par la Révolution, Junker termina sa carrière comme professeur à l’école centrale de Fontainebleau. Sur son œuvre : Examen critique et complément des dictionnaires historiques les plus répandus, Rey et Gravier, 1820, t. I, p. 480-481. Ajoutons que de nombreux ouvrages spéciaux, dans diverses matières, étaient composés et imprimés « à l’usage des élèves de l’école royale militaire » dont ils constituaient les « manuels » (voir : Emmanuelle Chapron, « Des livres ‘pour l’usage de l’Ecole royale militaire’ : choix pédagogiques et stratégies éditoriales », Histoire, économie et société, 2014-I, p. 3-16).

Plan de l’ouvrage

Introduction et grandes définitions

Après avoir expliqué que « le droit naturel et le droit politique combinés sont nécessaires à tous ceux qui tiennent les rênes d’un Etat et qui partagent les soins du gouvernement » (p. XII), Junker annonce son programme. Il se propose d’enseigner autant le droit public positif -défini par lui comme : « Les lois et coutumes qui règlent les obligations entre le Souverain et les sujets »- que la science politique -soit le droit constitutionnel, les droit naturel et le droit des gens ».

Ire Partie, contenant les principes du droit naturel et de la morale

Chapitre Ier : Du droit naturel

« Le droit naturel comme science est une connaissance raisonnée des devoirs de l’homme considéré dans l’état de nature, c’est-à-dire hors de toute société civile. Tout devoir suppose une loi ; le droit naturel peut donc être regardé comme le code systémique des lois naturelles » (p. 1) ; « Les lois naturelles sont les lois divines […]. Le législateur homme ne peut et ne doit faire autre chose que d’appliquer les lois naturelles à des cas particuliers » (p. 5).

Chapitre II : Des devoirs et des droits naturels en général

« L’obligation précède toujours le droit, et où il n’y a point de devoirs, il ne peut exister aucun droit » (p. 7) ; « On appelle moralement égaux ceux qui ont les mêmes devoirs et les mêmes droits » (p. 13) ; « On passe de l’état naturel à l’état moral lorsqu’on a déterminé les droits et obligations dans l’ordre civil » (p. 14).

Suivent les grandes définitions : état moral, état civil, puissance, action juste, obligations, etc.

Chapitre III : De nos devoirs envers Dieu

« L’Etre suprême est trop élevé pour qu’une chétive créature lui puisse rendre le moindre service ; par conséquent, Dieu n’a pas besoin de l’homme, mais l’homme a besoin de Dieu » (p. 19) ; L’homme est « redevable à la bonté divine » de « tous les biens dont il jouit et que la terre lui offre de toutes parts » (p. 19) ; « Le premier principe du droit naturel est qu’il faut faire ce à quoi nous porte notre instinct éclairé » (p. 21).

Chapitre IV : Des devoirs envers nous-mêmes.

L’instinct doit être corrigé par la raison. Mais celle-ci n’est pas suffisante. L’un et l’autre doivent sans cesse « se corriger mutuellement ». Suit une première liste d’instincts.

Chapitre V : Des devoirs envers nos semblables

Suite du passage en revue des instincts : humanité ou sympathie, amour du prochain, bienfaisance, pitié ; gratitude ou « amour des bienfaiteurs » ; tendance à faire le mal ou à offenser ; nécessité de la punition ; honneur, estime, « contraires de honte ou ignominie ».

Suivent quelques sentences sur certains points de droit positifs, dont l’auteur dit qu’ils sont tirés de l’expérience et du droit romain : « On appelle convention une promesse acceptée » (p. 48) ; « Une promesse arrachée frauduleusement n’oblige à rien » (p. 49) ; « Pour promettre une chose, il faut en avoir une idée et en connaître la valeur » (p. 50) ; « l’obligation qui résulte du pacte ne peut être étendue au-delà de la volonté ou de l’intention des parties contractantes » (p. 53) ; etc..

Chapitre VI : Du Domaine, ou de la propriété et la manière de l’acquérir.

Une fois sorti de la « communauté primitive », l’homme s’est mis à posséder et a réglementé ce droit civil. Suivent de nouvelles définitions comme celle des donations (« acte par lequel nous transférons gratuitement à un autre la prpriété d’une chose quelconque », p. 63) ou de l’échange (« contrat onéreux où l’on donne une chose pour en recevoir une autre », p. 67).

L’ouvrage se poursuit par deux chapitres généraux énonçant les principes de droit positif :

Chapitre VII : Du prêt, du louage et de quelques autres contrats

Chapitre VIII : De la prescription et des testaments.

L’auteur poursuit par :

Chapitre IX : Des sociétés naturelles

« On peut regarder le genre humain comme destiné à vivre en société » (p. 92). L’auteur définit ensuite différents types de sociétés : égales (tous les membres ont les mêmes droits) et inégales (quelques « associés » ont des droits particuliers), perpétuelles ou à temps. Il définit ensuite une société maison, composée elle-même des sociétés conjugale (« pour perpétuer l’espèce », p. 97), paternelles « en vue de l’éducation des enfants », p. 100), hérile -qui appartient à un maître- (où les inégalités sont acceptées, comme pour les femmes ou les domestiques, p. 101).

Chapitre X : Contenant des principes de morale

Critique de la méchanceté et de la dépradation, pour mettre en valeur les vertus : « Pour être vertueux, il ne suffit pas de faire le bien ; il faut le faire par principes » (p. 109).

Chapitre XI : De la prudence

Elle est largement définie comme un complément de la sagesse et englobe la prévoyance, la circonspection, la présence d’esprit ou attention aux autres, la résolution, le courage.

Dans l’introduction générale, Junker avait annoncé l’ensemble de son programme de cours. Dès lors, le volume II devait contenir des développements sur :

  • Le droit politique, la société civile et le gouvernement civil
  • Le droit des gens, ses principes et les conventions auxquelles il donne lieu
  • Un précis historique des événements qui ont produit l’état actuel de l’Europe et des autres parties du monde ; constitution et droit public particulier des principaux Etats ; des notices sur les traités en vigueur ; des remarques sur les intérêts des princes ; des observations instructives sur les fonctions et droits du corps diplomatique.
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