Le Second Empire et la Banque

Auteur(s) : CLAEYS Thierry
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Avec Napoléon III, le secteur bancaire connaît plusieurs évolutions majeures, des révolutions même. (1)

Le Second Empire et la Banque
Napoléon III et l'économie © Éditions CNRS

Pour résumer les grandes innovations bancaires qui eurent lieu sous le Second Empire à partir des créations et transformations de plusieurs établissements bancaires qui virent le jour au cours de la période 1848-1870, quatre révolutions peuvent être ainsi clairement définies :

– La création du Crédit Foncier de Paris ou Banque Foncière de Paris, société de crédit foncier (28 février 1852), transformée en Crédit Foncier de France (22 mars 1853) – fondé puis dirigé par l’économiste polonais Louis Wolowski, professeur au Conservatoire des arts et métiers, d’après les idées des frères Pereire –, qui constitua un outil essentiel aux réalisations de l’urbanisme haussmannien. En 1856, ses statuts furent calqués sur ceux de la Banque de France. En 1861, le Crédit Foncier fonda la première Société de Crédit Agricole, souhaitée par Napoléon III depuis le milieu des années 1850. Le 7 mai 1860, le Crédit Foncier de France récupéra le Sous-comptoir des entrepreneurs du bâtiment au détriment de sa maison-mère, le Comptoir d’Escompte de Paris.

– En vertu d’un décret impérial du 25 mai 1860 – et consécutivement au Traité de libre-échange signé avec l’Angleterre le 23 janvier 1860 –, le Comptoir d’Escompte de Paris (2), spolié de sa filiale, était autorisé à établir des agences en France, dans les colonies françaises et à l’étranger, avec l’autorisation du ministre des Finances. Dans la foulée, il en installa notamment à La Réunion, en Inde et en Extrême-Orient (Hong Kong, Shanghai, Saigon). En outre, en octobre 1860, il fonda une filiale : la Société de Crédit colonial qui devint en 1863 la Société de Crédit foncier colonial. Il s’agissait de la première banque française à vocation internationale.

– Les créations de deux Joint Stock Banks à l’anglaise, calquées sur le modèle de la Société générale du Crédit Industriel et Commercial – société anonyme autorisée par un décret du 7 mai 1859 – : le Crédit lyonnais en juillet 1863, fondée par des soyeux lyonnais et des métallurgistes, et la Société Générale, fondée en avril 1864, par des banquiers, des capitalistes britanniques et un groupe d’industriels (Eugène Schneider du Creusot, Basile Parent, l’un des fondateurs de Fives-Lille, Paulin Talabot, qui présidait le P.L.M. et Mokta el Hadid, notamment). À la différence du C.I.C., ces banques de dépôt, drainant l’épargne tant « des humbles » que d’un groupe très large de bourgeois de province par la multiplication des succursales sur le territoire français, faisaient également fonction de banques d’affaires.

– Enfin, la loi du 24 juillet 1867 – voulue par Napoléon III dès 1861, visant à la libération des sociétés anonymes, permit l’émergence de nouveaux établissements bancaires et de crédit importants : la Société Financière d’Armand Donon en 1868 – ultérieurement la Société Financière de Paris –, la Banque de Paris en mars 1869, qui devint le 2 février 1872 la Banque de Paris et des Pays-Bas suite à la fusion avec la Banque de crédit et de dépôt des Pays-Bas, et la Banque Franco-Égyptienne en mars 1870. Cette loi, qui ôta au Conseil d’État ses prérogatives sur la formation de sociétés anonymes, constitua le point de départ de la création de très nombreuses sociétés anonymes au cours des décennies suivantes.

(1) Dans l’ouvrage, le propos de Thierry Claeys a été par erreur attribué à un autre auteur. Outre son intérêt, cette publication en ligne permet de la rectifier.

(2) Il vit le jour sous la dénomination de Comptoir national d’escompte de la Ville de Paris le 25 avril 1848, suite aux décrets des 7, 16 et 24 mars 1848, à l’origine de de comptoirs nationaux d’escomptes dans 65 villes ainsi que 14 sous-comptoirs de garantie à raison d’un par principale branche professionnelle, dont le Sous-comptoir des entrepreneurs du bâtiment.

Thierry Claeys, Extrait de Napoléon III et l’économie, Paris, Editions CNRS, 2024

Docteur en histoire, membre de l’IRCOM – Centre Roland Mousnier, UMR 8596, Sorbonne Université, Thierry Claeys a publié le Dictionnaire biographique des financiers au XVIIIe siècle (SPM, 2008 et 2011, 2 volumes), Les Institutions financières de la France au XVIIIe siècle (SPM, 2011, 2 volumes). Il prépare un dictionnaire sur les banques et les banquiers parisiens de Louis XIV à 1928.

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